MYRIADES.CH https://www.myriades.ch around the world Sun, 21 Jul 2024 07:08:53 +0000 en-US hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.7 https://www.myriades.ch/wp-content/uploads/2017/04/cropped-Icon-1-32x32.png MYRIADES.CH https://www.myriades.ch 32 32 Baleines, baleines, baleeeeeines !!! https://www.myriades.ch/2024/07/16/baleines-baleines-baleeeeeines/ https://www.myriades.ch/2024/07/16/baleines-baleines-baleeeeeines/#respond Tue, 16 Jul 2024 01:16:03 +0000 https://www.myriades.ch/?p=7049 Rencontres baleinistiques

Si l’Alaska nous séduit tant (non non, c’est pas le climat sérieusement pluvieux qui nous ravit ici), c’est bien par sa nature animalière, sauvage, brute, loin des hommes, et les rencontres magnifiques avec la faune marine.

C’est toujours imprévisible, fugace, stupéfiant, captivant ; ces rencontres ont un attrait quasi magnétique, on ne peut s’en détacher, on ne peut s’en séparer, c’est chaque fois à regret qu’on quitte la scène, ou qu’on laisse le bateau s’éloigner.

On vous raconte ici quelques épisodes marquants.

 

Péninsule Kenaï (juillet 2023)

La première fois qu’on a assisté à une scène de baleines en chasse, c’était au pied de la péninsule Kenaï, entre l’ile de Kodiak et le Prince William Sound. Il faisait grand beau, l’eau était ridée par un petit vent léger, les iles vertes et bleues se détachaient des montagnes enneigées en arrière-plan, le paysage était vraiment éblouissant.

Nos amis nous avaient signalé la présence de groupes (pods) de baleines dans le coin, et nous avaient dit « guettez les oiseaux, observez les mouettes et les goélands, ils vous guideront jusqu’aux baleines ». Ok. On guette. On guette aussi les bateaux touristes qui se tiennent immobiles sur certaines zones, c’est une bonne info de potentielles scènes d’observation.

On repère les bateaux, on repère les mouettes, on guette, et on observe.

C’est là qu’on découvre deux-trois groupes de baleines à bosse (Humpback wales) qui semblent assez coordonnées puisqu’elles nagent et plongent toutes en même temps, pour ressortent de l’eau d’un seul mouvement, à la verticale, hyper groupées, la tête en l’air, la gueule grande ouverte, la poche de leur gorge largement dilatée, emplie de centaines de litres d’eau pleine de petits poissons (harengs en général, mais des saumons qui chassent aussi les harengs doivent bien se faire prendre au piège …).

Et puis les gigantesques gueules se referment dans un grand clap, et disparaissent comme elles sont apparues, se laissant couler sous la surface. Des corps et des nageoires réapparaissent, ça frappe l’eau, on aperçoit un ventre, une grande pectorale blanche, quelques dos noirs et lisses, puis quelques caudales et les voilà reparties vers les profondeurs, préparant leur prochain assaut, leurs prochaines bouchées.

On a assisté à notre première séance de Bubble Feeding. Incroyable. Fascinant.

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On reste une bonne heure sur place à les observer (on est sous moteur, les voiles sont rangées, et en gros, elles sont à 200-300m du bateau), à guetter les oiseaux pour savoir où les immenses bouches vont surgir ; les groupes ne chassent pas tous au même endroit, on ne sait pas trop où donner de la tête tellement le pestacle est fascinant.

A un moment, on voit les oiseaux se rapprocher de nous, tournicoter dans tous les sens, aller et revenir, et puis tout à coup, revenir très vite dans notre direction … Aha. Ok. On a tous les quatre les yeux rivés sur l’eau, et on entend Nathan tout à coup « je vois des bulles ! je vois des bulles, là, qui remontent le long de la coque !!! » et puis « avance Hugo, avance, avaaaance !!!! » et à son tour, Hervé  « Hugo, freine !! freine !!!! » et puis tous ensemble « elles sont là ! elles sont là, devant !!! » et devant, c’est à 5 mètres de l’étrave de Myriades …. !

On est au milieu d’un ballet de gueules grandes ouvertes et de mouettes qui piaillent et volent dans tous les sens, ça nous éclabousse de turquoise et d’écume, les gueules bleu sombre de la peau des baleines, striées de gris et de blanc, sont tendues vers le ciel, semblent suspendues indéfiniment, puis s’effacent gentiment sous la surface … On n’en revient pas. Puis ne restent que les mouettes qui se jettent sur les restes …

C’est nous qui sommes bouche grande ouverte, bouche bée, sonnés par cette pêche miraculeuse sous nos yeux. Au moins 15 baleines de la taille de Myriades sont venues nous inviter à leur table, le temps d’une bouchée. Merci les amies.

 

 

Tenaki Spring (mai 2024)

On est à Tenaki, village de 80 habitants (en été, 10 à l’année), le long du Chatham Strait, à l’est de l’ile Chicagof/Baranof, île qui abrite la petite ville de Sitka.

Dans le petit port de pêcheurs de Tenaki, composés d’une demi-douzaine de pontons, on est amarrés à l’intérieur du ponton extérieur, avec des jolis chalutiers de toute taille non loin. Les pontons flottants sont maintenus par de longs piliers bétonnés dans le sol, espacés de 15-20 mètres les uns des autres. Il doit y avoir une soixantaine de bateaux dans le port.

On entend régulièrement au loin les souffles de baleines, Hervé a vu passer un pod d’orques aux jumelles, il y a du monde sous l’eau, c’est sûr. Et là, on entend le souffle d’une baleine de plus en plus près, jusqu’à voir le dos d’une belle humpback passer juste à l’extérieur de notre ponton, à 5 mètres du bateau. On l’observe, elle longe le ponton, puis plonge, et ressort à l’intérieur du port. Elle chasse, seule, les bancs de harengs s’étant réfugiés pensaient-ils à l’abri, près des bateaux.

Elle passe une heure dans le port à faire du bubble-feeding toute seule, cernant les bancs de harengs de sa barrière de bulles, et puis remontant à la surface la gueule grande ouverte pour se gaver, et sitôt replonger.

Sa mobilité nous fascine, sa souplesse, sa capacité à se mouvoir au milieu des poteaux et des bateaux sans rien toucher, sans rien heurter, son aisance à déplacer cette masse, son volume impressionnant … Voilà quelques images :

 

Tatcher Point, en face de Angoon (juin 2024)

Après le bubble-feeding en groupe de Kenaï, puis la chasse solitaire d’une baleine dans le port de Tenaki, nous découvrons cette fois la magie du bubble-feeding d’une maman baleine accompagnée de son veau, qui font du lèche-cailloux.

Je dis magie, parce que c’est la première fois que nous pouvons filmer les baleines en action en prise de vue aérienne. Les images nous laissent pantois, fascinés, ébahis.

C’est absolument somptueux d’observer les mouvements de la baleine et de son bébé, leurs déplacements synchrones, leurs ondulations dans le même tempo, découvrir les jeux de l’un et la virtuosité de l’autre à freiner sur ses « pattes arrière » pour amorcer un virage serré …

Les images révèlent aussi les mouvements que nous avions compris mais jamais vus : le plongeon de la baleine sous les bancs de poissons, puis le cercle qu’elle amorce en s’élançant sur le dos pour souffler ses bulles vers la surface en une danse concentrique de plus en plus serrée, avant de percer le plan d’eau la gueule ouverte pour engloutir tous les petits harengs pris au piège de bulles.

Notre chance ce jour-là : une eau calme, peu profonde, et du soleil. Les variations de couleur des algues et les profondeurs d’eau rajoutent de la beauté à cet instant unique.

A vous de savourer, nous on ne s’en lasse pas. Montez le son, mettez l’image en plein écran, et régalez-vous.

Tebenkof Bay (juin 2024)

La baie de Tebenkof se situe au sud-est de l’île de Sitka, non loin de l’embouchure sud du Chatham Strait qui déboule dans le Pacifique. A cet endroit, le Chatham est profond d’au moins 300 mètres. Tebenkof se situe sur un plateau sous-marin à 50 m environ de profondeur. Ce qui explique la présence régulière des baleines par ici : les bancs de poissons remontent Chatham pour venir dans les eaux plus calmes de Tebenkof, et comme les petits poissons se font manger par les moyens poissons, et que les gros poissons mangent les petits et les moyens poissons, résultat des courses c’est que dans Tebenkof Bay tu croises autant de pêcheurs que de baleines.

Notre surprise ici, c’est l’organisation de la chasse des baleines, et leur communication entre elles !! Stupéfiant ! On était pendant un moment en discussion à la radio avec Réjane et Charly de LONGTEMPS SUR L’EAU, et puis leur radio crépitait, on ne les entendait plus trop bien. Un peu de silence, et puis tout à coup : coup de corne de brume, bien sonore bien puissant … on se demande ce que c’était, on rappelle LONGTEMPS « tout est ok chez vous ou pas ? pourquoi vous sortez la corne de brume ? » et eux « nan nan, c’est pas nous, tout va bien » … ok, mais alors, qu’est-ce ?

Eh bien ce sont les baleines !! qui disaient haut et fort, clairement, « rappliquez les gars, c’est par ici que ça se passe » … Et … et c’est juste fabuleux. Merci la Vie pour ce cadeau !

Le ciel et l’eau sont gris, et entre les deux, défilent à toute allure des silhouettes bleu-gris quasi noires, …ailerons, nageoires, dos ronds, longs « troncs d’arbre », belles caudales, des baleines à profusion. Elles évoluent en groupe, en pod, et coursent les bancs de poissons, les encerclent de leurs bulles, les happent de leur grande gueule, et repartent contentes, battant l’eau de leur nageoire pectorale.

Train de baleines

Ce qui nous fascine aujourd’hui, c’est leur « ordre de marche ».
Clairement il y a un.e chef.fe qui décide ce qui se passe, où et à quel moment. Retentit tout à coup dans l’air un coup de clairon, tel une corne de brume bien sonore, bref, vrai coup de canon, puis voilà un train de baleines qui nage en surface, les unes derrière les autres, soufflant de concert, et ça tchoutchoutte à tue-tête, nuages d’eau sortant de leur évent juste à la surface, toutes dans la même direction, ça souffle dans les tuyaux, puis un autre signal, et les voilà qui sondent les unes après les autres.
Eau calme.
Silence.
Et puis la surface de l’eau se modifie et voilà quinze-vingt gueules dans un mouchoir de poche qui surgissent des profondeurs, s’ouvrent grand, et d’un vaste clap se referment sur une énorme bouchée d’océan. Puis repartent d’où elles sont venues, disparaissent sous la surface. De-ci de-là une caudale encore, quelques nageoires pectorales battent l’air et l’eau comme si les baleines se frottaient le ventre, et l’eau se calme à nouveau. Et quelques ronrons très bas, vibrants, profonds, comme un gros « mmmhhh, c’était bon », un son de contentement, tellement puissant, sourd, intense …

Elles nagent et déambulent tout autour de nous, où qu’on regarde on en voit à 200-300 mètres du bateau ; il y a en a bien 50-60 dans la baie. Certaines viennent tout près de Myriades, nous évitent soigneusement. Derrière nous, un gros morceau de Humpback s’amuse à sauter haut, 2-3 fois, sortant de l’eau à la verticale jusqu’à avoir ses deux pectorales dans l’air, et retombe sur son dos.

Puis le ballet reprend, les trains se remettent en route, ronronnant, soufflant, claironnant haut et fort, on a parfois le sentiment d’entendre le ronronnement d’un lion ou le barrissement d’un éléphant, souvent des souffleurs dans de longs tuyaux, comme Jean qui souffle dans une bouteille. Puis silence. Puis les claps des bouches ouvertes.

Puis on se donne le clap de fin, on a vraiment  de la peine à s’extraire de ce spectacle. On remet le moteur en marche à reculons, mais hormis les baleines, il y a aussi les saumons qui nous attendent 😉

Pour nous consoler de ce départ, un dernier cadeau : une grosse baleine surgit de nulle part devant nous, s’élance vers le ciel, sort entièrement de l’eau, et se cambre sur la droite avant de replonger, ou plutôt de resplasher dans une énorme gerbe d’eau. Incroyable moment suspendu en l’air et dans le temps, stupéfiant de voir cette masse si imposante totalement hors de l’eau, à l’horizontale au-dessus de la surface, puis plus rien. 2 secondes furtives, 2 secondes d’éternité. Merciiiiiiiiii

Vidéo à venir …

 

 

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Pour vous permettre de rester avec nous, et nous avec vous, on a un nouvel outil qui permet de nous suivre H24, et quand on a un peu de connexion on peut y rajouter une image.

C’est à découvrir sur la page OÙ EST MYRIADES / EN TEMPS REEL ou via ce lien NoForeignLand 

Sinon pour résumer l’Alaska : les activités majeures sont la pêche, l’observation de la vie sauvage, loutres, ours, élans, aigles pygargues, saumons, … et la vie au rythme du soleil (quand il se montre), du vent et de la marée. Loin de tout. Dans le Wild. A terre quand les ours ne sont pas là …

On s’est baladés l’été 2023 dans le sud-ouest, un grand moment avec nos deux gars, dans les criques, les coves, les baies, en commençant à l’ouest de l’ile de Kodiak, et puis après on a traversé direction la Péninsule Kenaï, et on est allés se perdre dans le Prince William Sound pendant 2 mois, à naviguer au pied des glaciers, à pêcher le saumon et les crevettes, à gambader à terre dans les grosses flaques d’eau et les rivières.

On a poursuivi en duo en direction du sud est de l’Alaska, puis la Colombie Britannique, avant de mettre le bateau à sec sur l’ile de Vancouver pour l’hiver.

Et puis on est revenu en Alaska du sud-est ce printemps 2024, pour visiter cette fois cette région qu’on appelle “Inside Passage”, entre la Colombie Britannique au sud, et Glacier Bay au nord, non loin de Juneau (capitale de l’Alaska).

Je vais profiter des moments où la connexion sera suffisante pour poster quelques articles et vous présenter de belles images, histoire de vous faire rêver …

Pour les lecteurs au long cours, on publiera nos billets quotidiens sur notre page NoForeignLand qui vous permettront de vous immerger avec nous dans nos quotidiens, nos découvertes, notre réalité de chaque jour (ou presque).

Pour les lecteurs plus pressés, vous trouverez des articles sur des moments “phare”, une aventure particulière ou un sujet plus spécifique qu’on a envie de partager, et de faire ressortir des JDB (journal de bord).

On vous embrasse bien fort et on vous souhaite une belle lecture ! N’hésitez pas à nous dire ce que vous aimez ou préférez dans notre manière de raconter … Allez, bisous !

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Glacier Bay https://www.myriades.ch/2024/05/31/glacier-bay/ https://www.myriades.ch/2024/05/31/glacier-bay/#respond Fri, 31 May 2024 01:24:11 +0000 https://www.myriades.ch/?p=7093 On a eu l’immense chance d’avoir ma zinedamour Ségo à bord pendant quelques semaines, épisode heureux qui nous a offert une belle variété alaskienne, tant au niveau de la météo qu’au niveau des paysages et des habitants, à deux pattes, à quatre pattes et à nageoires …

C’est à Ségo, amoureuse du verbe, de la langue française et de la nature, que je laisse le plaisir de partager avec vous nos quelques jours dans Glacier Bay, parc naturel protégé qui se situe en bordure de l’Inside Passage, non loin de Juneau.

Glacier Bay – by Ségo

Dimanche 25 mai 2024 – Bartlett Cove – Fingers Cove – Jonhson Cove

Notre journée commence dans la baie en face du petit port de Bartlett Cove par un petit bain du matin, dans une eau à 7 degrés, sous les yeux de deux gars en ciré et « alaskian sneakers » (les bottes en plastique fourrées Néoprène que tout le monde porte ici) qui bricolent sur le ponton.

Puis nous partons pour un « trek » jusqu’à la rivière à travers une forêt de conifères moussus en partie effondrés, de lichens grands comme des feuilles de chou, de racines entremêlées et glissantes, d’humus noirâtre détrempé. Le sentier est par endroits aménagé avec de gros madriers de section carrée recouverts d’un solide filet qui prévient les glissades, le bois humide étant particulièrement casse-gueule. On est partis avec les bear sprays dans la poche, et on marche en parlant à voix forte pour ne pas risquer de surprendre les ours et les élans. Que faire en cas de rencontre avec un animal ? Les panneaux sont inratables à l’entrée de la forêt. Un ours brun ? Ne bougez pas, tenez votre place. S’il attaque, faites le mort. Un élan ? Mettez un arbre entre lui et vous. S’il attaque, courez ! Un ours noir ? Ne bougez pas. S’il attaque, défendez-vous vigoureusement (et priez… vous êtes mort)

Sur mon idée, nous quittons un instant la piste pour descendre marcher sur l’estran, mauvaise idée, car en baskets, nous voilà les pieds trempés en suivant Hervé qui s’en fout, lui, il a des chaussures étanches. Je râle un peu mais je ne regrette pas, c’était très beau…

Nous revoilà dans la forêt, à marcher en parlant… pas si facile, on n’a rien à dire, nous qui aimons marcher en silence ! Alors on commente tout ce qu’on voit, et parfois on se tait. Tout luit d’humidité. C’est une atmosphère étonnante, inconnue… les mousses et les fleurs sont différentes, les arbres cassés aux troncs gorgés d’humidité s’effondrent en mosaïques rouge vif — ce sont pour beaucoup des red cedar ou des épicéas (spruce) — cela fait de jolies taches de couleur dans l’univers vert luisant alentour.

Nous parvenons à la rivière sous un petit soleil agréable qui perce à travers les nuages, et Hervé sort aussitôt sa canne à pêche « juste pour voir », et 3 secondes après, ça mord ! Une petite truite au dos argenté qu’il relâche aussitôt, puis relance son appât et hop ! 3 secondes après ça mord encore ! On relâchera celle-ci aussi avant, de décider de rentrer au bateau.

Puis nous partons, le soleil aussi, et c’est sous une pluie froide et battante que nous ferons les quelques dizaines de milles qui nous séparent de Finger Cove où nous relâchons pour l’après-midi.

Vers 17 h 30, le soleil est de retour très largement, et nous remettons en route sur une mer magnifique et calme, cernée de hautes montagnes enneigées devant lesquelles des îles touffues d’épicéa forment un premier plan idéal.

Debout à la proue du bateau, je savoure le cœur ouvert ces merveilles absolues, le ciel bleu chargé de nuages, les îles, les rides minuscules de l’eau toute plate, les reflets à l’horizon, les couleurs… le long de notre bord passe une loutre sur le dos, portant son bébé sur le ventre, pas gênée du tout par notre présence, elle câline son petit en flottant comme un rondin à pattes et s’éloigne. Quelques milles plus loin, trois lions de mer avancent en rangs serrés… Toujours pas de baleine !

Nous sommes dans le grand canal principal de Glacier Bay, et tout devient vraiment sauvage. Plus une construction à l’horizon, nous sommes seuls à 360 degrés, pas un bateau en vue depuis l’énorme paquebot Norwegian Sun que nous avons croisé avant Finger Cove, sous la pluie… on croirait être un autre jour.

Nous atteignons Johnson Cove où nous allons passer la nuit, cachés derrière un îlet, abrités au creux d’une île où nous a dit qu’il y avait des ours et des loups. Nous verrons deux pygargues au vol majestueux, trois biches, des oies sauvages, des canards et un huîtrier au bec rouge, mais de loup ni d’ours, point. Long moment à regarder les animaux, le soleil tomber derrière l’île et les montagnes au loin se teinter de rose, perfect end of a perfect day

Lundi 26 mai – Johnson Cove-Bluemouse Cove

Ce matin, le rituel du bain à 7 degrés présente une variante intéressante : le soleil ! Bon on va pas se mentir, c’est pas moins froid quand t’es dedans, mais par contre c’est moins froid quand tu sors !

Départ ce matin pour un premier objectif, Marble Island, où vit une colonie de lions de mer.

Une colonie que l’on sent avant de la voir tellement ça pue… ensuite on l’entend : les lions de mer n’ont pas usurpé leur nom, ils rugissent littéralement et c’est une véritable cacophonie autour des deux ou trois îlots sur lesquels ils vivent…

Les observer est fascinant : une centaine d’énormes asticots luisants, d’une couleur allant du beige au chocolat et d’un volume allant de 20 à plus de 300 kg pour les plus gros (à vue d’œil !), sont vautrés au soleil sur de grosses dalles lisses, à moitié les uns sur les autres. La plupart ne font rien, certains se traînent jusqu’à l’eau où ils se laissent tomber sans aucune élégance dans un énorme plouf.

Les jeunes se chamaillent dans l’eau, quelques-uns chassent, et autant ils semblent lourdauds et moches sur terre, autant dans l’eau ils sont lestes, véloces, pirouettant dans tous les sens. L’un d’eux nous fait une démonstration époustouflante de ses talents de sauteur, saltos, triples lutz piqués, saut périlleux, ponctués par une gerbe d’éclaboussures.

On observe les énormes mâles au sommet des rochers qui rugissent à qui mieux mieux au milieu de leur harem. Fascinant.

Nous croisons des oiseaux de mers, quatre rares et splendides macareux à bec rouge, un vol d’oiseaux noirs à pattes rouge vif du plus bel effet, des fous qui peinent à s’envoler, et toute une clique de petits volatiles inconnus.
Et je constate que pour les oiseaux marins il y a deux stratégies à l’approche d’un danger : s’envoler, ou disparaître instantanément sous la surface. Hop ! La seconde d’avant il y avait un oiseau, une seconde après il n’y a plus qu’un rond dans l’eau. L’oiseau ? Disparu !

Nous naviguons de longues et splendides heures, entourés de chaînes de montagnes enneigées qui apparaissent et disparaissent au gré des nuages.

À tribord, il neige sur les sommets qui ont disparu, avalés par un rideau noir de nuages tourmentés. La mer est de carbone.
À bâbord, les épicéas verts éclatent sous le soleil, premier plan végétal à des pentes blanches et lisses qui montent à l’assaut de pointes rocheuses hérissées dignes de l’Himalaya, et donnent des envies de ski…
La mer est le vivant reflet bleu du ciel, semblant ignorer qu’en face, c’est le côté obscur qui gagne…
Devant, c’est une montagne multicolore, vert, brun, ocre, marron veiné du blanc des névés qui descendent dans chaque creux.

Sur le haut de ces pentes, à la jumelle, nous observons des chèvres des montagnes, blanches, laineuses, magnifiques, mais très loin, trop loin pour qu’on puisse en discerner les détails. La radio crachote, le Grand Princess, énorme paquebot qui se profile à l’horizon, nous demande de prendre 10 à 15 degrés plus nord pour les laisser passer entre nous et la montagne.

Partout à la surface nous voyons les petites têtes curieuses de dizaines de loutres qui nagent sur le dos, filent à toute allure, roulent et virevoltent en nous regardant.

Pas encore de dauphins… ah si ! en voilà un, tout petit, tout rond ! Mais il ne reste pas. On continue d’avancer dans ce décor de théâtre surdimensionné quand soudain « baleine ! » c’est Mel qui l’a vue en premier… Elle est tout près, elle souffle, son dos disparaît… plus rien et puis la voilà qui reparaît près du groupe d’oiseaux là-bas… elles sont deux peut-être… hop disparues à nouveau… soudain à bâbord une d’elle saute et sort de l’eau, la gueule énorme grande ouverte et retombe dans un gigantesque splash ! Wouah…. Nous les voyons encore quelques instants puis c’est fini, elles reprennent leur route et nous la nôtre.

Nous traversons le grand canal pour piquer sur notre crique de la nuit, Bluemouse Cove, que nous partons explorer en youyou avec Mel, enfin… pas trop téméraires les exploratrices quand même, la perspective de croiser un loup ou un ours nous rend fort frileuses et nous remontons vite sur le zozo pour aller plutôt explorer sur l’eau ! Au retour nous jouons avec les loutres, l’une d’elles nous passe à côté en câlinant son petit entre ses pattes, c’est si mignon !

Plus tard, l’intégralité des montagnes se découvrent dans le soleil du soir, une vision à couper le souffle, puis je perds au SkyJo et la fondue est prête…

Mardi 28 mai, Bluemouse Cove – Reid Inlet

La journée qui commence deux fois. 6h30, je me réveille et j’aperçois par le hublot Hervé dans le zodiac, à l’arrêt à quelques mètres de la rive, l’œil rivé au téléobjectif. En face de lui, sur l’estran, un ours énorme.

J’attrape une doudoune, grimpe l’escalier, saisis les jumelles au passage, saute dans mes bottes, et me voilà sur le pont, jambes nues, à scruter l’animal. C’est un ours brun magnifique, puissant, tranquille…. On discerne bien le détail de son poil de couleur chaude, ses reflets, ses mouvements de tête lorsqu’il broute… c’est fascinant. Il reste quelques minutes devant nous avant de retourner sous le couvert de la forêt.

Je contemple encore de longues minutes la splendeur du paysage qui nous entoure, hautes montagnes enneigées précédées de promontoires de roche et de terre brune qui se peuplent en descendant vers la mer d’un tapis de feuillus vert tendre desquels émergent par places la haute silhouette sombre des conifères. Puis je quitte doudoune et bottes et replonge sous la couette.

8 heures, deuxième départ de la journée. Mel est réveillée, je la rejoins au soleil sur le pont.  Nous écartons de la plage arrière le magnifique cabillaud que Hervé vient de pêcher (2,3 kg) et hop, à l’eau. Température de l’eau 9,7, température de l’air 7,8… voilà un mystère, mais du coup miracle, nous réussissons à faire quelques brasses jusqu’au dinghy et retour.  Yahoooo !  Je hurle de fierté, et Hervé sort d’un coup sa tête de l’échelle de descente : « y’a quoi ? Une baleine ? » non, rien…

Le soleil est tout doux et nous réchauffe après ce vrai bain, et les dauphins qui tournaient dans la baie se rapprochent et viennent chasser tout près du bateau, nous offrant un joli show pour nos réchauffer pendant que Hervé vide le poisson. Inspection de l’estomac de la bête : trois carapaces de crabe entières, un petit flétan, et un morceau de bois de 10 cm de long ! On se demande bien depuis combien de temps le pauvre cabillaud se promène avec ça dans le bide…

Quelques minutes après avoir levé l’ancre, c’est une baleine qui rentre dans la baie et vient se promener près de la côte, non loin de nous. Les dauphins sont toujours là, occupés à leur ballet ponctué de souffles et d’inspirations qui rythme l’apparition de leur dos luisant. Non loin, partout autour, des dizaines de loutres… Ce coin regorge de vie marine.

Nous quittons notre petite baie et rejoignons le canal principal. Le paysage est à couper le souffle. Où que l’on regarde… Montagnes enneigées à bâbord et devant nous, parois minérales à tribord, on ne sait plus où donner des yeux, d’autant qu’on scrute aussi la surface de la mer… Je vois un souffle au loin, indice de la présence d’une baleine, puis plus rien.

Nous décidons de contourner Russel Island et croisons ce qui ressemble au départ à un groupe de poules d’eau et se révèle être une colonie de loutres en migration.  À la queue leu leu, sur le dos, elles flottent en bande, certaines ont leur petit sur le ventre, d’autres sont seules. Leur silhouette est caractéristique : on voit dépasser de l’eau deux formes noires reliées par une ligne horizontale : leur tête à l’avant et leurs pattes palmées à l’arrière, et entre les deux un long corps qui est un gros flotteur sur lequel elles posent soit leur petit, soit leur crabe ou coquillage du moment, qu’elles mangent à grand bruit, en nageant à reculons.

Raconter le reste de la journée sans truffer mon texte de superlatifs va être un challenge en soi.

Je pourrais peut-être commencer par faire le décompte objectif des baleines… mais… je ne sais même plus… beaucoup !

Ensuite, évoquer la remontée du Tarn Inlet jusqu’aux deux glaciers, Margerie, le glacier blanc, et Grand Pacific Glacier, le glacier noir, sur une eau turquoise, sous un soleil égal, dans un ciel partagé, bleu au-dessus de nous et merveilleusement tourmenté au-dessus des montagnes qui nous surplombent de part et d’autre du grand bras de mer…  Baleines, phoques, dauphins, puis growlers, puis icebergs blancs, translucides, noirs, crayeux, striés, bleus, torturés, tourmentés, en forme de, petits, énormes, trop près, inquiétants… puis peu à peu, le front du glacier qui apparaît…. Les montagnes en arrière-plan… et là le silence, notre grand silence de bouches bées, le moteur coupé, à la dérive, notre grand silence empli de gratitude, de contemplation, de pas de mots, de splendeur juste brute, offerte, donnée, comme ça, gratos, tu prends ça dans la figure et tu chiales tellement c’est beau, tellement t’es petite, tellement tu mérites pas ça, tellement la terre est belle, tellement on ne la préserve pas assez, cette beauté-là, tellement t’as de la chance d’être là, toi, si petite humaine…

Un temps infini après notre grand silence dans le clapotis des growlers qui fondent, les claquements de tonnerre du glacier qui vêle, les chutes de séracs de 20 étages qui s’effondrent dans la mer et résonnent longtemps, un temps infini après, on décide de se remettre en route, et de se diriger vers Reid Inlet, un petit fjord en forme de baie, avec un glacier au fond, une montagne à gauche, une montagne à droite, une montagne devant, une montagne derrière.

Tout le temps de ce trajet, je tente de photographier ce que mon cœur a vu, mais rien n’y fait, tout est tellement en-deçà de ce que nous avons sous les yeux…

L’arrivée dans Reid Inlet est presque une déception : zut, il y a déjà deux bateaux… et puis on voit les dauphins, oh, et aussi le panache d’une baleine, regarde ! Quel comité d’accueil ! Allez, on n’a qu’à aller mouiller loin des deux autres, juste devant la moraine glaciaire, ouais allez, on y va !

Bam, nous voilà au pied du glacier, 50 mètres de chaîne et ça souffle bien frais, mais regarde comme on est bien, regarde comme on est des seigneurs ! Annexe à l’eau, les trois dedans en bottes et cirés, ni une ni deux on débarque sur la moraine, on ancre l’annexe à terre, 1 mètre de marnage encore, la marée n’est pas haute, et à l’assaut du glacier !

On n’en mène pas large après avoir vu les empreintes de loup puis d’ours dans l’argile sablonneuse et grise qui précède la moraine, mais on y va, allez, on va jusqu’au glacier !

Paysage lunaire, énormes monticules minéraux gris de glace noire semée de cailloux, veinés de blanc, traversés de torrents gelés qui mouillent jusqu’en haut des bottes, micro lacs glaciaires, crevasses en devenir, glace morcelée, glace vive noire et profonde, déchiquetée, tachetée de boue, de pierres enserrées depuis des siècles et qui descendent à la vitesse de 3 mètres par an jusqu’à la mer, bosses grisâtres, promontoires successifs en montée vers le ciel, marnes glacées délitées, effondrements sous les bottes, glissades, émerveillement, Mel qui ne veut pas aller plus loin, Ségo qui dit t’inquiète, je te jure, y’a zéro danger ! Mel qui n’est pas contente, Hervé qui est ravi que ce soit quelqu’un d’autre qui prenne, et puis c’est Ségo qui gagne, on monte encore, et on voit par-dessus le ressaut suivant, on se retourne, devant c’est wahou, derrière c’est wahou, voilà c’est wahou comme prévu…

C’est la plaine abandonnée par la marée, en bas, c’est le lac glaciaire qui se vide en milliers de ruisseaux miroitants, c’est le gris puis le bleu laiteux de l’eau douce qui se mêle à l’océan, c’est Myriades qui flotte dans la baie, c’est les montagnes à 3900 mètres de l’autre côté, la neige, la mer, la sauvagerie…

Le retour se fait en chargeant mes poches de cailloux tous plus beaux les uns que les autres, les trop gros je les photographie, accompagnés par le chant d’un minuscule oiseau blanc qui nous escorte, et en rentrant au bateau, la baleine est toujours là, et on s’installe au soleil à la regarder en buvant des ti-punchs trop forts préparées par Hervé avec de la glace millénaire rapportée du glacier, le cœur rempli de plénitude, plein de plein, full total, plus de place pour rien que du bonheur, à regarder notre baleine qui souffle et qui sonde et qui revient et qui joue avec l’ombre qui gagne de plus en plus, et on finit par en mettre Daft Punk à fond dans le cockpit, on danse en  Kung Fu Panda dans nos 8 couches mérinos étanches, on tangue et on est heureux comme on n’a pas le droit, trop de bonheur, c’est difficile à gérer.

Qu’est-ce que je l’aime mon caillou jaune !!!

Après les chips au jalapeno qui arrachent la gueule mais vont vachement bien avec le ti-punch (rhum hawaïen et glaçons du glacier), on descend manger le reste de bourguignon en regardant le soleil qui illumine toujours le haut de la montagne qui nous surplombe, et on termine cette incroyable journée en écoutant le concerto pour piano et orchestre en la mineur de Grieg, comme quoi il y a une vie après Daft Punk…

Mercredi 29 mai, Reid Inlet – Glacier Lamplugh – North Sandy Cove

Je n’aimerais pas être à la place du météorologue en chef pour l’Alaska. Prévoir le temps ici tient de la lecture de l’avenir dans le marc de café, et le soleil annoncé hier est tout sauf là ce matin ! Brouillard, froid… on hésite à se baigner, ça doit être glacial puisqu’on est devant un glacier… mais c’est vraiment idiot d’avoir réussi tous les matins depuis le début et de renoncer au premier coup dur… Allez, on y va. Eh bien, c’est plus froid qu’hier, certes mais ce n’est pas 3 degrés non plus : notre bain matinal sera à 7,8 degrés.

Départ pour le glacier suivant, Lamplugh, qui est un « tidal glacier » à marée haute, et un glacier terrestre à marée basse. Je ne m’attarde pas sur les baleines qui ne cessent de jouer à cache-cache avec nous, mais toujours un peu trop loin pour qu’on puisse les observer vraiment…

Nous arrivons à Lamplugh sous un temps digne de la Patagonie : tout est gris, noir et blanc, voilé par un brouillard fantomatique, pluie glaciale, canal plat comme un lac. Quelques growlers raclent contre la coque, Hervé râle, ça pèse quand même quelques quintaux ces glaçons… et puis le front du glacier est là, devant nous, impressionnant, marmoréen, hiératique.

Au loin, un groupe de kayakistes, longues brindilles rouges et orange au ras de l’eau, pagayent dans notre direction, puis passent en silence entre Myriades et le front du glacier. La finesse de leurs esquifs, leur glisse délicate, le clapotis minuscule de leurs pagaies se fondent dans l’esprit des lieux.

Un zodiac venu d’un bateau plus gros que nous débarque une petite troupe au pied du glacier. Derrière, un énorme paquebot fantomatique glisse dans notre dos le long du canal. Au ras de l’eau face aux éléments à la force des bras ou depuis le balcon d’une cabine individuelle luxe dans le confort industriel et d’un paquebot de 8 étages… autant d’approches différentes de ces merveilles naturelles…

Nous sommes toutefois les seuls à rester dériver un long moment devant le front du glacier. Celui-ci est bleu et gris, avec une belle glace compacte.  Quelques gros icebergs bleus lumineux sont échoués sur la grève, attendant la prochaine marée pour se mettre à flotter et repartir. Le monde est gris et bleu mais la lumière du soleil se rapproche, et une demi-heure plus tard, lorsque nous repartons, il fait beau et chaud. Mel est en débardeur et j’installe le tapis de yoga à l’avant du bateau pour faire quelques étirements… avec la plus belle vue du monde !

Mais à nouveau ça s’assombrit devant, et le temps de manger notre salade en traversant le canal pour rejoindre la crique de ce soir, voilà que la pluie nous rattrape… Nous finissons par mouiller l’ancre en étant bien mouillés nous aussi. Un temps à faire du pain et un fondant au chocolat… qui embaume le bateau dans lequel il finit par faire 24 degrés ! Ce soir on mangera le cabillaud que Hervé a pêché hier matin…

Jeudi 30 mai, North Sandy Cove – Bartlett Cove – fin de Glacier Bay

8 heures, la journée commence avec le bain glacé rituel, puis le thé qui réchauffe les pieds (si, si, c’est vrai). À peine le thé avalé, Mel et Hervé montent dans le Zodiac pour aller relever l’énorme filet à crevettes lesté qu’ils ont mis à l’eau hier soir… 90 mètres de filin à remonter à la force du bras… pour une seule crevette ! Déception générale de l’équipage…. On relâche la crevette…

Aujourd’hui, c’est notre dernier jour dans Glacier Bay, dont nous redescendons le chenal principal en direction de Bartlett Cove où nous devrions à nouveau dormir ce soir. L’horaire de la marée commande notre départ car le courant du flux peut aller jusqu’à 5 nœuds — autant les avoir avec nous que contre nous.

Assise dans le carré, réchauffée par les rayons de soleil qui traversent les généreux hublots de pont de Myriades, je parcours le Waggoneer et Exploring Southeast Alaska, les deux énormes guides nautiques qui sont à bord. Je découvre les descriptions de nos prochaines haltes, sur l’île de Chicagof : Elfin Cove, (this quaint boardwalk village with grocery store, café, and several thriving sport fishing lodges is loacated on the edge of Cross Sound), puis Pelican (this charming village, fronting the eastern shore of Lisianki Inlet, has a mile-long boardwalk connecting village homes and Town buildings that are on pilings, including the Post Office, City Hall, sport fishing lodges, a liquor store, the Lisiansky Inlet Café and Rose’s Bar)

On voit bien ce qui compte ici : la pêche sportive… et les cafés !

Hervé fait soudain irruption dans le carré : « Bon, j’en ai marre du moteur Mel, on va mettre les voiles et attendre. » Mel : « avec 4 nœuds de vent, on va reculer dans le courant, mon chéri ! » Hervé remonte, le moteur tourne toujours.

C’est vrai qu’on n’a pas beaucoup hissé la voile ces derniers jours, mais la navigation dans ces canaux est très réglementée : pas de navigation à moins d’un mille nautique des côtes pour laisser les eaux libres aux baleines, il reste peu de place pour louvoyer si on a le vent dans le nez, ce qui pour l’instant est systématiquement le cas ! Et comme on est très protégés par les montagnes qui nous entourent, à part un léger thermique, pas beaucoup de brise…

Donc le ronronnement du moteur nous accompagne du matin au soir… L’avantage, c’est qu’on n’a pas de vagues non plus, et qu’il fait chaud dans le bateau ! Les canaux sont lisses comme un lac par temps calme… Du coup, on y voit bien plus facilement la faune marine ! Un petit truc à l’horizon ? C’est une loutre, un phoque, un canard, un oiseau, un dauphin ou une baleine… ou même une orque ! Il parait qu’il y en a par ici…. Mais elles sont rares, ces « killer whales », comme on les appelle dans le coin, et on n’a pas vu le commencement de l’aileron d’une seule d’entre elles pour l’instant.

Hier soir, un joli bateau à l’ancienne est venu mouiller non loin de nous. Sur le ponton, des racks chargés d’une dizaine de kayaks. Ce matin, près de l’échelle de sortie du bateau, ils avaient installé un mini ponton constitué de gros flotteurs en plastique d’où ils ont mis à l’eau leurs esquifs avant de s’éloigner. Je me demande si leur embarcation est isolée ou pas… Ont-ils froid aux fesses dans une eau à 7 degrés ? En tout cas l’expérience fait envie… quoique…  risquer de me retrouver au ras de l’eau près d’une orque ou d’une baleine de… heu…. — Mel, combien ça pèse une baleine ? — Heu, je sais pas, 30 tonnes ? — ohlala, ça me parait beaucoup non ? Tu veux dire comme un camion de 38 tonnes !? — Je sais pas, mais ça fait la longueur de Myriades une baleine, et Myriades tout nu il pèse 13 tonnes… regarde dans les bouquins !

Je plonge dans les bouquins du bord…  Poids d’une baleine…. Bah oui mais on n’a pas de connexion ici… Google, reviens ! Bon ça fait 10 minutes que je cherche et je n’ai trouvé qu’une info, la taille d’une baleine, 50 pieds soit 15 mètres… Je reprends ma phrase : quoique me retrouver au ras de l’eau à 7 degrés près d’une baleine de 50 pieds… bah je ferais pas la maligne, moi…!

11 heures, j’ai sommeil, le soleil est revenu mais je ferais bien une sieste… on va voir si je rêve de kayaks et d’orques… 11h58, c’est le bruit des winches qui me réveille : on hisse les voiles ! Il y a du vent, donc changement de destination : on shunte Bartlett Cove et on pique directement sur Elfin Cove… ici c’est la météo qui fait le programme…

Doudoune, veste de quart, pantalon étanche, bottes Néoprène, liseuse et téléphone dans la poche, je m’équipe et m’installe dehors au soleil, à l’abri du vent, pour regarder défiler la côte. Tiens, baleine là-bas ! On voit son dos, elle sonde… on ne la reverra pas tout de suite…

Les journées de mer entre deux destinations sont des journées vides. Rien d’autre à faire que laisser le temps s’écouler doucement au rythme des vagues. Pas d’emploi du temps, pas de contraintes, pas d’attentes : si je veux dormir je dors, si je veux manger je mange, si je veux lire je lis, si je veux ne rien faire en regardant au loin, je ne fais rien en regardant au loin… ça pourrait laisser le temps à l’ennui de s’installer, et pourtant je ne m’ennuie pas. J’apprécie ce laisser-vivre. Jamais à terre on n’a l’occasion de s’accorder un tel temps de pause. Bercée par les vagues, juste regarder l’eau…  Vider ma tête… La seule chose qui existe, ce sont mes sensations : chaleur du soleil sur mon pantalon noir, froid du vent sur mes mains ou le bout de mon nez, confort du coussin sous mes fesses, bruit de l’eau contre la coque, craquement des écoutes, tension soudaine des haubans sur une vague, cliquetis d’une drisse. La meilleure thérapie qui soit.

Emmitouflée jusqu’au yeux, je veille sur le pont pendant qu’Hervé est descendu bricoler un truc. Il s’agit juste vérifier qu’un gros truc n’est pas en route de collision avec nous : bateau, baleine ou tronc. La trajectoire, c’est O’Maley, le pilote automatique, qui la gère.

Tiens, c’est quoi ce gros oiseau, là-bas ? Où sont les jumelles ? Je rentre sous le dog-house pour les attraper, quelle chaleur là-dedans ! Il doit faire au moins 25 degrés, quel contraste avec les 7 ou 8 degrés venteux du pont !

L’arrivée à Elfin Cove est épique…

16h22. Alors que nous rentrons la GV juste devant le minuscule port, une baleine surgit à quelques mètres du bateau, elle rase la côte, son énorme dos lisse passe lentement sous nos yeux et disparaît, mais nous n’avons pas vu sa queue donc elle va ressortir. Je scrute la surface frénétiquement, et je vois à nouveau son souffle derrière nous, qui effleure la côte, et à nouveau elle disparaît !

16h26. En levant les yeux, j’aperçois un hydravion qui descend dans notre direction. Mais carrément, il nous fonce dessus ! Alors que nous sommes en train d’approcher du quai (l’instant toujours un peu tendu de la navigation), on est en train de vivre un remake de La Mort aux trousses ! Nom de Zeus ! Il va nous amerrir dessus ou quoi ? Et là, hop, le propulseur latéral de Myriades rend l’âme. À 3 mètres du ponton.

Hervé jure, mais maîtrise admirablement le mouvement de Myriades qui vient se mettre à couple du bateau voisin, sans propulseur, sagement, dans le rugissement de moteur de l’hydravion qui nous suit de près, et vient s’amarrer au bout du ponton. À peine l’hélice arrêtée, une troupe de mecs en vert kaki en descend, gros looks de fishermen, casquettes et bottes, vestes huilées et ça rigole avec l’accent américain, d’autres montent, rugissement de moteur, et voilà notre hydravion reparti alors que nous n’avons même pas terminé notre accostage. Le temps de tourner la tête et c’est un deuxième qui amerrit ! Puis un troisième, et en l’espace d’une demi-heure on voit amerrir puis repartir cinq hydravions… c’est Roissy-Charles de Gaulle dans cette cove absolument minuscule qui a six habitants à l’année ! On a l’impression de rêver….

Nous partons explorer ce petit village sur pilotis, dont les rues sont constituées d’une passerelle de bois en hauteur. Nous sommes amarrés à Outer Harbor mais le village est construit autour de Inner Harbor, de l’autre côté d’un petit monticule. Des maisons de bois colorées faites de bric et de broc s’alignent de part et d’autre de la rue-passerelle. Chacune a son auvent sous lequel vestes et pantalons de cirés sont suspendus à des porte-manteaux en bois, et des bouées décorent les balustrades… à gauche, le seul café du village promet une « ice cold beer », quelques mètres plus loin, un passage entre deux étagères recouvertes par un toit protecteur offre des livres d’occasion au passant, c’est la « library » ! Peu après le Post Office, ouvert deux heures par jour, un magasin de souvenirs, et c’est tout. Nous explorons les pontons et descendons discuter avec les pêcheurs qui sont installés dehors à découper des poissons. Les jeunes gaillards nous expliquent que les poissons qu’ils travaillent sont la pêche du jour des clients des sport fishing lodgesdu coin, ils les préparent et les congèlent pour que les fishermen puissent repartir avec leur pêche à la fin de la semaine…

Nous finissons notre tour devant une bière au Coho’s pub (le coho, c’est le saumon argenté) à discuter avec la tenancière tout en regardant des concours de rodéos à la télé… surréaliste ! Elle vient de San Francisco mais a épousé un pêcheur et cela fait 50 ans qu’elle a rejoint l’Alaska avec son mari, pour pêcher d’abord, puis pour y vivre. Depuis sa retraite, elle vit l’année à Sitka, où sa fille est enseignante dans une école pour Native American kids, et vient faire les saisons à Elfin Cove où elle tient le pub du village.  Les murs sont couverts de photos d’ours, de blagues de pêcheurs, de « fish tremble at the sound of my name », de photos du coin hier et aujourd’hui, de plaques minéralogiques, de billets de différents pays…. Sur un banc de bois, un vieux Dictionnery of Alaska Place Names relié attend d’être compulsé. Tout cet American spirit a dû nous déteindre dessus, parce qu’en rentrant au bateau, nous mangeons des ribs à la sauce BBQ à nous en rendre malades…

Le mauvais temps arrive demain. Notre prochaine étape sera Pelican Cove, sans doute pour deux nuits où nous serons à l’abri du mauvais temps…

]]> https://www.myriades.ch/2024/05/31/glacier-bay/feed/ 0 Tenakee Springs – Tenakee Surprises https://www.myriades.ch/2024/05/18/tenakee-springs-tenakee-surprises/ https://www.myriades.ch/2024/05/18/tenakee-springs-tenakee-surprises/#respond Sat, 18 May 2024 06:12:44 +0000 https://www.myriades.ch/?p=7019 15 mai, finalement on s’arrête aux Tenakee Springs.
Hervé a mis le bateau en route tout seul ce matin assez tôt, profitant d’une absence totale de vent et du courant dans le bon sens pour avancer. Du coup, on arrive en fin de matinée dans ce petit village. D’après le guide, 100 personnes y vivent en saison, une petite dizaine toute l’année. On part visiter, et on rencontre différentes personnes, toutes aussi accueillantes les unes que les autres.

Pas de woodboard ici, on marche sur la terre. Les maisons sont construites de part et d’autre d’un chemin qui longe la côte. Côté mer, elles sont sur pilotis pour voir regarder l’eau de haut en gardant les pieds au sec. Côté terre, elles sont aussi sur pilotis, pour pouvoir avoir une surface habitable suffisante à plat, puisque le terrain est assez escarpé. Plein de cabanes sont nichées dans les arbres, en haut de grandes volées d’escaliers.

Ici le temps doit être assez souvent gris, mais le village est plein de couleur. Les toits en tôle sont bleu, ou rouge, ou vert, parfois gris. Le bois des façades est gaiment peint, toutes les teintes se retrouvent le long du chemin. Tout est bon pour servir de récipient à une plante en train de pousser : des théières, des bouilloires, des vieilles bottes, des seaux, des pneus usagés, un vieux panier, chaque objet ici doit au moins en être à sa dixième vie.

C’est étrange comme endroit : on a le sentiment que le village a été déserté (ou presque) par tous ses occupants, et que tout le monde va revenir dans une heure. Tout est là, laissé en plan, en cours d’utilisation. Les vélos des enfants, les poussettes et les jeux, le matériel de bricolage, les scies et les haches qui servent à la découpe du bois, le charriot pour transporter des charges lourdes, les quads et les voiturettes de golf, … tout ne demande qu’à reprendre le rythme de sa vie estivale. Le FireMan du village me dit d’ailleurs qu’aucune maison n’est fermée à clé. « Qui viendrait endommager ou voler quelque chose ici, dans quel but ? » me dit-il … « on est une communauté, on se fait confiance, on se connaît, c’est la taille idéale de la vie en société. C’est pour ça que je vis ici. »

 

Un bel esprit altruiste et positif habite les lieux. Il faut dire que si 100 personnes se retrouvent ici chaque été, c’est un peu une grande famille ; tout le monde se connait, se fait confiance, l’entre-aide est de mise, la collaboration et le partage aussi. La femme qui tient l’épicerie passe 20 minutes avec nous, à nous raconter l’hiver ici, ce qu’il y a à voir, comment fonctionnent les bains, etc.. elle est au cœur du village. 70-75 ans bien tassés, et elle dicte son message à son téléphone (dis Siri, merci Siri) comme une petite jeunette, pour envoyer sa commande à Juneau.

Le café qui jouxte la Green House est un endroit où on peut entrer à tout moment du jour et de la nuit, s’asseoir au chaud, se préparer quelque chose à boire, manger un petit snack, boire un jus frais, et laisser sa contribution financière dans la boite à cet effet. Le wifi est gratuit, le mot de passe révélateur : please donate. Les cartes artistiques produites par quelques personnes locales sont en vente, tu choisis, tu te sers, tu paies. Une sérénité habite ce lieu, on s’y sent bien, c’est hyper paisible, il y règne une belle énergie.

La Green House, elle, est collective aussi, le fruit de l’ensemble de la communauté, où chacun vient entretenir et se servir de ce qui y pousse. Elle est chauffée par les thermes qui sont juste à côté. Le café aussi, il y fait une température à enlever tous les pulls.

Et les bains eux, ne nous donnent pas envie d’aller nous y baigner. Il faut dire qu’après les magnifiques conditions de Baranof, nature et grand air, ici on entre dans un cube de béton entièrement fermé, pas une seule fenêtre, la lumière entre par le toit, et l’odeur entêtante de l’œuf sulfureux est … repoussante. Obligatoire de se baigner nu. Hommes et femmes ont chacun leur plage horaire, et pas de plage commune. Alors on reste dans le magnifique souvenir des Bains Baranof.

Retour au bateau, et sur le ponton, Monsieur Loutre est en train de monter sur le dos de Madame Loutre de manière insistante, elle n’a pas du tout l’air d’apprécier. On s’approche tranquillement pour les observer, elles se séparent, et les voilà l’une et l’autre se frottant tous les poils sur le bois, entretenant leur épaisse fourrure. Elles sont d’une souplesse époustouflante, une agilité et une fluidité de mouvement qui fait rêver. Un pas de plus et les voilà à l’eau.

Au large du port, on aperçoit des souffles de baleine. On observe, ils disparaissent, et voilà que jaillissent non loin les grandes dorsales verticales de deux orques … et quelques dauphins … finalement, cette journée est plein de magnifiques cadeaux, même si les bains ne sont pas géniaux.

Je complète en milieu de soirée … INCROYABLE !!

Au moment où notre repas est prêt, on entend le souffle d’une baleine pas loin. En fait, même très proche de nous … juste de l’autre côté du ponton, à l’extérieur du petit port, juste là où est amarré le petit bateau de notre voisine (qui mesure à peine la moitié de Myriades). On sort, on observe, et voilà que la baleine commence à chasser à l’intérieur du port !! elle passe gaillardement d’une panne à l’autre, explorant consciencieusement chaque zone libre de bateaux à l’intérieur des digues … dingue !!!

La voilà qui frôle le ponton extérieur, qui plonge juste sous le bateau voisin, et qui ressort quelques mètres plus loin, la gueule grande ouverte pour attraper tous les harengs qui pensaient être à l’abri par ici … Parfois elle passe entre deux piliers, parfois elle passe sous les pontons, ce qui est fascinant, c’est de la voir se mouvoir aussi facilement sans heurter les bateaux, dans un espace aussi restreint et réduit par rapport à son grand corps ! Incroyable d’agilité, de vélocité, et quelle puissance ! elle déplace ses bons 12 mètres avec une fascinante aisance, et même élégance. Et ça dure et ça dure et ça dure ! On espère la revoir demain à la prochaine marée haute, cette fois à l’heure du petit dèj. Ouahhh, quel cadeau !

Voilà les images …

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Portraits ursidés https://www.myriades.ch/2024/05/15/des-ours/ https://www.myriades.ch/2024/05/15/des-ours/#comments Wed, 15 May 2024 06:52:31 +0000 https://www.myriades.ch/?p=7032 Les rencontres avec les ours sont … comment dire … ? désirées et fortement non-souhaitées en même temps, haha. Oui on a très envie de les voir, mais non, pas de trop près.
Oui ils nous intriguent, et oui ils nous effrayent.
C’est surtout parce qu’on connait mal leur comportement, et qu’on n’est pas habitués à les côtoyer.

Quand on se balade à terre, en début de saison, on est sans cesse sur nos gardes, l’élastique tendu très fort entre les omoplates, tous les sens en alerte, attentifs au moindre bruit, les yeux qui fouillent la végétation pour voir s’il y a une trace d’ours par ici ou par là … quand on arrive sur l’estran, on scrute la grève pour y trouver des empruntes de papattes, ou des jolis cacas, histoire de savoir s’il y a du monde dans le coin ou pas … On a toujours notre spray au poivre accroché à la ceinture, prêt à dégainer. Moi j’y ajoute souvent un sifflet, histoire de vraiment faire du bruit. Pour être “sereins” à terre, il faut en fait s’annoncer, faire du bruit, surtout ne pas les prendre par surprise.

Ce qu’on constate c’est en fait qu’on les voit quasi jamais, sauf dans des lieux où ils courent après les saumons à la belle saison. Et quand on les voit en dehors des périodes de pêche, c’est toujours de manière hyper fugace et de très loin … parce qu’ils sont bien plus trouillards que nous en fait !

Alors du coup voilà quelques jolis portraits et petites histoires récoltées entre la saison dernière et le début de celle-ci.

16 mai 2024, mouillés à Whitestone Harbour.

La journée au soleil nous a offert des panoramas somptueux !
Du bleu partout, c’est déjà un immense cadeau. Malheureusement pas de vent, et une température sacrément fraîche ; il fait 5 degrés dehors, au soleil c’est bien, mais à l’abri de l’air qui circule, sinon ça caille !!

En toile de fond, on aperçoit de mieux en mieux les sommets des glaciers et des montagnes, Nun Mountain, Mount Mc Ginnis et autres pentes enneigées, qui se dressent derrière le Icy Strait et le Lynn Canal, entre les contreforts de Juneau à l’est, et Glacier Bay à l’ouest.

La mer est super calme, quasi pas de courant, on est seuls au monde dans cette infinitude qui décline toutes les tonalités de bleu, réhaussées de ces magnifiques étendues blanches.

Arrivés au mouillage de Whitestone Harbour, on se retrouve dans une immense baie très plate, qui découvre un immense estran. Quelques rivières de-ci de-là, peu de courant, pas de poissons. Les tonalités sont très douces, dignes des plus beaux clichés alaskiens. Des troncs d’arbre morts illuminent le paysage, des souches plus foncées les structurent. Parmi ces souches, y’en a qui bougent … !! oh, des ours ! gros, énorme, une masse brun chocolat (plutôt foncé) se déplace tranquillement dans la prairie. Il est assez massif. Mais trop loin pour être correctement observé.

Un peu plus tard, on se décide quand-même à s’approcher (en annexe seulement, je refuse de mettre pieds à terre avec cette bête-là dans le coin), la marée est remontée un peu, diminuant la distance entre lui et nous … On l’observe, absorbés par cette grosse vachours qui broute qui broute, et qui doit sûrement manger aussi des coquillages. Il est assez tranquille, ne semble pas nous avoir calculé, son comportement n’indique rien hormis « je mange » …
On met finalement un pied sur l’estran pour pouvoir essayer de le prendre en photo, on observe aux jumelles, on scanne la rive et là paf, un autre apparaît en bordure de forêt. Et là c’est pas une vache, c’est plutôt la carrure d’un bison qui apparait dans notre champ de vision !! Enorme la bête ! Il a (oui, il, pas de doute possible) une bosse proéminente d’une taille impressionnante entre les deux épaules, des pattes massives, il est trapu, large, le poil brun chocolat chaud, lumineux sous le rayon du soleil, il a l’air tout doux, une grosse fourrure accueillante .. tu parles ! quand tu vois sa taille, il ne doit pas y avoir grand-chose d’accueillant. A vue de nez, juché sur ses quatre pattes, il doit bien nous arriver au niveau des yeux … un vrai gros beau ours brun, pas un grizzli, ni un noir, mais un vrai gros brun, genre le premier ours qu’on a vu en arrivant en Alaska l’année passée, du côté de King Cove.

On confirme qu’on ne s’approche pas et qu’on ne marchera pas à terre. En revanche, un tour en drône pour les voir depuis en-haut, ça peut être chouette ! On retourne au bateau pour s’équiper, et le temps de revenir sur l’estran, voilà deux autres nouveaux ours qui déboulent … c’est étonnant -pour nous qui ne connaissons pas bien les règles de la vie des ours- de trouver autant de gros mâles dans un espace aussi petit …. Sur les 4, je pense qu’il y a 3 mâles (vu les gabarits). Mais enfin, on les regarde de très loin, même si on aimerait pouvoir être tout près.

Au final, 6 ours se baladeront dans la baie en fin de journée … pas très loin, autour de nous.

   

Mardi 28 mai, Bluemouse Cove 

La journée qui commence à 6h30, je me réveille et j’aperçois par le hublot Hervé dans le zodiac, à l’arrêt à quelques mètres de la rive, l’œil rivé au téléobjectif. En face de lui, sur l’estran, un ours énorme.

J’attrape une doudoune, grimpe l’escalier, saisis les jumelles au passage, saute dans mes bottes, et me voilà sur le pont, jambes nues, à scruter l’animal. C’est un ours brun magnifique, puissant, tranquille…. On discerne bien le détail de son poil de couleur chaude, ses reflets, ses mouvements de tête lorsqu’il broute… c’est fascinant. Il reste quelques minutes devant nous avant de retourner sous le couvert de la forêt.

Je contemple encore de longues minutes la splendeur du paysage qui nous entoure, hautes montagnes enneigées précédées de promontoires de roche et de terre brune qui se peuplent en descendant vers la mer d’un tapis de feuillus vert tendre desquels émergent par places la haute silhouette sombre des conifères. Puis je quitte doudoune et bottes et replonge sous la couette.

Lundi 3 juin, vu la météo qui annonce un gros vent dans 2 jours, on choisit d’avancer pour aller se mettre à l’abri au bon endroit pour laisser passer le mauvais temps, et du coup de raccourcir la route prévue. Du coup, on décide de « sortir » et de prendre la mer, plutôt que de continuer dans les canaux. Quasi pas de vent, mais de la pluie. Depuis le dog-house, on doit vraiment se concentrer pour voir ce qui est devant le bateau : entre le brouillard, les nuages, la pluie qui tombe, les gouttes sur la capote, et la buée qui remonte du bateau à l’heure du thé, on distingue difficilement ce qui vient. Mais ça tombe bien, il n’y a rien.

Sur le chemin pour aller à Kalinin Bay, on s’arrête quelques fois pour tenter de pêcher (2 rockfish et une mini-sole, tous relâchés), et on fait quelques détours pour aller voir les baleines de plus près, mais elles sont souvent trop loin pour nous.

Arrivés à Kalinin, on se réjouit d’aller marcher un peu dans la plaine marécageuse au fond de la baie. Tout gaillards, on part la fleur au fusil, ou plutôt la canne à pêche dans le sac, la bouteille d’eau et la veste de pluie dans l’autre sac, et puis le bear-spray, le sifflet, le couteau dans la banane, à portée de main. Six oies nous volent par-dessus la tête et amerrissent dans la rivière un peu plus loin. Les hautes herbes vertes du bord de la rive viennent lécher le pied des feuillus, les racines des sapins moussues s’entremêlent et sont un terreau idéal pour les jeunes pousses.

On avance en faisant un peu de bruit, ici on s’annonce toujours ; on observe devant derrière à gauche à droite, le chemin du trail avance en sinuant le long des arbres, très proche de la forêt. Mais s’il était plus loin des arbres, alors on marcherait dans la rivière. Pas trop le choix, donc. J’avance en tête. Et tout à coup je m’arrête. Mon œil, habitué à détecter ce qui « ne doit pas être là », danger potentiel, identifie une grosse armoire massive brune dans l’herbe vert tendre. Non, c’est n’est pas une souche, ni un arbre, ni un caillou. Mais bel est bien un ours. Deux, trois ours en fait. Une grosse grande maman avec ses deux juniors déjà assez maousse-costauds. Mais juniors quand-même. Donc là c’est LE scénario à éviter absolument, et surtout ne pas les mettre en situation où la mère voudrait protéger ses petits de nous, et donc nous attaquer. Ou simplement nous charger, ou chercher à nous inquiéter … La petite famille doit être à 300 mètres de nous, sous notre vent. Merde, on n’a ni les jumelles ni le drône, alors on retourne chercher l’attirail au bateau. Retour si site, on se demande si les ours se sont rapprochés de nous, on s’avance un poil inquiets et complètement émoustillés, on y retourne avec envie et un certain frisson le long du dos. Ils sont toujours au même endroit, là où la rivière se sépare en plein de petits méandres laissant tout un tas de petits ilots herbeux. Les petits broutent, pêchent, jouent, l’un d’eux se dresse sur ses pattes, pendant que la maman fait la sieste. Ils ont des belles grandes oreilles qu’ils orientent dans tous les sens, et qui se dressent lorsqu’ils tournent la tête vers nous  ; c’est bon, ils nous ont repérés. Quand on les regarde avec les jumelles, ils ont l’air d’être tout près.

Hervé envoie le drône pour faire des photos, je lui suggère de filmer directement, je suis certaine que le bruit du drône va les faire fuir. Ca ne manque pas, à peine le drône s’approche que toutes les oreilles se redressent, les têtes se relèvent, la maman se dresse sur ses pattes, observe, rameute sa petite troupe, et sonne le retrait. Les voilà qui se carapatent tous les trois en courant dans l’eau, direction la forêt où les deux petits s’engouffrent. Dès qu’ils sont à l’abri, la maman s’arrête et observe, prête à les défendre si un danger devrait s’approcher. C’est sûrement pas nous le danger, on est bien trop trouillards 😉

Jeudi 6 juin, on ne mouille pas dans une baie, mais le long d’un sound, plus précisément dans un renfoncement du Nakwasina Sound.

Arrivés au bord de notre chenal, on est partis explorer la rive : large estran regorgeant de goémons jaunes du plus bel effet sous ce ciel gris, herbes vert tendre, parfois très touffues, parfois déjà sèches, poussant souvent comme une rizière ; 2-3 bras de rivière, des cailloux de toutes les tailles, toutes les formes, plutôt petits. Une trentaine d’oies Canada Gooses s’envolent à notre approche, et vont se poser un peu plus loin, il y a des jeunes parmi elles, aux plumages plus clairs, les pattes pas encore noires. Le scénario se reproduit plusieurs fois. Et puis cette fois c’est Hervé qui stoppe notre progression en nous montrant une maman ours et son ourson … On a les jumelles avec nous et on se régale ! elle se dresse sur ses pattes arrière pour mieux nous observer, son petit l’imite immédiatement, 4 oreilles pointées vers le ciel, les pattes avant ballant de côté, et puis très vite, ils se carapatent vers la forêt. On les aperçoit qui s’arrêtent, nous observent encore, et repartent en courant. Et … ils courent vite !!! Mais quel bonheur de pouvoir vivre ces moments privilégiés !!! on est plein de gratitude, béats, les sourires accrochés aux oreilles, heureux comme des rois.

Et quelques portraits sans histoires pour finir …

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JDB – Balades en Colombie Britannique https://www.myriades.ch/2023/11/13/jdb-balades-en-colombie-britannique/ https://www.myriades.ch/2023/11/13/jdb-balades-en-colombie-britannique/#respond Mon, 13 Nov 2023 18:48:16 +0000 https://www.myriades.ch/?p=6983 Samedi 9 septembre 2023

Passage de frontière USA – Canada

Les passages de frontière, ici, ça ne rigole pas. On n’est pas en Europe, avec la libre circulation des personnes blablabla … Déjà, je me suis fait engueuler et menacer d’une amende de 5’000 dollars par le douanier américain que j’ai appelé pour lui dire qu’on quittait les USA, parce que nous n’avions pas déclaré notre arrivée au port de Ketchikan … pourtant, Ketchikan c’est bien aux US, et Sitka aussi … donc on n’est pas sorti du territoire de manière illégale … Big Brother is watching you !!! ils veulent tout savoir. Donc « oui monsieur le douanier, j’ai bien compris, dès que nous entrons dans un nouveau port nous vous appellerons immédiatement » et le douanier de me rétorquer « je note dans votre dossier que je vous ai donné un avertissement ! » . Okay … !

Donc partis ce matin à 7h, comme annoncé aux douanes hier, on a laissé le bateau avancer au moteur toute la journée, sur une mer plate, avec 4-5 nœuds de vent, donc pas assez pour que les voiles soient utiles .. Juste à la frontière, on appelle le service des douanes canadiennes pour faire nos formalités d’entrée par téléphone.

Le préposé de service n’entre pas en matière, et nous demande de faire les démarches dans la prochaine marina où nous nous arrêterons … mince, ce n’est pas dans les plans, et ça correspond pas aux infos échangées avec les bateaux copains …

Je rappelle trois heures plus tard, en espérant tomber sur un autre fonctionnaire, ce qui est le cas. Une femme nous déroule le processus (identification du bateau, des passagers, du capitaine, etc.., route passée et route à venir avec dates d’entrée et de sortie du territoire), on se dit « ca y’est c’est bon, on va avoir notre numéro de dossier et pas besoin d’aller à Prince Rupert ! » et non, paf !!! elle nous dit que nous devons nous rendre à la marina de Prince Rupert, et que les douaniers viendront nous voir sur le bateau pour finaliser le dossier … mince, c’est pas dans les plans, et ça correspond pas non plus aux infos échangées avec les bateaux copains … ! Elle nous fixe carrément un rdvs à 15h demain, et nous demande de la rappeler si on prévoit d’arriver avant ou après, pour qu’elle puisse en informer ses collègues … On en saura plus demain !

M alors, on voulait zapper cette petite ville pour s’engager rapidement dans le Grenville Channel … arrêt obligatoire demain donc, et on verra « à l’abri » si la force du vent jouera les octaves du haut ou les octaves du bas …

On s’arrête à Dundas Island pour la fin de journée et à la nuit, après avoir attrapé un petit saumon coho qui a filé au frigo, en attendant d’être transformé en Gravelax et autre délicieux repas. 30 n miles demain pour aller dire bonjour au douanier, et en attendant, c’est vous qu’on embrasse du fond du cœur.

Dimanche 10 septembre

Rendez-vous avec les douanes

On part tôt en ce dimanche matin pour arriver à Prince Rupert avant le vent … la météo nous annonce entre 20 et 40 nœuds, selon le modèle regardé, et on se balade en ce moment dans une géographie qui représente pas mal de couloirs d’accélération possibles. Le port de Prince Rupert est en bordure de baie (au fond de laquelle coule une rivière) et l’arrivée pourrait y être rock’n’roll sans propulseur … on préfère éviter de faire mal aux bateaux (quoi que par ici, c’est peut-être bien Myriades qui aurait le plus mal cette fois, vu les belles coques acier des pêchoux autour de nous …)

On navigue encore et encore dans ces dédales de petites iles, touffes végétales à fleur d’eau, grandes étendues sapineuses, tout dépend de la surface de rochers émergeant de la mer. Pas d’air (mais c’est pas nouveau, soit y’a rien, soit y’a trop), soleil pas loin, le bain était encore à 11 degrés ce matin.  On emprunte un passage très balisé, car peu de profondeur sous la coque, et beaucoup de cailloux tout autour. Les quelques bateaux locaux autour de nous respectent scrupuleusement le balisage eux-aussi.

Arrivée à Prince Rupert. Sur la droite, deux énormes grues de déchargement et leur lot de containers attendent les cargos à dé.charger. Devant nous, d’aussi énormes silos regorgent de … grains ? copeaux de bois ? céréales ? on n’a pas la réponse pour le moment. Plus loin sur la rive, le port public et la marina à laquelle les douaniers nous ont fixé rdvs.

Ville-village (1200 habitants) au bord de l’eau et un peu plus haut sur le plateau (50-100 m au-dessus du niveau de la mer), petites bicoques de bois plus ou moins colorées, deux super-marchés, un hôtel, quelques musées plus ou moins attractifs (on les zappe pour cette fois) des boutiques « attrape-touriste » le long des quais des paquebots, parce que oui, ici aussi, entre les silos et la marina (on le découvre le lendemain) viennent se parquer ces immeubles flottants qui éjectent et ravalent leur flot de visiteurs, lesquels s’empressent de pousser toutes les portes possibles où un « welcome » ou « open » est affiché avec des lumières  qui clignotent de toutes les couleurs, là où ils peuvent acheter des souvenirs de l’Inside Passage « made in China » et se prendre en photo devant n’importe quel pot de fleur ou bateau pêcheur.

Donc on rappelle les douaniers puisqu’on arrive avant l’heure prévue … oui oui, on fait exACTEment comme ils ont dit « si vous arrivez avant ou après 15, rappelez-nous (à Toronto), pour qu’on coordonne avec nos collègues (à Prince-Rupert)». On tombe évidemment sur une autre personne que hier, mais on est dimanche, z’ont pas l’air stressés au bout de la ligne, elle appelle sa collègue (d’hier) pour avoir plus d’infos, puisque tout n’a pas été consigné dans notre dossier … donc on a en ligne la douanière qui cause à sa collègue, on trilogue et finalement, toutes les deux, elles nous disent « bougez pas, restez au bateau, d’ici 30-40 minutes nos collègues vont venir vous voir ».

Le temps d’un lunch vite fait (le nôtre), les collègues arrivent. Deux femmes, deux profils totalement opposés. Une jeune, une plus âgée. Une bien en chairs, une toute fine. Une au visage souriant, l’autre plutôt ronchon. Une cheffe, une qui paie ses galons. Je vous laisse décider quel attribut va à qui, haha. Elles nous demandent de descendre du bateau avec nos passeports, et dès que Hervé est identifié officiellement, la cheffe se tourne vers lui, et ne s’adresse plus que à lui, en le regardant droit dans les yeux.

On parle de chef à chef ici, les autres, dégagez, y’a rien à voir. Elle nous le signifie de manière très claire, à sa jeune collègue (en lui demandant de se taire) et à moi (en répondant à mes questions en regardant Hervé droit dans les yeux). J’en ris, jaune, mais j’en ris. C’est le lot des navigateurs : il n’y a qu’un capitaine à bord. Pfffff …. Et paf, mon terreau de féminisme et d’intolérance à l’injustice me font retourner à ma « condition » de manière un peu radicale, une fois de plus. Mais j’en ris, rassurez-vous.

Donc elles arrivent avec des formulaires déjà remplis (merci les téléphones précédents qui ont finalement été bien utiles), on – pardon – Hervé n’a plus qu’à signer en 5 exemplaires. En fait, en entrant sur le territoire canadien, on doit annoncer le temps qu’on y passera avant de ressortir et dire où on quittera le pays (par la même porte ou dans une autre ville).

Dans notre cas, le bateau va rester au Canada au-delà de la limite de 6 mois qui règle le sort du bateau : ressortir des eaux canadiennes ou être importé au Canada. Comme on fait les formalités le 10 septembre, on devrait repartir au plus tard le 10 mars … mais ça fait juste par rapport aux travaux qu’on devra faire en revenant sur le bateau, et par rapport à la saison de navigation, puisqu’en général la météo redevient clémente plutôt mi-avril pour remonter vers le nord …

Donc du coup, gentiment, elles nous octroient de facto la possibilité de rester dans les eaux canadiennes jusqu’au 30 juin, pour avoir le temps d’effectuer les travaux et de profiter de tout sans nous presser. Merci Mesdames !

Donc voilà. On râlait (b’en oui, bleu blanc rouge) par méconnaissance et ignorance, mais tout c’est bien passé !

12.13 septembre

Connexion – déconnexion

 

Début de journée à prendre des nouvelles des uns et des autres, téléphones pendant notre petit-dèj pendant qu’à l’autre bout du fil c’est l’heure de l’apéro, c’est tellement bon de pouvoir entendre les voix de ceux qui nous sont proches et chers … C’est toujours trop court !!

Sinon, journée admin et occupations bateau. Pendant que Le Cap s’occupait du moteur (vidange du sail drive et problèmes de tuyauterie du circuit de refroidissement qui fuit) j’ai passé pas mal de temps à appeler plus de 20 marinas dans la région de Vancouver … pas de place, pas de place, liste d’attente de 5 ans, pas de place, … du coup, bien installée au chaud dans le petit salon du Club House, en compagnie de Kevin (le chef du Yacht Club, très sympa) qui transmet toutes ses connaissances à Hervé (le pêcheur navigateur technicien en chef), je fais un mail aux 30 autres qui pourraient peut-être être susceptibles d’accueillir Myriades de novembre à mars. Et j’espère que la nuit nous apportera des solutions …

Mardi midi, on quitte Prince Rupert avec quelques réponses (plus négatives que positives pour l’instant, mais il y a des options qui se profilent) et on repart dans la nature, objectif pour aujourd’hui : l’entrée de Grenville Channel, un immense long chenal de 45 n miles. Pour y aller, c’est à nouveau du moteur sur les canaux entre les collines boisées, bordées de rochers dont la limite est très clairement dessinée, de l’eau plate et un horizon assez dégagé.

Fin de journée, on arrive dans la petite cove où un pêcheur vient de poser son ancre pour la nuit. Deux autres le rejoindront après notre arrivée, bien à l’abri des vents (pas là) et des vagues (pas là non plus), … nuit tranquille assurée, haha.

Mercredi

Hervé met le moteur en route à 7h et demi, et j’émerge une heure plus tard. Pas de vent, pas de vagues, le moteur me berce encore un moment au chaud. La pluie tombe sur le capot, l’eau chuchote son clapot le long du nez du bateau, tout ce qu’il faut pour se laisser bercer et porter encore un peu entre rêves et réalité.

On attaque le Grenville Channel dans le brouillard le plus complet, et puis ça se lève tranquillement sur le coup des 10-11h. Le courant joue contre nous, alors qu’on espérait l’avoir avec nous … sur le coup de l’heure du lunch, on a 3 nœuds dans le nez, autant dire qu’on a le temps de voir tous les détails de tous les sapins qui passent lentement à côté de nous …

Au milieu du canal, il y a une baie, Lowe Cove, on fond de laquelle coule une rivière (oui je sais, je dis ça presque chaque jour, mais ça sonne comme un titre de film, je trouve ça joli). Rivière, et surtout petite cascade. Enfin, on est à marée haute, alors c’est bien possible que de cascade il n’y en ait point. Sur la rive gauche, un ancien piège à saumons : des pieux plantés les uns devant-derrière les autres, en rang de 5, sur 200 mètres de long. On imagine qu’il y a eu des nasses et des filets tendus entre tous ces troncs d’arbre émergeant de 2 mètres au-dessus de l’eau. Sur le sommet de certains, de nouvelles pousses redémarrent et mettent en route leur vie haut perchées.

On s’approche de la cascade, ses remous clairs et son écume blanche se détachent bien sur le fond vert canard de l’eau, le tapis de sapin et le ciel gris foncé. L’eau chahute dans les cailloux noirs et gris foncé. Et tout à coup, voilà que les cailloux se mettent à bouger ! hé mais !?!?! ouiiii, c’est des ouuuuurs noirs qui pêchent et se régalent ! Viiiiite, on descend l’ancre et on saute dans l’annexe. On avance doucement vers deux beaux gros ours noirs, ronds d’avoir mangé plein de saumons, chacun perché sur son côté de rive, en équilibre sur son rocher, ils guettent, immobiles, et tout à coup balancent un coup de patte, claquent un gros coup de dents et voilà deux saumon mis à terre, croqués, étripés, vidés, avalés … leur chair rose rouge contraste avec les poils noirs et mouillés au milieu desquels deux billes noires nous guettent furtivement.

On arrive sous leur vent, doucement, ils nous dominent depuis leur rocher, on ne cherche pas à les déranger ; mais dès qu’ils font mine de partir, c’est nous qui reculons, pour les inciter à rester un peu plus longtemps ici au bord de l’eau, les pattes dans leur rivière, à patauger à l’affut de leur gourmandise, pour nous offrir ce magnifique spectacle. Ils sont magnifiques !

On reprend la route, on croque notre lunch en route, le soleil a pris maintenant toute sa place dans le ciel bleu roi au-dessus de notre tête. Peu de vent, plan d’eau calme, on aperçoit des chutes d’eau au milieu des sapins, des baleines solitaires qui nagent le long de la rive, on voit en fait plus de baleines que de bateaux cette journée-là … mais on vous rassure, on a vu seulement trois bateaux, haha !

A la sortie du chenal, elles sont plus nombreuses, mais pas ne chassent pas de manière groupée. Elles nagent tranquille, de ci de là, nous montrent leur dos puissant, leur caudale noire sur le dessus, noire ou/et blanche sur le dessous, il parait que chacun d’elle possède son propre code couleur, et que le motif de leur nageoire caudale représente un peu leur carte d’identité.

Bon, fi des baleines, on a envie d’arriver après cette longue journée de moteur dans ce boyau rectiligne, lequel présente une image bien plus attractive quand on en ressort, avec son enfilade de pans de montagnes (collines .. ?) les uns derrière les autres, plus ou moins bleu, plus ou moins vert, plus ou moins brumeux, de plus en plus petit lorsque les derniers pans apparaissent au loin, magnifique dégradé, très joli coup d’œil. Mais pendant le trajet, c’est un peu monotone …

Et puis aussi, à la sortie, il y a la promesse de retrouver un bateau-copain, SALAVIDA, avec Sylvie et Laurent à bord. On ne les a pas revus depuis Kodiak, au mois de juin, on a certainement vu les mêmes glaciers, ours, sessions de pêche, coups de vent, bains froids et chauds, … ces derniers mois, mais pas de la même manière, on aura plein de choses à se raconter.

Et effectivement, l’apéro se termine à minuit passé, pour notre plus grand plaisir !

Jeudi 14 à Hartley Bay.

Après une petite balade à terre pour essayer d’aller voir le lac qui se cache derrière le mini village de Hartley Bay, journée sous le signe du Grand Soleil, pas de vent, on décide d’aller voir les baleines. Direction embouchure du Grenville Channel là où on les a quittées hier en fin d’aprèm, b’en flûte, il n’y a personne … Tant pis, on pousse la balade un peu plus loin vers le sud, on met les lignes de pêche à l’eau, on guette et on regarde partout autour de nous, on met les voiles aussi et on éteint le moteur, quel bonheur !!

On navigue au soleil, dans un cadre où l’horizon découpe les courbes douces des pentes environnantes, l’eau bleue est calme, presque lisse, la bande sonore est composée de la glisse de la coque sur l’eau, quelques coins coins et autres bruits d’oiseaux, d’un souffle d’air, et tout autour de nous, une fois à gauche, trois fois à droite, une autre fois devant, un pfffff, un fffffffouuuu, les souffles de baleines qui viennent respirer et déchirer le voile de l’eau. C’est d’une douceur exquise, cotonneuse, un peu étouffée, comme un soufflé qui se dégonfle, ou une montgolfière qui laisse échapper son air chaud pour redescendre vers la terre.

Les trains de baleines se baladent dans cette immense baie, elles essaiment leurs petits nuages blancs de vapeur au-dessus de leur large dos, leurs nageoires caudales se baladent sur l’horizon et viennent se fondre dans le mouvement des vagues. Avant d’arriver à notre crique du soir, on assiste à la dernière bouchée du repas des baleines, avec leur ballet  « bubble feeding » : elles tournent en rond sous l’eau, relâchant leurs bulles tout en remontant à la surface, et piègent les poissons dans leur rideau de bulles. Elles n’ont plus qu’à ouvrir grand la bouche pour avaler leurs proies, et se régaler. Visiblement elles ont assez mangé, elles arrêtent là, quittent le mode opératoire « chasse » et adoptent le mode « sieste » …

On retrouve au mouillage du soir un autre bateau-copain, RISORIUS, avec Véronique et Benoit à bord, qu’on avait quitté à Kodiak eux-aussi. Encore un apéro très sympa qui se termine tard lui-aussi.

Vendredi 15, on remonte Whale Passage sous la pluie, dans le vent, dans le gris mais on a de la visi. Bain à 11 ce matin, avec des rafales puissantes ! le vent est monté à 30 nœuds en fin de nuit. Au sortir de la crique, dans le Whale Passage bien nommé, les baleines soufflent leurs nuages humides, roulent sur le côté, font des dérapages en éclaboussant tout autour d’elles, sautent, tapent de la caudale et de la pectorale, c’est un bonheur pour nos yeux cachés sous nos cirés.

Hervé me dit « c’est normal qu’elles sautent plus quand il pleut, c’est pour se laver … »

Dans le même esprit, j’appelle SALAVIDA en rigolant « Vous avez vu, la baleine a tapé 18 fois la surface de l’eau avec sa nageoire caudale !!?!! vous savez pourquoi ? pourquoi 18 ? «

Laurent, immédiatement : « B’en oui, six foies gras = dix huitres 😉 elles sont gourmandes, elles-aussi ! »

C’est vous dire à quel point la vie est sérieuse à bord, quand tout va bien.

Le long chenal qui nous mène un peu plus loin, un peu plus à l’est de Hartley Bay, nous offre plein de cascades qui glouglouttent depuis les hauteurs des collines-montagnes environnantes, et se jettent dans l’eau à côté de nous. Il a pas mal plu ces derniers jours malgré les gros nuages bleus, et la montagne renvoie à la mer tout ce que le ciel lui a versé en trop. Circularité oblige. Mais je ne suis pas sûre d’avoir saisi à quel moment ici l’eau de la mer remonte dans le ciel 😉 … si si, on a eu du beau temps aussi !!

Paysage un peu « déjà vu », alors on en profite pour comprendre pourquoi les vitesses GPS de SALAVIDA et de MYRIADES ne sont pas les mêmes (alors que nous naviguons à 200 mètres l’un de l’autre, au moteur) et aborder d’autres considérations techniques, le tout en se parlant à la VHF.

Dimanche 17 septembre

A l’abri dans Bottleneck Inlet

Haha, il est bien nommé cet abri, pour torde le cou au mauvais temps !!

On est à Bottleneck Inlet depuis hier soir, et on y sera jusqu’à demain matin. On est là car gros vents du sud annoncés ; les canaux dans lesquels on déambule n’offrent pas mille lieux pour se replier, et favorisent les belles accélérations de vent … donc mieux vaut éviter de faire la route avec vent et courant contre nous …

La flottille GARCIA poursuit sa route gentiment vers le sud-est, jouant des éléments naturels et en tirant le meilleur parti. Flottille GARCIA : RISORIUS, 30 ans d’âge, Garcia d’ancienne génération, SALAVIDA, 6 ans d’âge et MYRIADES, 8 ans, tous issus de la même fonderie alu qui travaille pour le même chantier. C’est un voilier qui fait du charter dans le coin, dont on croise la route régulièrement, qui nous a interpellé l’autre jour devant une chute où on guettait l’ours « c’est vous la flottille Garcia ? »

On a avancé chacun son rythme hier, les uns s’arrêtant aux pieds des petites cascades, les autres préférant les criques où la pêche était possible, et on s’est tous retrouvé pour manger les halibuts pêchés par Risorius, le Gravelax de l’énorme saumon préparé par Le Cap, et la délicieuse tarte aux poires de Salavida. Et oui, on a tordu le cou à une bouteille ou deux.

Aujourd’hui, grasse mat bien méritée sous la pluie, drue, intense, ininterrompue, accompagnée d’un bon 25 nœuds de vent, et puis coupe-coupe-tiff et jeux de carte, bien au chaud, à l’abri, en bonne compagnie. On en a profité pour clarifier la route à venir, et les criques à choisir dans ce méandre d’ilots, de bras de mer, où l’horizon est toujours cerné de sapins. Quoique, quelques feuillus pointent de-ci de-là, mêlant leurs feuilles vert tendre au milieu des verts plus touffus. On reprendra la route demain, toujours sous la pluie, mais les vents devraient tomber cette nuit.

Mardi mercredi, Régates dans les canaux

Après Bottleneck, on a embouqué un certain nombre de canaux, plus ou moins larges, plus on moins rectilignes, plus ou moins étroits proposant quelques « narrows » où les courants s’accélèrent, plus ou moins ventés, plus ou moins ensoleillés, … mardi matin étant résolument dans les brumes et le gris très mouillé, on a pris des litres et des litres et des litres sur la tête, mardi après-midi un peu plus sec, et ce mercredi magnifiquement ensoleillé.

On a savouré deux journées où les airs étaient avec nous, quel plaisir ! Sortir les voiles, choisir ses bords, utiliser le vent, avancer sans autre bruit que le chant de l’eau sur la coque et du vent dans les voiles, quel régal ! Ah si parfois d’autres bruits : hier beaucoup de ploc ploc de gouttes de pluie, ce matin les souffles de quelques baleines, et puis aussi les cancans d’une escadrille d’oies en migration, parfois un hydravion qui passe tout près, … c’est hyper calme.

Au niveau voile, c’était grandiose ! Eau plate et vent portant pour une fois, du bonheur en barre. Je vous promets qu’on a savouré ! En plus on naviguait avec Risorius et Salavida, donc on était un peu en mode régate, ça met du piment dans les journées !

Aujourd’hui on a même sorti le Code D, et Hervé a pêché un beau saumon de 3kg et demi sous voile, on avançait pile à la bonne vitesse, super cool !

Hier, le bateau à peine ancré, Le Cap a mis la canne à pêche en fonction, et trois minutes après, il avait déjà sorti un halibut  … dont la tête est allée garnir le panier à crabes, qui nous a permis de « récolter » ce matin 3 beaux crabes Dungeness mâles (la 4ème était une femelle, et on doit les relâcher, ce qui a été fait), une sorte de crabe qui marie les plaisirs du tourteau et de l’étrille, autant vous dire qu’on va se régaler demain !!!

On dort à Fury Bay ce soir, mais je ne sortirai pas mon Furkini puisque je n’en ai pas acheté à Sitka … Un Furkini, vous savez ce que c’est ? un bikini en poil de loup, ou poil de lapin, ou poil de renard, … c’est pas très joli mais ça se vend bien semble-t-il …

Ce soir les deux Garcia sont plus au sud, ils avancent vers l’ile de Vancouver, nous on traîne un peu, tant pis si on risque de le regretter après-demain (le vent du sud est annoncé, un peu costaud peut-être), Hervé a encore envie de pêcher.

On avance, chacun à son rythme, selon la météo, les envies, les impératifs. Je dois dire que notre vie de nomades des mers est une chance incroyable et unique, et qu’on la savoure intensément ; et le corolaire du nomadisme est l’absence de racines. Un autre corolaire du nomadisme est la succession des rencontres, et des séparations. Et les bateaux-copains sont autant d’oasis qui viennent nourrir nos racines, que de bateaux qui vont profiter d’autres courants d’airs que les nôtres, alors que j’aimerais pouvoir encore partager des moments d’amitié. Ces vagues de vie nous offrent leurs deux facettes : les joies des retrouvailles, et puis quitter, partir. J’aime pas la face B.

L’automne est là

On dort à Blunden Harbour

Après un petit plouf rapide dans une eau à 10°, je monte Hervé au mât. Une bastaque est sortie de son point d’attache pendant une manœuvre pas très « catholique » … ni orthodoxe d’ailleurs … On part dans la brume, on avance dans la brume, on navigue dans la brume, au radar, et au moteur. Pas d’horizon, hormis une ligne grise d’un gris plus foncé que celui d’en haut et celui d’en bas, qui parfois noircit ou bleuit, ligne d’un trait plein, et parfois ligne en traitillé.

Pour pêcher encore un coup, sans succès d’ailleurs, on passe proche des rohers et des petites îles qui flottent de gauche et de droite, on fait du « rase cailloux », et les ilôts nous sautent aux yeux à peine à 20 mètres de la coque. Vous dire si la visibilité est importante.

En arrivant à Blunden Harbour vers 16h, la végétation commence à réchauffer le plan d’eau et à retenir les nuées brumeuses, le soleil réapparait progressivement. Quel bonheur de terminer la journée dans le bleu !!! 7 bateaux au mouillage, 2 motor boats, 4 francophones et 1 canadien à voile. Risorius a pêché un gros lingcod, on est tous invités pour le manger en blanquette. On apporte nos Dungeness crabes pêchés à Codville Lagoon, Salavida nous régale d’une mousse au citron, encore une délicieuse soirée gourmande. On n’aura pas réussi cette saison à reprendre un cran à notre ceinture … Faut dire qu’il fait souvent gris ou mouillé ou froid par ici, voire tout en même temps …

On traverse Queen Charlotte Strait dans le bleu complet

22 septembre

Je trouve l’eau très froide ce matin, pourtant elle est chaude comme dit Risorius … Ils se baignent tous les matins, mais quand je dis « se baignent » c’est qu’ils nagent un bon quart d’heure dans l’eau à 11 …  Chapeau !! Ils ont créé un club d’afficionados : Le Club Paprika ! ils finissent leur bain tout rouges, haha !

Beau soleil et absence de vent transforment la baignade et donnent presque envie d’y retourner pour essayer de rester un peu plus longtemps dans l’eau, mais là, mes deux ploufs de prétexte à la douche me suffisent …

On a quelques miles à parcourir aujourd’hui avant d’arriver à Port McNeill, le vent est très très léger, le soleil est haut haut perché, on est en Tshirt dehors tellement c’est bon.

Le plan d’eau est comme toujours entouré de montagnes et de collines, plus ou moins proches, d’iles plus ou moins étendues, plus ou moins arbrues, toujours de vert sapin revêtues, et aujourd’hui tout se décline dans les bleus. Bleu clair, bleu layette, bleu outremer, bleu cyan, bleu souris, bleu canard, surtout bleu en fait, plus ou moins intense. Dans les couleurs, on distingue les nuances et les valeurs, et ce jour-ci, on travaille surtout les valeurs des quelques bleus qui nous entourent, plutôt que la diversité des nuances …

Ce qui est magnifique, c’est cette dentelle à l’horizon où se mêlent et s’entremêlent les courbes des collines, les unes derrière les autres, chaque fois un peu plus éloignées ou rapprochées de nous, où qu’on pose les yeux, notre regard se perd dans les superpositions et les entrelacs, c’est poétique c’est somptueux ça pousse à la rêverie et à la contemplation …

Port Mc Neill

26 septembre

On y est arrivés le 22, il y a déjà 4 jours … le temps file mille fois trop vite. Cette fois il passe au rythme des vagues de vent et des vagues de pluie, les uns sous la forme de gros souffles intenses nous envoyant leur puissante ventilation dans les mâts, 42 nœuds à l’anémomètre au port (pas loin de 80 km/h), et les autres nous déversant des seaux des seilles des vases des baignoires des piscines des verres des gallons des litres de flotte sur le pont. On est donc à l’abri et on attend que ça passe.

Ca nous donne l’occasion de nous adonner à quelques plaisirs terrestres : un bon burger dans un grill très américain -b’en oui, le Canada est bien en Amérique- avec billard, bière qui coule à flots, foultitude d’écrans diffusant les matchs de hockey, de rugby, de football américain, les résultats du loto, clientèle tout en rondeurs et gourmande des plats pleins de sauces de sucre de gras ; une bonne pizza dans une brasserie très sympa fondée par trois frères locaux, l’une des serveuses -tout de noir vêtue, piercée et tatouée de partout, perchée sur ses semelles compensées de 25 cm et derrière ses lunettes en pâquerettes- est notre voisine de ponton ; des balades en vélo quand la pluie s’arrête pour aller se dégourdir les jambes et explorer un peu les alentours ; une cueillette de mûres sauvages qui poussent au bord de la route, sitôt transformée en confiture ; une lessive ou deux pour rencontrer d’autres voyageuses (allez savoir pourquoi, je croise rarement des hommes dans les laundrymat) ; une soirée de jeux à bord d’un batocopain ; un tour chez la coiffeuse pour Le Cap ; refill du frigo et de la cave ; et puis quoi d’autre …

B’en … remplacement de la drisse de la GV dont la gaine s’est désolidarisée de l’âme, changement du bouton de commande pour le guindeau de chaîne (ça c’est pas cool quand il pleut), et puis quand il pleut encore on rentre pour la suite des recherches de la panne du propulseur, recherche de marinas pour laisser le bateau pour l’hiver (c’est hyper cher dans le coin, ils sont peu flexibles sur les dates -veulent tous nous vendre un contrat hivernal pour 6 mois) et il y a relativement peu de places libres « au sec », recherche de fournisseurs pour la peinture de la coque (antifouling) qui ne se vend plus au Canada, recherche de billets d’avion, lecture des guides et des cartes pour choisir la suite de la route … il y a de quoi faire.

Donc on attend la fin du mauvais temps et après on se remet en route. D’ici là on vous embrasse fort très fort !

Mercredi 27 – Jeudi 28 septembre

Dans les dédales des Broughtons

On quitte Port McNeill mercredi à midi, après avoir demandé à la drisse de la GV et à la balancine de bôme d’échanger leur place et leur rôle (Le Cap a quand-même dû monter au mât puisque le messager s’était coincé dans la poulie tout là-haut …), donc ça y’est, on peut remettre les voiles !

On s’enfile dans le Johnstone Strait, longeant la côte nord-est de l’ile de Vancouver, à la recherche d’orques et de baleines. Il y a une réserve naturelle pas très loin, et des bras de mer qui se rencontrent et se serrent les mains très fort un peu partout, donc des remous, des poissons, du courant, donc potentiellement des gros épaulards ou de belles robes gris-ardoise à observer …

Et ça ne manque pas ! on se retrouve moteur éteint à dériver à 3 nœuds dans un sens, puis dans l’autre, et même de manière perpendiculaire à notre ligne, avec des baleines qui elles aussi profitent des courants pour chasser plus vite et traquer les pitits passons.

Les Broughtons, c’est un chapelet d’iles et d’ilots sapineux, toujours juchés sur leurs rochers plus ou moins dorés. Il y en a de toutes les tailles, de toutes les formes, émergeant n’importe où des eaux grises, la végétation n’est pas très haute, le soleil est bien accroché haut dans le ciel, les airs sont absents donc l’air est doux, la balade est magnifique.

On se faufile dans des passages tout étroits où le courant s’engouffre, on marche en crabe, on prend des raccourcis, on rencontre des baleines presque dans chaque nouvelle baie. Parfois elles chassent en groupe, parfois elles chassent seules, c’est visiblement l’heure du repas. Sur tribord tout à coup, un banc de mini poissons jaillit hors de l’eau, ces petites étincelles fusant hors de leur élément, poursuivies par une gueule immense qui se referme sur les malchanceux, dans des gerbes d’eau pétillante et remuante. Ca dure 5 secondes et ça s’en va, mais ça laisse des souvenirs fabuleux.

La fin de la journée me permet de faire du yoga sur le pont presque en t-shirt, et je me réjouis de goûter à nouveau le plaisir de l’eau froide demain matin.

Hervé a péché deux rock-fish qui vont servir d’appât pour les crabes, et puis Laurent et Sylvie de SALAVIDA arrivent la banane accrochée aux oreilles, avec une morue de 90 cm et 7 kg toute mouillée ! une énooooorme bête ! Pas fiers ces deux-là, haha !

Jeudi matin, Hervé va relever le casier à crabes et ô bonheur, il y en a 8 à l’intérieur !!! yahouou, on va se régaler !! il relâche les dames et les demoiselles, les plus petits aussi et on en cuit 4 pour un plaisir gustatif à venir …

Moi je renoue avec le bain du matin, à 9 degrés … je tente de prolonger mais j’ai vraiment froid aux pieds. Demain j’essaierai d’y rester un peu plus longtemps ! Ca fait tellement de bien … si si !

La journée se passe sous le soleil, au moteur, dans les méandres des Broughtons, un long bord sous génois dans le silence, les lignes dehors pour essayer d’attraper des saumons, mais le courant nous fait avancer trop vite. Peine perdue.

Les terres alentours sont boisées d’arbres immenses et rectilignes, qui doivent constituer le fonds de commerce de beaucoup d’entreprises … les pentes ressemblent à de grands patchworks, déboisées par endroits, totalement nues, ou alors replantées avec d’autres essences ou laissées au repos pour être reboisées par les sapins locaux. Ca donne des forêts à étages multiples, comme si la nature était une grande pelisse mitée.

On navigue dans le bleu et le vert, on croise deux petits bateaux de pêche, on est seuls, avec Salavida tout près. Apéro jeux en perspective ! Hier soir c’était le Tarot Africain initié par Hervé, ce soir peut-être un Séquence, ou un Continental. C’est cool d’avoir des copains qui aiment jouer, c’est des chouettes moments de partage !

29.30 septembre

Un vendredi comme un samedi : beau temps, jolis airs, on se régale !

On termine le mois de septembre sous le signe du soleil, c’est juste délicieux, doux, tranquille, belle entrée dans l’automne.

On continue de voguer dans les canaux de BC bordés de sapins, de petites maisons plus ou moins habitées dans les baies et les criques, parfois des villages totalement abandonnés, parfois une marina familiale rutilante avec son toit rouge, ses bordures de fenêtres blanches et sa façade de bois coloré, avec un ponton de bois pour l’accueil des bateaux estivaux.

On a choisi le chemin des écoliers : le moins direct, qui s’amuse à serpenter entre les ilets, plutôt que de prendre le canal principal (le Johnstone Strait) qui descend droit depuis le Queen Charlotte Strait sur le Seymour Passage et la grande baie de Vancouver (qui débute au nord-ouest par le Strait of Georgia), où le terrain de jeux serait beaucoup moins rocambolesque.

Sur notre trajet : pas moins de cinq passages qualifiés de « rapides ». Ce sont les endroits où les canaux se rétrécissent sérieusement, et où les courants sont annoncés importants. Les cartes nautiques ne cessent de mentionner « caution ! » « hazardous passage due to high currents and strong whirlpools » « violent eddies and whirlpools » « extremely dangerous eddies and turbulence may be encountered » etc. etc. etc. .

Il faut dire que le marnage est assez important dans cette région (pas moins de 4m de différence entre marée haute et marée basse), que les fjords à rallonge, se remplissent puis se vident, que les chenaux se croisent se mêlent et s’entremêlent, ce qui rend la navigation à la voile (car oui, hier et aujourd’hui on a eu du vent, portant en plus) super sympa et très vivante.

Il faut sans cesse corriger le réglage des voiles car le vent change d’angle constamment, la dérive se prend dans les courants et fait un croche-pattes au bateau qui tout à coup gîte à contre ou change de cap, les vents jouent avec le relief montagneux et collineux, et hop on borde les voiles, et hop on empanne, et hop on largue les écoutes, et puis hop encore on ré-empanne, sous le soleil c’est cool ! si on était sous la pluie, on y trouverait moins de plaisir, soyons honnêtes !

Hier soir on a eu la surprise de voir débarquer dans notre mini-crique un Allures 45, habituellement amarré à Glacier Bay, avec qui on est en contact depuis quelques mois. Grande surprise car on ne savait pas qu’ils descendaient sur Seattle, et on avait prévu de les rencontrer l’été prochain. Donc c’est fait, la soirée partagée avec Fri Furch (qui veut dire Curieux, en breton) et Salavida a permis à des équipages bien sympa de faire connaissance et échanger moultes informations.

Demain ça sera encore une journée « courte distance » à jouer dans les rapides, et puis on va essayer aussi d’aller taquiner le saumon dans les bras de Frederick ou de Philipps (Philipps Arm), aux creux desquels coulent des rivières issues de lac portant leur nom (Frederick Lake).

Sinon, oui, j’ai tenté de prolongé les bains matinaux, mais j’ai beaucoup de peine à le faire (ca fait mal aux mains et aux pieds), et surtout je mets des heures à me réchauffer .. alors bofff. Si il faut que je me fasse un chocolat chaud après chaque bain, ça ne va pas m’aider à rentrer dans mes pantalons pour rentrer à la maison … haha. Ce soir ça sera léger : soupe de légumes et les dernières petites pattes de crabe.

Bisous Bonne Nuit et Belle jourée à vous

On attaque Octobre dans les courants d’eau (à défaut d’air)

1er et 2, entre les rapides de Greene Point et Yuculta

Les premiers rapides desquels on s’est approchés nous ont montré de magnifiques tourbillons puissants, des courants bouillonnants et pétillants, des énormes masses d’eau poussées par-dessous, comme une grosse confiture en train de mijoter dans un gigantesque faitout, proche du point de cuisson, quand elle a suffisamment épaissi pour pouvoir être mise en pots …

Des mouvements eau vraiment impressionnants ; tout à l’air relativement calme en surface, et dessous ça pulse ça vit ça bout ça déménage.

On s’est arrêtés juste après les premiers rapides (Greene Point)  pour une petite pause de mi-journée, dans une mini baie ouverte et dégagée, ensoleillée à souhait, où les rochers doux, polis, clairs et dorés nous invitaient à venir jouer dans l’eau claire et limpide. Les herbes, buissons et branches de résineux conjuguaient eux-aussi leurs efforts pour nous ramener dans le sud de la France, quand il sait offrir des petits coins encore sauvages. Mais la température de l’eau et la rapidité avec laquelle la marée montait nous a vite ramenés aux joies de la Colombie Britannique.

On a passé les seconds (Dent rapids) de manière hyper tranquille, on y était pile à la bonne heure pour avoir le moins de courant possible, et du coup « on n’a rien vu » hormis de l’eau calme. Flûte, un peu frustrant pour des rapides … Il faut dire qu’en regardant les cartes de plus près, les courants annoncés se baladent entre 9 et 14 nœuds, selon l’heure et le lieu … donc on est prêts à être chahutés, pas à être cajolés …

Du coup, ce matin quand on a quitté Big Bay pour passer les rapides de Yuculta -on avait bien calculé l’heure à laquelle on voulait pouvoir passer la sortie ouest de « Hole in the Wall » pour y être à courant faible, à 6 miles de là- on a été bien surpris par le courant encore fortement contraire à nous qui circulait, et à vive allure !! Quand on a vu débouler à fond de train un petit voilier (circulant sans voile et à moteur), nous passer devant de gauche à droite à la vitesse grand V comme sur un tapis roulant, on s’est dit « ah b’en on n’est pas dans la panade, là, est-ce qu’on va réussir à remonter ? » parce que oui bien sûr, nous on partait à gauche …

Donc pendant 30-45 minutes, on avait le moteur à fond, on l’a bien décrassé ; on a réussi à atteindre une vitesse « surface » de 7 nœuds, pendant que la vitesse « sol » décollait à peine à 1.5 nœuds … autant dire qu’on aurait mieux fait d’y aller à pied, haha, mais surtout c’était inquiétant de voir à quel point on n’était incapables d’avancer. Finalement, on a opté pour l’option lèche-cailloux plutôt que le centre du canal, où des poches de contre-courant se forment régulièrement. Mais avec l’inquiétude de se manger du rocher par inadvertance.

Finalement ça l’a fait, on a réussi à passer les Yuculta rapids, et on a pu s’engager dans ce canal qui s’appelle Hole in the Wall. Il porte assez bien son nom. Embouchure tout étroite, long tuyau entre deux murs de pierres et de sapins. A son entrée, quelques paquebots de mouettes, juchées sur leur tronc d’arbre mort qui dérive dans le courant, et puis tout à coup un souffle, petit souffle de petite baleine … j’en crois pas mes yeux, je le dis à Hervé qui me dit tu rêves, c’est des dauphins, je lui dis non non, les dauphins ça ne souffle pas comme ça, et là … un dos énorme émerge face à nous, se déroule et replonge, toujours face à nous, et nous présente sa magnifique caudale haut perchée dans les airs, belle, large, entièrement déployée, noire luisante, resplendissante. La baleine sonde et disparait, nous laissant seuls face au boyau devant nous. Le temps est calme, le courant nous porte doucement dans la bonne direction, juste le temps de faire cuire un repas de midi bien chaud et revigorant, parce que depuis ce matin on est à nouveau sous la pluie …

Déjà samedi 7 octobre, on est un peu à la fin des endroits sauvages … Flûte alors !!

Ces derniers jours, on s’est baladés dans des baies, sur des lacs, entre des parois très rapprochées, dans des endroits avec juste 3 mètres d’eau sous la coque, toujours (presque) sans voile et au moteur, et de plus en plus à terre. On a fini de jouer avec les courants tumultueux et les timings minutés.

Après la jolie baie de Octopus Island, pleine de petites îles, on est revenu dans le chenal principal qui porte bien son nom (Calm Channel) pour aller explorer les rives côté terre-continent-mainland. C’est pas très différente du reste, mais ça nous permet de continuer à naviguer dans des eaux protégées, calmes, où pour notre grand plaisir, croisent encore des baleines, quelques dauphins, et puis surtout, surtout, on est dans un climat super tempéré, super agréable, sec et presque chaud. Pas loin de 17 degrés en journée, au soleil, même si les nuits restent fraîches, autour de 10. Les bains matinaux continuent, entre 12 et 14 degrés.

Entre Octopus Island, Teakerne Arm et Squirrel Bay, la forêt sapineuse qui descend jusqu’à l’eau commence à se transformer gentiment, ses dessous s’aèrent et s’ouvrent aux piétons que nous redevenons avec un immense plaisir. Vous n’imaginez pas ce que veut dire naviguer en Alaska et en Colombie Britannique, loin des villes et des villages … très souvent ça veut ne pas pouvoir descendre à terre, ne pas pouvoir marcher, ne pas pouvoir se dépenser et vivre complètement sur le bateau, dans le bateau. Donc là en ce moment, on se régale ! on se fait des marches sur les tapis d’épines, à parcourir les sentiers aménagés et surtout dégagés de branchages morts, le nez par terre à regarder où on met les pieds, à passer d’un champignon à un autre champignon, d’un parterre moussu à une colonie de lichen, d’une pomme de pin à une pive grignotée par un écureuil, d’un écureuil à un oiseau, d’un oiseau à un ruisseau, d’un ruisseau à un lac, le plaisir de marcher, quel bonheur !!

On redécouvre les odeurs des sous-bois, les rayons du soleil dans les feuillages, les grimpettes dans les rochers, la douceur d’une écorce caressée, la beauté de l’ouvrage d’une araignée qui garde encore quelques gouttes de brume accrochée, les fougères qui tapissent les sols, les immenses fûts des arbres qui s’élancent vers le ciel, tout droits, fiers et portant haut leurs branchages, et puis, de plus en plus, le vert sapin fait un petit peu de place aux couleurs automnales portées par les arbres canadiens emblématiques : les érables se découvrent et prennent place dans le paysage, le parsemant de rouge, de jaune et d’ocre lumineux, c’est beau pour les yeux, ça fait du bien à l’âme de retrouver des nuances plus chaudes, plus douces, même si le bleu qui nous entoure en ce moment est absolument éclatant.

Hier en taquinant le poisson, j’ai pêché un lingcod presque turquoise taché de brun, à la chair bleue, c’est vraiment particulier. Et surtout, j’ai pêché un lingcod plus gros que celui du Cap, haha ! bon, d’accord, pas de beaucoup, mais quand-même 200 grammes de plus au bout de la ligne. C’était génial de pêcher juste avant l’entrée de Melanie Cove, les phoques se faisaient leur sieste au soleil, on les entendait grogner juste à côté de nous.

Une fois l’ancre posée au fond de l’eau, je me suis installée pour bouquiner au soleil, à écouter le silence me remplir les oreilles de tous les bruits d’une crique … le clapotis d’une vague qui arrive à la côte, le bruissement de l’air dans les branchages, les chants des oiseaux, la douceur du rayon de soleil (ah non, ça ne fait pas de bruit, mais qu’est-ce que c’est bon !) la respiration douce d’un phoque qui nage pas loin, et puis soudain un énorme bruit sourd, court, comme une énorme claque sur l’eau. C’est des baleines qui nagent chassent mangent de l’autre côté de la baie. Le silence est d’une telle qualité qu’on les entend à plus de 3 miles (5-6 km). Du coup on saute dans l’annexe et on file les voir. Un peu débiles les deux en zozo, sans gilets sans radio sans bidon de réserve … une baleine doit bien faire 4-5 fois la taille de l’annexe, et nous on part tout guillerets pour aller les voir de plus près … mmmmhhh … rétrospectivement, c’était pas le bon plan. Par contre, c’était génial d’être sur l’eau dans le silence total, à écouter tous les souffles des baleines dans la baie, et leur causerie, parce c’était clair qu’elles se parlaient ! Pas de chants comme on a eu la chance d’en entendre en Polynésie, mais des manières de souffler l’air par leur évent qui évoquait le son de quelqu’un qui s’amuse à souffler dans un tuyau et de produire des notes différentes, avec des intonations, des longueurs et des sons nettement différents.

Quand Salavida est entré dans la baie, on a réalisé à quel point le moteur d’un bateau est bruyant quand la nature est calme. Et en ce moment, elle l’est vraiment. Les endroits qu’on traverse portent des noms inquiétants, comme Rough Point, Mistake Island, ou Desolation Sound, mais avec une mer lisse et un vent absent, c’est très beau. Mais on imagine aisément à quel point ça peut être autrement plus hostile les jours de gros temps.

On a bien profité de cette nature sauvage et brute, avec des mouillages sans autres navires que nos deux barques, et la géographique locale nous dirige inexorablement vers plus de monde, plus de maisons, plus de villages, plus de civilisation. On est plus qu’à 80 n miles de Vancouver, donc forcément, les citadins cherchent la nature eux-aussi, et ont besoin d’infrastructures … Par exemple, dans la crique d’hier, Melanie Cove, sur tout le pourtour de la baie, tous les 20 mètres on trouve une chaîne de 15 mètres de long fixée dans la roche, pour permettre aux bateaux d’être ancrés les uns à côté des autres, en rang d’oignons à la belle saison …

On va une fois de plus aller se mettre à l’abri 2-3 jours pour laisser passer le vent et la pluie qui s’annoncent pour après-demain, et puis après on verra, c’est bien possible qu’on descende jusqu’à Vancouver pour visiter cette ville parait-il magnifique.

Mercredi 11 octobre, on quitte Powell River

 

Après 3 jours gris venteux et mouillés, voilà le grand retour du soleil !! du coup tout le monde en profite pour faire sécher les voiles en quittant Powell River, avec les 12-14 nœuds de vent qui se baladent dans le chenal. On avance vite et en silence, avec DEUX voiles en l’air ! utiles les voiles ! Ca devient presque un évènement de pouvoir avancer sans moteur, haha !

On a donc passé 3-4 jours au port de Powell River, ville principale de la Sunshine Coast, première grande ville depuis Honolulu pour le bateau !! 14’000 habitants, c’est pas rien … Mais on ne s’en rend pas compte car la ville ne déborde pas d’activités ni d’énergie … grand territoire où le terrain doit être assez abordable, chacun possède son lopin de terre bien carré sur lequel une maison souvent en bois et sur un seul niveau est installée. Un auvent pour abriter la grosse voiture, quelques fenêtres encadrées de blanc, un toit pentu, des citrouilles et des plantations dans le jardin. L’urbaniste à l’origine de la ville ne s’est pas cassé la tête : un quadrillage bien carré bien régulier, avec juste un grand rectangle au milieu de tous ces carrés, pour y abriter les grandes surfaces et centres commerciaux. D’’ailleurs ce rectangle s’appelle City Center …

L’usine à papier a fermé il y a quelques temps, et on ne sait pas dire ce qui fait tourner l’économie locale. On est allé dîner un soir dans un restau assez sympa, avec musique live en fin de semaine (et soirée karaoké le mardi), il n’y avait pas foule. En discutant avec John, le patron, je lui demandais si c’était facile de trouver des musiciens pour animer son lieu, et il me répond du tac au tac que c’est plus difficile de trouver des clients …

Powell River donc, grande ville en surface et en population, et aussi de manière stupéfiante, en animaux sauvages ! En se baladant le long du sentier de bord de mer, quelle n’a pas été notre surprise de découvrir un beau gros ours noir bien dodu en train de faire sa sieste à 10m de hauteur tout là haut dans un sapin … !!! il nous regardait passer nonchalamment, à l’abri des humains, et néanmoins complètement au milieu d’eux ! Et puis des biches dans un jardin, des loutres de terre sur le quai qui se baladent de nuit sur les bateaux, et puis bien sûr des souffles de baleines non loin.

Hier on est partis avec Sylvie et Laurent de Salavida en vélo pour aller faire un dernier appro au supermarché, vers 17h45, donc fin de journée solaire. En grimpant la colline, je pédalais joyeusemsent devant, et tout à coup je vois à 20 mètres devant moi, sortant d’un jardin, un magnifique … terre-neuve ? gros chien ? non … ours ? ours !! je fais immédiatement demi-tour et j’appelle mes cyclistes « Hé ! vous voyez comme moi un ours ou c’est seulement un chien ??!?!? » Et oui, c’était bien un ours noir, qui a été aussi surpris que moi, et qui a aussi vite disparu qu’il était apparu … Ouh b’en dis, c’est vraiment étonnant ! du coup, on reprend l’habitude de sortir avec nos bear sprays dans la poche, même si tout le monde nous dit qu’il suffit de faire du bruit, puisqu’ils sont bien plus timides que nous …

Jeudi 12 octobre, à Smuggler Cove

On a donc quitté Powell River hier, tôt mercredi matin, pour rejoindre le village de Vananda sur l’ile de Texada. On avait envie de s’y arrêter pour visiter le petit musée qui relate la vie de cette communauté d’un millier de personnes, qui a vécu et vit encore d’activité minière principalement. Calcaire, or, cuivre, minerais de fer. Aujourd’hui l’extraction est moins importante, les habitants se tournent vers l’agriculture et développent des petits business qui leur permettent d’être le plus autonome possible sur leur terre en mer. Un peu de touristes passent par ici régulièrement aussi.

Le petit port où on débarque est super accueillant, une jolie atmosphère s’en dégage. Les pontons en bois ont été refaits récemment, un toit de tente blanche abrite deux tables avec des bancs, un coffre accueille les livres à échanger, quelques touffes de fleurs apportent leur touche colorée, la réglementation du lieu est clairement annoncée et basée sur la confiance (le prix de l’amarrage pour les bateaux est affiché, chacun fait son calcul, et met la somme correspondante dans une enveloppe, puis la glisse dans une petite boite), d’ailleurs on ne paie que si on arrive après 14h et si on y passe la nuit. Ce qui permet la visite au musée tout facilement … parce que ledit musée est ouvert uniquement le mercredi de 10h à midi (hors saison).

L’objet de notre curiosité aujourd’hui est installé dans l’ancienne école primaire ; il a été entièrement construit et aménagé par des volontaires, mettant en valeur tout ce qui a été retrouvé sur l’île au fil du temps. Outils, vêtements, objets domestiques, les pans de la vie active et de la vie privée sont mis en scène de manière très vivante, on a presque l’impression d’entrer dans le quotidien des villageois. Les villageois ne jettent quasi rien, ou enterrent leurs déchets dans leur jardin, ce qui fait qu’il y a régulièrement de nouveaux « trésors » à mettre en valeur, auxquels construire une légende ou une histoire pour les contextualiser.

On découvre aussi que l’ile de Texada possède elle-aussi une pierre fleurie, comme celle de Ua Pou aux Marquises. Rareté minérale issue de la rencontre de la roche avec gaz et minerais, les pierres se parent de petites fleurs.

Après la balade culturelle, place à un très agréable moment de voile, on profite des airs pour atteindre le mouillage du soir, 20 n miles plus loin au sud-est. On s’arrête à Smuggler Cove, où l’étroitesse du lieu nous oblige à mouiller comme en Patagonie : l’ancre à l’avant, et le cul tiré à la côte, tenu par une aussière portée à terre. Ici aussi, des chaînes sont à poste pour permettre à tous les plaisanciers estivaux de profiter des lieux, bien alignés les uns aux autres, évitant toute mauvaise surprise et autres carambolages.

A peine arrivés, Hervé part pêcher un rock fish pour garnir le panier des crabes. Il revient avec sa petite prise brune et épineuse, la coupe en morceau et remplit le petit filet qu’il glisse dans le panier. Cette fois, pas envie de chercher l’endroit idéal pour poser la cage, il la laisse tomber dans l’eau simplement depuis l’avant du bateau.

Pendant ce temps, je savoure les derniers rayons de soleil en bouquinant sur le pont.

Il y a mille autres choses que je devrais faire, mais c’est toujours difficile pour moi de ne pas profiter de l’extérieur quand il fait beau … le tri des photos, les écrits pour les publications, mon projet d’ateliers, les «tout doux » listes pour préparer le départ, tout ça passe après, après, après quand il fera nuit, après quand la pluie s’invitera, après quand il fera trop froid, après quand le soleil ne sera plus là … oui, je protartine en toute conscience, et ça me va.

Ce matin, le casier à crabes a bien rempli sa fonction : 5 beaux mâles nous accueillent à bras ouverts, toutes pattes hérissées à l’approche de nos mains. Ils finissent à la casserole, tout rouges et tout tranquilles. Hervé partage sa pêche avec Salavida.

Balade à terre, sur un tapis d’aiguilles de pin roussies par l’automne et chauffées par le soleil, tapis odorant qui ravit nos narines, forêt aérée, barrage de castors, soleil qui passe entre les branchages, mélange de feuillus et d’épineux. On découvre enfin le nom de cet arbre magnifique, aux branches tortueuses et feuillage bien vert, qui a une particularité : il pèle, son écorce brune laisse place à la fin de l’été à une peau toute lisse toute rouge, et on a qu’une envie, le caresser encore et encore. Ah, au fait, il s’appelle Arbutus Tree (Arbutus menziesii) et on le trouve surtout le long de la côte sud de la BC.

On a beau avoir choisi une crique sans marina ni installations humaines, on voit que la civilisation n’est pas loin : on croise plein de monde sur les sentiers ! des jeunes, des plus vieux, des familles, des sportifs, c’est fini la vie isolés dans la nature. Encore un mouillage « sauvage » demain soir, et puis après on plongera directement au cœur de la grande ville locale abritant 680’000 personnes … Vancouver. On va aller poser l’ancre au centre-ville directement, histoire de profiter de notre maison flottante pour être au plus proche de tout ce qui est à visiter et à découvrir ! On se réjouit !!

Ah, et au fait, vous vous demander ce que Smuggler veut dire ? Tout simple : contrebandier ! En fait, cette crique était réputée pour y voir débarquer et embarquer de l’alcool de contrebande, mais aussi pour y abriter les activités clandestines de passeurs « à l’époque », quand les ressortissants chinois débarquaient illégalement pour venir travailler à Vancouver …

Vendredi 13, un joli jour pour arriver à Vancouver !!!

Sans Vent et sans ciel Couvert, haha !

La ville s’est annoncée au loin, dans toute sa verticalité, et puis petit à petit, sa vaste étendue s’est offerte à nos yeux. On quitte les pentes douces et vertes des canaux et de la nature environnante pour entrer de plain-pied dans cet immense golfe qui abrite Vancouver. On aborde l’eau plate que quelques rafales viennent zébrer, et nous faire gîter, nous rappeler que oui, on est bien sur un bateau, même si depuis quelques mois on dort à plat sur un plan d’eau au repos. Les cargos ancrés comme un rempart se laissent dépasser pour approcher la ville verte hérissée de verre.

On navigue encore dans le Burrard Inlet, on passe par la baie des Anglais, puis on se faufile dans False Creek, le bras de mer qui vient lécher les pieds de la ville et ses buildings.

Deux ponts nous séparent de notre mouillage, le Burrard Bridge, 92 pieds de hauteur, puis le Granville Bridge, 87 pieds pour lui. Toujours la même appréhension quand on se présente sous un pont : va-t-on passer ? le mât n’aurait pas poussé pendant la nuit ? on ralentit, on retient notre souffle, et puis ça passe, oufff. On a 20 mètres de tirant d’air, donc pas loin de 65 pieds, il faut donc quelques pas de plus pour que la girouette se frotte au tapis du pont, mais quand-même, c’est difficile d’évaluer par « en bas » la distance qui reste libre là-haut …

On avance le long des rives d’une ville à plusieurs étages, à plusieurs vitesses, multicolore et multiculturelle. Ici vivent plus de 670’000 citadins, et pas loin de 2 millions et demi dans l’agglomération. Ca fait du monde ! Ca change de nos derniers mouillages … On se réjouit de partir à la rencontre de cette nouvelle réalité. Pour l’instant, les immeubles défilent, plus hauts les uns que les autres, quasi tous en métal et grandes parois de verre, petits immeubles confortables en bordure de canal, grandes tours hissées derrière pour avoir elles-aussi la vue sur l’eau et tous ces bateaux qui nous entourent. Et puis au bord de l’eau, des pistes cyclables et du gazon des massifs de fleurs des arbres des buissons, tout ce qu’il faut pour faire le bonheur des piétons et des amateurs de mobilité douce.

On pose l’ancre entre deux marinas, il y en a plein dans False Creek, entre deux ponts, il y en a trois en tout sur ce plan d’eau, il fait beau, c’est génial d’arriver en ville avec le soleil, elle brille de mille feux et les couleurs des arbres embrasent les rives. On sort les vélos, et on part découvrir. Profiter d’un climat sec pour faire le tour du territoire entre la Cité des Sciences et le Stanley Park, territoire qui regroupe les quartiers de Chinatown, Gastown, YaleTown, Westend et leurs ambiances particulières. Gastown, quartier fondateur : la ville s’est créée autour des usines à bois et du premier pub ouvert par Gassy Jack, un marin et barman arrivé en 1867, pour y accueillir les ouvriers à la sortie du boulot … Gastown, la ville de Gassy …

Partout les vélos sont bienvenus, les gens super accueillants, détendus, il semblerait que la ville soit très portée sur le bien-être, le sport, la nature y a toute sa place, les menus dans les restau sont très verts eux-aussi, il y a pas mal de musées et d’intérêts culturels, je sens qu’on va y être bien.

Du 13 au 20, on passe quelques jours à visiter Vancouver, avec malheureusement pas mal de pluie, ce qui réfrène les ardeurs des deux navigateurs, surtout d’un … Je me balade quand-même du côté des centres d’intérêt majeurs à mes yeux : la manière dont l’homme vit sur place et relate sa relation au lieu, et ça passe surtout par l’art, l’architecture accessible depuis la rue, et les églises.

Je vais visiter la galerie Bill Reid qui retrace un tout petit peu le parcours de cet amérindien et qui laisse la place à d’autres artistes, et puis la Vancouver Art Gallery (l’équivalent de notre musée des Beaux Arts) qui propose différentes expos, et présente notamment le travail d’Emily Carr, artiste peintre colombritannique (exposition minuscule au final, une toute petite salle lui est dédiée). Je suis curieuse de voir comment ils traduisent la nature qu’on visite. Comment ils travaillent les lumières, les reliefs, la végétation, ce qu’ils donnent à voir des paysages que nous n’avons pas vus, et puis comment ils interprètent ce qui est très codé ici, quand il s’agit de peindre de manière traditionnelle, et de respecter le langage graphique des anciens.

Et puis par chance, alors que je vélote en ciré de la tête aux pieds, la Christ Church Cathedral est ouverte (étonnamment les églises sont souvent fermées par ici) … je m’y engouffre, ruisselante.

Née à la fin des années 1890, de style Gothique, elle est tout de pierre bâtie, pierre beige gris, très basse, très longue, toit bleu-noir en zinc à deux pans, longues fenêtres en ogive, elle est basse, surtout en regard des innombrables gratte-ciels qui l’entourent. Étonnant. Son intérieur me surprend par la chaleur et la douceur de son atmosphère : tout est en bois, du sol au plafond, de différentes teintes ; le vernis renvoie la lumière, et fait scintiller l’ensemble. C’est léger et réconfortant, chaud et accueillant, on a juste envie de s’asseoir là et de se laisser bercer un moment. De grandes orgues laissent imaginer des messes chaleureuses. C’est une église qui se démarque aussi par sa modernité, bien installée dans l’air du temps de sa communauté, les mariages pour personnes de même sexe y sont célébrés depuis 2003.

Sinon, je passe beaucoup de temps le nez en l’air dans la rue, je suis un vrai fléau avec mon vélo, je regarde plus ce qui est à voir que ma route … le downtown de Vancouver est hyper riche en créativités architecturales, et c’est à l’immeuble qui défie les lois de la pesanteur, à celui qui brille le plus, à celui qui offre le plus de transparence, ou qui intègre le plus de verdure, bref, après les sapins et les sapins et les sapins de nos précédents mouillages, ici on ne sait plus où donner de la tête, les yeux sont happés continuellement par une nouvelle surprise. C’est génial, j’adore. Les styles se mélangent joyeusement pour mon plus grand plaisir.

Du 20 au 27, on navigue dans les Gulf Islands, et on joue avec la frontière entre Canada et USA. Notre terrain de jeu est à nouveau plus proche du « sauvage », bien que passablement habité. Des petites (et plus grandes) maisons se nichent un peu partout, dès qu’une crique permet d’y installer une petite propriété au milieu des arbres et des sapins. On a de la chance, le soleil est de retour et illumine les taches rouges, jaunes et dorées des feuillus au milieu des verts épineux. Le tout sur fond bleu, c’est éclatant.

Winter Bay, Friday Harbour, Anacortes (pour laisser passer le gros vent), Shaw Island, San Juan Island, chaque petit mouillage cache un petit trésor. Par ici des crabes à profusion -on est étonnés de ne pêcher que des mâles … et c’est là qu’on découvre que les crabes sont territoriaux : les mâles vivent avec les mâles, et les femelles avec les femelles, donc si tu pêches des femelles (obligation de les relâcher) tu n’as plus qu’à changer de mouillage pour aller choper des mâles ailleurs-, par là des huitres endémiques (les huitres Victoria, grosses comme des pièces de 2 francs bien qu’elles aient 4-5 ans), de l’eau chaque jour un peu plus froide (les bains s’espacent de plus en plus, mais bon, quand on est au port c’est pas le meilleur endroit) et elle est proche des 10 degrés maintenant.

On a le grand plaisir de se frotter aux agents douaniers et de les fréquenter de plus près que ce qu’on souhaiterait … sans problème aucun, mais il faut faire preuve de beaucoup de patience !! On peut faire les démarches par téléphone, mais les règles semblent changer chaque fois qu’on a une autre personne en ligne. Certains nous disent noir, et d’autres blanc. Le comble appartient à l’agent canadien que nous appelons pour préparer notre arrivée à Victoria, qui ne re-connait pas Victoria comme port d’entrée canadien … Tout cela parce que son système informatique ne liste pas Victoria, mais reconnaît seulement le nom du quai où nous accostons (que nous ne connaissons pas au moment où nous accostons …). Quelques coups de téléphone plus tard -heureusement il y a une cabine téléphonique sur le quai d’accueil avec ligne directe pour les douanes- nous pouvons enfin débarquer à Victoria, aux pieds du Palais du Parlement, en pleine ville. A nous les plaisirs urbains à nouveau, cette fois sans même avoir besoin de prendre l’annexe puisque nous sommes à quai !

Victoria, du 27 au 30 octobre

Alors voilà une petite bourgade super sympa !

90’000 habitants en gros, beaucoup se baladent en vélo, la mobilité douce occupe bien son terrain, et la ville lui fait la part belle.

Pour arriver à Victoria, on entre dans un bras de mer qui serpente dans la terre, autour duquel la vie s’est étendue. On est donc vraiment au cœur du vieux Victoria, et les quartiers environnants reflètent bien les activités qui se déroulaient autour du port … vieux bâtiments de brique rouge rose orange, de teinte très douce à l’œil, dans un style très … victorien … haha, mais pas seulement. Les anciens entrepôts, usines variées à taille humaine, petits immeubles à frontons, beaucoup d’espace, c’est une jolie ville qui respire dans un climat plutôt privilégié, ensoleillé à cette saison, et pas trop froid.

On est aux pieds du Parlement, incroyable palais qui revêt ses parures de lumière tous les soirs, un peu Disney Land, mais il a le mérite d’être un plaisir pour les yeux.
On participe à une petite visite guidée des lieux, et on peut même assister aux débats qui ont lieu dans l’amphithéâtre, c’est super intéressant. Au menu du jour : la reconnaissance des crédits accadémiques et des diplômes étrangers, et surtout l’énorme difficulté que rencontrent les étrangers venus chercher l’eldorado en BC …

Début novembre

A Victoria, on a profité d’un temps sec et ensoleillé, et puis d’un quai propre et large (ça facilite largement les manœuvres) pour commencer à préparer Myriades pour l’hiver, en lui retirant délicatement toute sa garde-robe. Grand-voile, génois, trinquette, taud, lazy bag, tous les « tissus » ont trouvé place au chaud et à l’abri de l’humidité, chacun rangé dans son sac à l’intérieur.

Ce qui fait qu’on a rallié Sidney au moteur (ouaip, finalement c’était pas une navigation si différente des autres jours … sans voile et au moteur, ça a été un peu le quotidien depuis qu’on est en Alaska et Colombie Britannique), pour aller poser le bateau à terre pour nos mois « off » …

Une nouveauté cette année : on laisse le bateau au froid, au mouillé, à l’humidité importante, dans une région où il est fort probable que les températures descendent au-dessous de zéro … donc risque majeur de gel … donc risque important que les conduites, les robinets, les pompes et les tuyaux pètent s’ils sont mal siphonnés, si par mégarde de l’eau reste dans les circuits … C’est la première fois qu’on doit tout purger, et qu’on s’amuse à souffler dans les clarinettes pour extraire un maximum d’eau, en plus de remplir les circuits d’antigel …

Sinon c’est comme d’hab : trier, éliminer, ranger, mettre sous vide, en sacs étanches, tout abriter de l’humidité (textiles, papiers, bouffe), laver, nettoyer, vider, ouvrir tous les coffres, toutes les trappes, tous les sous-coffres, pour que l’air circule au max et que les jolis petits champignons verts -qui se développent partout quand l’air n’est pas sec- limitent leur prolifération … retirer l’électronique, la girouette, sécuriser l’extérieur, bâcher, saucissonner, brancher le déshumidificateur et le chauffage, cadenasser les vélos, et puis fermer la porte à clé pour quelques mois, sauter dans un taxi, sauter dans un avion, puis un deuxième et même un troisième cette fois, pour venir enfin serrer dans nos bras nos fils et nos familles, nos amis et tous ceux qui nous manquent toute l’année.

On est au pause jusqu’à mi-mars. On reviendra préparer le bateau à Sidney pour repartir à la rencontre de l’Alaska de l’est, oui, on va remonter au nord de la BC quelques temps, pour jouer encore avec les glaçons au milieu de cette nature incroyablement belle et tellement intense, loin de tout, dans le wild … et puis après, la route n’est pas claire pour l’instant, évidemment on redescendra de là-haut, mais on ne sait pas encore où les vents nous mèneront …

Bel hiver à vous, et à très vite pour la suite des aventures

JOLIES PHRASES

« Anne Lamott : « Les phares ne sillonnent pas les îles en courant à la recherche de bateaux à sauver ; ils se contentent de se tenir droit et de briller. »

Sylvain Tesson – Cédric Gras : « la valeur des sentiments ne se mesure pas à la fréquence de leur expression »

Mélanie : oui, mais les tomates ont besoin d’eau tous les jours pour pousser et s’épanouir

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JDB – Derniers jours en Alaska, du sud de Sitka à Ketchikan https://www.myriades.ch/2023/09/10/jdb-derniers-jours-en-alaska-du-sud-de-sitka-a-ketchikan/ https://www.myriades.ch/2023/09/10/jdb-derniers-jours-en-alaska-du-sud-de-sitka-a-ketchikan/#respond Sun, 10 Sep 2023 18:49:08 +0000 https://www.myriades.ch/?p=6985 Ours à Puffin Cove
3 septembre

On a peu dormi, on est partis tôt pour une navigation qu’on espérait chouette car il y avait un peu de vent, et puis la houle finalement n’était pas si douce que ça, le vent pas si fort que ça, ce qui fait qu’on a parcouru 40 n miles en mode machine à laver, et comme dit Laurent de SALAVIDA, j’ai dé-mangé mon petit-déjeuner suite à quoi je me suis enfouie au plus profond des coussins du canapé pour faire l’autruche durant toute la matinée ! Hervé a super assuré toute la route (au moteur, sans obstacles, parfois sous la pluie, et surtout en mode « parc d’attraction ») mille mercis mon chéri, moi je n’aurai pas pu !

Arrivés à Puffin Cove, il part pêcher, et attrape illico presto un joli Halibut, qu’on relâche, puis après la sieste il continue ses tentatives de pêche et nous rapporte un magnifique LingCod qui nous assurera 2 beaux repas.

Au fond de la baie, un magnifique énorme ours brun d’un beau brun foncé se balade sur l’estran. Imposant. Massif. Rond. Donc bien nourri … Curieux. Inquiétant. Il faut dire qu’on a regardé il y a peu le film « Grizzly Man » qui raconte l’histoire d’un gars investi par la mission de sauver les Grizzlys du côté de Geographic Harbor, qui a passé 12 ans de sa vie à vivre à leurs côtés et à se prendre pour l’un des leurs, et qui finit par être dévoré par un des ours … Donc on reste loin, et on ne tente pas d’approche, même en annexe. On le revoit en fin de journée, il est toujours aussi imposant. On aperçoit aussi un ours plus petit, peut-être un noir, peut-être un brun, c’est trop fugace. Pas assez de lumière. Non seulement le jour tombe vite maintenant (nuit noire à 20.30) mais en plus le mouillage de Puffin Cove est niché au pied de pans de collines-montagnes très verticales, ce qui fait qu’on est vraiment « encavés » dans la crique. Les thermiques jouent les catabatiques et nous font faire l’essuie-glace sur le plan d’eau.

Demain, on ne se réjouit pas, à nouveau 40 miles à courir dans les mêmes conditions de machine à laver, avec la pluie en plus ! faut qu’on prépare le plan de bataille, je ne vais pas à nouveau laisser Hervé assurer le tout et roupiller tout le temps … Après la journée de demain, on retrouvera la navigation dans des eaux plates, celles des canaux, et on s’en réjouit. Parce que finalement en bateau le plus pénible, ce n’est pas le vent, ou l’absence de vent, mais ce sont les vagues, la houle, tous ces mouvements d’eau qui nous font perdre nos repères et notre équilibre, et qui malmènent nos estomacs …

Bon, à propos d’estomac, c’est un peu l’heure de passer à table qui s’annonce, on va passer à l’action. Plein de bisous doux à vous et à tout bientôt

Lundi 4 septembre

En route pour Bear Harbour

Finalement, la mer ne nous malmène pas et le temps est plus sec que prévu, même si crachineux. La navigation le long de Baranof Island n’est pas confortable du tout, le Pacifique nord nous balance dans tous les sens puisque sa houle indomptée vient se fracasser contre la côte hérissée … du coup on se prend la houle, et la contre-houle (le ressac, en français). Avec ces vents faibles, le bateau ne peut pas s’inscrire dans son propre mouvement et subit complètement celui de l’eau … Mais bon, aujourd’hui c’est supportable, contrairement à hier.

Quand enfin on s’extrait de ce Pacifique ouvert et qu’on peut s’abriter à nouveau dans les canaux, on remonte le long d’un très long bras de mer, plein nord, direction Bear Harbour. Si on en croit les descriptifs, et si le lieu porte bien son nom, on devrait se régaler d’ursidés.

La baie est bien plus large et vaste que ce qu’on avait anticipé, du coup on se demande où on va bien pouvoir observer ces fameux herbivores carnivores omnivores poilus et sacrément griffus … Une première réponse s’impose, évidente : là où seront les saumons ! b’en oui, pardi.

On part en annexe explorer cette rivière qui remonte au fond de la baie, et qui s’enfonce très loin dans les terres. En regardant notre position sur la carte, une fois de plus on voit qu’on a quitté l’élément marin et notre GPS nous positionne sur le sol dur … et on voit très vite qu’ici les saumons viennent en nombre pour frayer et mourir … l’eau est emplie de cadavres blanc et gris, le ventre en l’air, le nez parterre (auraient-ils le ventre plus gras que le reste du corps, et la graisse légère ?), il y a en partout ! sous l’eau, à terre, dans l’herbe (qui est recouverte d’eau à marée haute) … immonde et affreux. Et puis ça pue en plus … On avance aussi loin qu’on peut avec l’annexe, on arrive au milieu d’une vaste plaine, pas d’ours à l’horizon, mais beaucoup d’arbres qui peuvent abriter Teddy et ses copains … S’ils ressemblent à notre ours de Puffin Bay, on préfère rester loin d’eux … On décide de revenir à marée basse, retour au bateau.

Autour de nous, tout est silence. Pas de chants d’oiseaux, pas de bruits humains, pas de vent, pas de feuilles qui remuent, de temps à autre le souffle d’un phoque gris qui s’approche curieusement et craintivement, les blablas des loutres de mer qui se toilettent en chœur, c’est d’un calme magnifique.

Après une nuit super calme, pas de bain dans l’eau parce qu’elle est trop pleine de tous ces débris de saumons morts pas loin, mais une séance de yoga sur le pont, dans le soleil et la brise fraiche matinale, et puis douche fraiche aussi à l’extérieur. Quand on aime avoir des gestes amples et libres pour ces moments de détente yoggique, c’est compliqué de trouver son lieu et son équilibre sous collants, double pull et capuchon, sur une surface qui n’est pas plane et qui bouge tout le temps, mais quand le soleil se mêle à ces instants, c’est du pur bonheur de pratiquer au grand air.

Un ours (brun ? noir ?) sur la plage !! vite, on s’équipe (habits étanches, appareil photo) et on s’avance doucement sous son vent avec l’annexe. Il va et vient, au gré des poissons morts qu’il trouve le long de la rive, dans l’herbe basse et sur les cailloux. Il choisit les poissons les « moins morts » possible et les meilleurs morceaux : il grapille les œufs des saumones, c’est son met de prédilection. Tant qu’il ne nous a pas vu, on peut s’approcher tranquille, on se ravit du spectacle. Mais tout à coup il lève la tête, nous calcule, et part en courant. Se réfugier dans les sapins à 30 mètres de la rive. Caché derrière son rideau de verdure, on ne peut plus le voir … Flûte alors !! On ne pensait pas qu’il serait si craintif …  Et au fait, c’était un gros ours noir. Plus élancé que son cousin l’ours brun, tête et museau plus fins, non c’est décidément pas la même tronche.

On tente d’aller explorer la rivière à marée basse, mais comme je viens de l’écrire, on est à marée basse ( !) et donc très loin de là où nous étions hier en annexe. Ca veut dire qu’il faut avancer à découvert sur un lit de saumons morts, de boue, d’herbe, tout en sachant que les ours ne sont pas loin puisqu’on vient d’en voir un. Il a beau être très craintif, je le suis autant que lui (si ce n’est plus) car on est sur son territoire et dans son assiette …

Hervé n’arrive pas à me convaincre de continuer à avancer, il faut dire qu’on a regardé le film « Grizzly Man » il y a peu de temps, et ça refroidit carrément nos ardeurs d’explorateurs … Vous trouverez facilement ce film-documentaire sur le net, qui relate la vie de Timothy Treadwell. Il a passé 13 ans chez les Grizzly à tenter de les approcher au plus près pour mieux les observer et mieux les défendre ( ?) … et qui finalement a été tué par eux.

Donc retour sur Myriades et puis départ, direction Ketchikan d’ici quelques jours. La route est longue pour y arriver, dans des canaux qui peuvent être sujets à des vents et des courants importants, alors on avance tant que la météo est avec nous.

Mardi 5 septembre

Business as usual …

 

Après avoir quitté l’ours noir et les saumons morts, le soleil continue de nous accompagner toute la journée, c’est un immense bonheur !

Sur le coup des 17-18h, on arrive à notre mouillage du soir, et la lumière dorée nimbe toute la nature dans sa délicatesse poudrée, c’est splendide. Le vent est très léger, la mer quasi plate, les pygargues causent et debriefent de leur journée dans les sapins, les loutres de mer mangent leur coquillage en nageant sur le dos, en les cassant avec le caillou qu’elles ont toujours dans la poche, les goélands se marrent et s’envolent au signal dont ne sait qui, j’entends 3 grognements typiques des ours, mais n’en voit aucun.

Toute la journée, on a aperçu au loin des souffles de baleines, pas très loin de nous mais trop loin quand-même pour voir les baleines …

Une fin de journée toute douce, sur une mer aussi lisse et poudrée que les fesses d’un bébé (a-t-on encore le droit d’écrire ça !?!?), dans la lumière qui diminue au même rythme que le soleil descend à l’horizon devant l’étrave de Myriades, derrière une petite ligne de sapin en ombres chinoise ; le bleu laisse sa place au rose au jaune au violet, les loutres cessent de grignoter autour de nous, les pygargues se taisent, le soleil se couche, la lune se lève, un souffle de baleine pas loin nous souhaite une bonne nuit, c’est tellement bien, tellement beau.

Mercredi 6 septembre

Les joies alaskiennes – ton de l’affirmation : acidulé

 

C’est beau, c’est magnifique, c’est grandiose, et on a très fort envie d’y revenir, mais …

Le premier mais (avec un s), c’est qu’en fait on avance beaucoup beaucoup beaucoup au moteur … soit les vents sont contre nous, soit il y a n’a pas. Vous allez dire que je suis un peu binaire sur ce coup-là, mais je ne suis pas loin de la réalité malheureusement … Du coup, l’intérêt du voilier (mu par les forces d’Éole) est limité (hormis le fait qu’on a un faible tirant d’eau et qu’on peut aller partout).

Le deuxième mais (toujours avec un s), c’est qu’il y a peu de possibilités de marcher, de faire de l’exercice, de se bouger et dégourdir nos jambes. Par manque de terre sur laquelle marcher, par présence d’ours qui freinent nos élans, par présence important de forêt primaire qui descend jusqu’à la grève, par absence de grève aussi, … c’est un gros mais pour moi.

Le troisième élément, et non des moindres, c’est le soleil. Quand il est là, c’est absolument grandiose. Quand il n’est pas loin, et qu’il joue avec la brume et les nuages, c’est magnifique, il révèle les paysages avec une poésie fantastique, qui me laisse rêveuse, songeuse, sans voix, juste dans la gratitude de pouvoir vivre cette beauté. Quand il n’est pas là, et qu’il cède sa place à la pluie, j’avoue que ça tombe vite sur le moral de l’équipière. Le Cap est plus imperméable à ces humeurs du ciel, moi j’en suis sérieusement sous influence … dépendante au soleil la fille ? accro à la lumière, la chaleur, la douceur de cet astre ? oh oui !! mais je sais aussi patienter quand les nuages sont bas, et ne pas oublier qu’il est toujours là, même si moins visible …

Donc aujourd’hui, en ce 6 septembre, les trois conditions sont réunies : on est au moteur depuis ce matin 6h, on ne peut pas bouger en dehors du bateau, pas marcher, pas se défouler, mais le soleil a finalement choisi de venir nous rejoindre sous le coup de midi, et de pointer ses rayons hors de la brume pour notre plus grand ravissement ! Vive l’Alaska ! On longe les canaux, on se faufile entre les iles, on est entourés de sapins, de près de loin, l’eau scintille sous le soleil, on a mangé des burgers de lingcod délicieux et un banana bread aux agrumes, c’est pas mal pour un mercredi alaskien …

 

Jeudi 7 Vendredi 8 septembre, on passe à Ketchikan

 

On s’arrête à Ketchikan, tout d’abord intéressés par cette ville qui est la seconde ville du sud-est de l’Alaska, et par l’envie d’y découvrir d’autres richesses propres aux Tlingits, ces amérindiens natifs de cette région. Leurs mâtes totémiques, leurs masques, leur culture … Il parait que leurs musées et centres culturels sont magnifiques. Mais, mais … mais on réalise aussi que cette ville est la première porte d’entrée alaskienne pour les touristes qui arrivent par le sud dans ces énormes immeubles flottants, et beaucoup de choses dans cette bourgade de 8’000 habitants nous semblent totalement factices.

On a sorti les vélos du bateau pour faire le tour du lieu et avoir une première impression en faisant le « tour du centre-ville » et on a le sentiment de se promener dans une ville « en carton-pâte », comme un décor de Disney Land. Les jolies façades de bois peintes de couleurs plus ou moins vives, derrière lesquelles se cachent des constructions sommaires et mal finies, des ribambelles d’enseignes diverses attirant le chaland, bijouteries (il y a des mines alentours), arts traditionnels avec la sculpture de bois, boutiques à saumons, boutiques gadgets, boutiques dédiées à la chasse, vendeurs d’aventures, promenades pavées de bois longeant tout le bord de mer, avec les 5 quais dédiés aux navires de croisière (qui mesurent entre 200 et 350 mètres !!! vous imaginez le monde à bord qui se déverse dans la ville par vagues vomitives ?), évidemment l’industrie de la pêche est présente aussi, avec les usines à poissons intégrées dans la ville. Pas très attractif ni inspirant tout ça … Il reste aux alentours une grande possibilité de balades variées, trecks plus ou moins engagés, une nature à découvrir. Et ça, on n’est pas « allé voir ».

Comme la météo nous incite à avancer avancer avancer pour arriver dans les canaux au sud-est de Prince Rupert avant les vents forts (20 nœuds selon ECMWF et 40 nœuds selon GFS, allez savoir pourquoi une différence du simple au double selon le modèle météo choisi …), on choisit de ne rien visiter à Ketchikan (hormis le super-marché et la laverie) puisqu’on y passera à la prochaine saison. On se fait juste un bon restau pour le plaisir de manger quelque chose de goûtu et différent, et ô bonheur, en ayant juste le plaisir de mettre les pieds sous la table.

]]> https://www.myriades.ch/2023/09/10/jdb-derniers-jours-en-alaska-du-sud-de-sitka-a-ketchikan/feed/ 0 JDB – De Cordova à Sitka https://www.myriades.ch/2023/09/04/jdb-de-cordova-a-sitka/ https://www.myriades.ch/2023/09/04/jdb-de-cordova-a-sitka/#respond Mon, 04 Sep 2023 18:23:41 +0000 https://www.myriades.ch/?p=6979 On quitte le Prince William Sound
Lundi 21 aout 2023

Après quasi un mois de balades entre terre et mer lacustre, entre glaciers bleu blanc gris et prairies hérissées de sapins, entre forêt primaire et rochers dorés, à pêcher le saumon le halibut le cod et le saumon encore, coho et pink principalement, king une fois, sockeye reçus de pêcheurs et chum dans nos “erreurs de débutants”, eh b’en on s’en va. Par la petite porte de Cordova.

Cordova, c’est une mini ville de pêcheurs, accessible uniquement par bateau et par avion, donc elle est loin du tourisme. L’industrie qui fait vivre cette bourgade est celle de la pêche. Les chalutiers viennent vider et aspirer leurs calles au pied directement des usines perchées au-dessus de l’eau. Quand j’ai fait le tour de la rue principale du coin, j’ai jeté un œil à l’intérieur du pub et des cafés, j’avais l’impression d’un temps complètement suspendu, arrêté, où les vieux loups de mer se tenaient bien au comptoir devant leur bock de bière, le temps ne semblait pas être à la rencontre ni aux partages, mais plutôt une simple tentative de ne pas être tout seul, … un peu étrange. A Cordova, il y a 3 ans ils ont pris 15 mètres de neige sur les toits et les bateaux en 3 semaines … c’est dire que le climat là-bas est à prendre au sérieux. C’est une des bonnes raisons pour lesquelles on ressort (enfin ?) du PWS.

La « petite porte de Cordova », en fait c’est un raccourci par le canal Strawberry qui nous fait naviguer en eaux troubles (peu de fond et bancs de sables nomades) mais qui nous permet de gagner 40 miles nautiques (pas loin de 80 km, c’est pas rien quand on avance à 10 km/h).

Eaux troubles mais on a la trace d’un bateau passé devant quelques temps avant nous, donc on sait où aller. Heureusement, parce qu’avancer dans 4 mètres d’eau sans savoir ce qu’il y a sous la surface, ni le voir, c’est plutôt inquiétant.

On a pris la porte avec la marée haute de 17h hier soir, et depuis on navigue sur une mer plutôt douce avec un vent plutôt calme, on a mis le moteur en route il y a 4 heures, donc ça va pour le moment, c’est mou mais ça avance, principalement pour l’instant à la voile.
C’est bien assez remuant pour nos équilibres et nos estomacs qui n’ont plus l’habitude de bouger sans cesse, l’eau était tellement plate dans le PWS qu’il n’était pas possible d’être sujet au mal de mer. Là on doit se réamariner …

Destination prévue : Elfin Cove, à ± 300 n miles. Ça se situe à peu près à l’entrée de Glacier Bay, dans la région de l’Inside Passage.
Charly et Réjane de Longtemps sur l’Ô sont juste derrière nous, on est partis en même temps après avoir trinqué ensemble à la beauté de cette région du monde.

Du coup les racontages des derniers jours dans le PWS, b’en ça sera quand je me sentirai mieux, j’ai pas trop envie d’avoir le nez sur mon écran alors que ça roule ça roule ça roule …

En mer vers …
Mercredi 23 aout 2023 

La météo de ces jours est toute légère … horizon gris léger, mer légèrement agitée, vent léger permettant quelques jolies heures sous Code, puis légèrement insuffisant pour nous obliger à repasser au moteur, ce qui permet à une douce et légère chaleur de régner dans le bateau.

Pas de pluie, mais un plafond sérieusement gris, qui a fini par se déchirer en fin de matinée, et le spectacle magnifique a pu commencer : défilé de montagnes aux sommets enneigés, falaises escarpées, pentes douces généreusement poudrées de blanc, glaciers dévalant les pentes depuis tout là-haut jusqu’au bord de l’eau … c’est splendide, de toute beauté !
Le tout sur un ciel de plus en plus bleu, et donc un plan d’eau bleu lui-aussi, une journée d’été magique …

On a pu observer quelques baleines sauter et rouler au loin, éclaboussant tout autour d’elles en retombant, elles avaient l’air joyeuses. Et puis tout à coup, route à collision avec une maman et son petit, elles nous sont passées juste sous l’étrave, avant de reprendre leur souffle et de sonder, nous offrant une vue sublime sur leur dos et leur caudale.

Fin de journée dans la lumière dorée, les montagnes se parent de teintes toutes douces avant de disparaître.

Notre ETA (Estimated Time of Arrival) pour arriver à Elfin Cove est établi à 2h du mat tout à l’heure, du coup on décide de changer de route pour arriver de jour dans un endroit sympa. On se dirige vers les White Sulfur Springs, sources d’eau chaude. Chouette, un bain chaud !!! Je n’imagine rien pour ne pas être déçue, mais je dois dire que la perspective d’une baignoire chaude et remplie me réjouit !!! On croise les doigts, haha.
Ces sources sont situées sur la côte Ouest de Chicagof Island, entre Elfin Cove et Sitka. Encore 35 n miles et on y sera. Comme ça on profite du temp calme pour visiter la côte extérieure de cette île, la plus exposée aux courants violents du Pacifique. On se baladera le long des côtes intérieures la saison prochaine, quand on ira se perdre dans les méandres de l’Inside Passage.

En se rapprochant de Chicagof Island, qui marque l’entrée pour l’Inside Passage et Glacier Bay, les instruments signalent de plus en plus de bateaux. A regarder leur AIS un par un, ils démontrent bien que nous nous rapprochons d’une zone très touristique, les bateaux de passagers de 200 à 350 m de long ont remplacé les bateaux de pêche de 30-40 mètres …

24 aout 2023
L’équipage en eaux chaudes !

Après une troisième nuit en mer, on arrive en début de matinée sur une eau tranquille à l’entrée d’un chenal tout étroit, entre kelp brun rouge, roches grises noires blanches et brunes, algues jaunes, sapins vert gris, marée basse, peu d’eau sous la coque.

On avance à faible vitesse, slalomant entre les cailloux et les bancs de kelp, ces longues algues à longues feuilles qui flottent comme une belle chevelure dans l’eau calme, algues qui ont des petits flotteurs comme des fleurs. On est prudents, le prop est toujours hs, on aimerait éviter de frotter la coque contre plus dure qu’elle …

Le mouillage vers lequel on se dirige s’appelle Mirror Harbour, lieu parfait pour se demander où est le haut, où est le bas, et chercher à quelle réalité se fier, puisque l’eau renvoie une parfaite image de tout ce qui est au-dessus de sa surface. L’absence de vent nous fait miroiter un havre tranquille où récupérer et nous réaligner après ces trois jours en mer.

Le plan d’eau ne permet pas un mouillage sur ancre simple, pas assez de « room to swing » alors on porte une aussière à terre, histoire d’être tranquille. En plus, ça nous permet de jouer les pontons d’accueil pour Longtemps sur L’Ô qui nous rejoindra ce soir, et d’être à deux côte à côte dans un espace somme toute assez restreint.

Au fond de la baie, un sentier -que dis-je, un chemin aménagé de bois, de cailloux, de petits ponts, de marches, un vrai boulevard- nous mène dans la forêt entre nénuphars et mousses variées, buissons à baies (sans baies, on arrive trop tard) et arbustes bien feuillus. Quel bien ça fait de marcher et de se dégourdir les jambes après cette nav ! On reprend possession de nos pieds, de chaque articulation, on peut se redresser, s’allonger, s’étirer dans tous les sens, on peut faire plus que trois pas en respirant un air frais, qui sent bon la végétation, bonheur total ! D’autant plus qu’au bout de la balade, (20-25 minutes, c’est pas mal pour une remise en route) on a la promesse d’un plouf en eau chaude ! … on n’a aucune idée de ce à quoi s’attendre, et en arrivant à proximité, on est tout déçus d’entendre des voix – mince, on ne sera pas tout seuls … tu crois qu’ils sont nombreux ? et dans quel état ? est-ce qu’ils se baignent tout nus ? j’espère pas … – alors on arrive de manière un peu sonore nous aussi, pour avertir que eux non plus ne seront plus seuls sous peu.

Deux cabanes en rondins de bois, entièrement fermées (si si, il y a des fenêtres et des portes) et deux abris sont installés dans la pente douce, sous les arbres, face à la baie protégée, dans laquelle deux chalutiers sont ancrés. Sur la grève, deux canoës. Entre la grève et la cabane, des rondins de bois, des bassins de pierre naturels et un bassin aménagé (troncs d’arbres, branches et roches) dans lequel barbottent quatre jeunes américains sur leur matelas gonflable rose et vert fluo.

Une cabane abrite une grande pièce dans laquelle se trouvent six couchages, de quoi cuisiner et passer un chouette moment abrité. Un abri pour le bois, à couper pour le feu, un abri pipi au fond du bois.

L’autre cabane, la plus proche de la rive, s’ouvre sur un bassin aménagé, fait de dalles pierres et de bois, toiture à deux pans dont un tout transparent, bassines en bois pour aller chercher de l’eau froide dans la mer, claquettes japonaises, fontaine d’eau chaude et robinet d’eau chaude aussi. Les lattes de bois des murs sont gravées des noms de tous les équipages qui passent par ici, pêcheurs d’un jour, pêcheurs de toujours, touristes, natifs, il semble que ce lieu soit réputé. La façade qui donne sur la mer est une immense fenêtre qui s’ouvre entièrement et permet à la bruine, au vent, au soleil d’entrer dans le bassin. C’est donc White Sulfur Springs. Et oui, ça sent cette délicate odeur d’œuf un peu daté, odeur propre au souffre … On adore !

On y retourne le 25 aussi pour un bain le matin, mais oh déception, il y a déjà 10 personnes qui profitent de ce joli lieu, et de cette eau bien agréable. Dans le bassin extérieur, à 39 degrés, les chiens savourent aussi les bienfaits de l’eau chaude. Du coup, on se rabat plutôt sur le bain intérieur, à 42 degrés … c’est chaud !!

Un peu frustrés de cette expérience matinale bien moins zen que la veille, on décide d’y retourner pour l’apéro. Sur le coup des 18h, Longtemps et Myriades rechaussent leurs baskets (ou plutôt les bottes), et on repart avec maillots de bain, serviette, paquet de chips et un p’tit coup à boire, les lampes de poche (au cas où … même si on a décidé de rentrer avant que le soleil ne se couche !) et on se refait la balade dans les deux sens pour savourer la fin de journée au spa local. On barbote face au soleil bien au chaud dans cette grande baignoire, on se rafraîchit un peu sur les matelas gonflables, on replouf pour rehausser le thermostat, on discute avec un pêcheur local qui débarque avec sa salopette étanche (pieds inclus), son caleçon long, ses trois pulls, qui enlève le tout et qui se met à pelos dans l’eau sans gêne (il ressortira plus tard rouge écrevisse, tout en continuant de discuter, toujours à poil, et réenfilera ses vêtements sans se sécher), bref, on savoure et on ne voit pas le temps passer. Ce qui fait qu’on rentre de nuit finalement, en parlant haut et fort, lampes frontales allumées, lampe torche devant et derrière pour maintenir les ursidés à distance (s’il y en avait) …

 

Samedi 26 aout 2023
On glisse sur les canaux

Samedi 26 aout, 25 printemps de notre Nathan, Joyeux Anniversaire notre Ange Bleu Précieux !

Samedi matin, brume au dehors, bain au cul du bateau dans une eau plutôt agréable, sans doute proche de 15-16 degrés. On devine que le soleil pourrait percer ces nuées cotonneuses.

On sort de notre crique super protégée et on s’engage pour quelques miles en eaux libres, petite houle désagréable, avant de retrouver le calme d’une glisse douce sur des eaux plates. Le moteur est engagé à faible régime jusqu’à l’heure du déjeuner. On navigue de petites heures entre deux mondes (terre-mer, soleil-brume, minéral-végétal), c’est d’une douceur incroyable, et d’une poésie forte et tranquille.

Les éléments se marient se mélangent se fondent et se séparent avec une évidence sereine, ou une évidente sérénité (hormis le bruit de la perceuse qu’Hervé a en mains pour bricoler en force dans ce moment si délicat), les nuages de brume posés sur l’eau se lèvent et s’évaporent en révélant ilots sapineux, roches brunes et dorées sur l’eau grise ; et le ciel bleu au-dessus de la scène apporte une lumière magnifique au tableau.

On avance en lacets entre les petites terres flottantes, parfois quelques loutres jouent dans les nappes de kelp, un peu plus loin c’est deux lions de mer qui se baladent, un moment plus tard une baleine nous fait sursauter en venant respirer à 5 mètres du bateau (on l’avait aperçue quelques minutes auparavant, et perdu sa trace).

Après le dèj, la brume nous a résolument quittés, ou plutôt, elle est restée coincée par les ilets du côté mer, alors qu’on navigue sur des petits chenaux entre les ilots et la grande île de Chicagof, donc au soleil, sans brume, avec juste quelques 10 nœuds de vent qui nous permettent d’avancer tranquillement sous génois. On essaie de pêcher du saumon, puisqu’on n’a plus de poisson au frigo … Hier Hervé a pêché un Lingcod, sorte de cabillaud, mais n’étant pas certain du poisson (qu’il apparentait à un rockfish) il l’a relâché …

On ne croise ni ne voit personne, aucun bateau ne pêche dans ce coin. Trop loin des villes et villages peut-être ? en tout cas, ça nous ravit de pouvoir savourer cette nature brute et sauvage tout seuls 😉 Je dis ça, et à l’instant un bateau de pêche sportive (pêche pour le plaisir, pas pêche commerciale, donc petit bateau avec gros moteurs, trois papis barbus à bord, cachés sous leur chapeau et derrière leurs lunettes de soleil, gilets de sauvetage bien arrimés par-dessus leur pull) nous passe à côté, ralentit, nous prend en photo, et puis vient nous aborder pour nous demander si on veut des photos de Myriades sous voile, et d’où on vient … on échange pendant quelques minutes, et puis gentiment ils nous demandent si on veut un peu de poisson, ils ont plein de black rockfish … On leur explique qu’on tente d’en pêcher par nous-mêmes, et je leur dis qu’Hervé a relâché hier mon poisson favori (le cod), et qu’on a tout l’après-midi pour parvenir à nos fins … En rigolant, ils nous disent que c’est aussi le poisson favori de leur capitaine, et qu’il est ravi de nous en offrir, ils en ont pêché quelques-uns, bien assez pour eux. Alors on dit « d’accord pour un morceau » et ils nous font passer un poisson entier de 70 cm … petit morceau !! Chouette alors, un bon poisson au frigo ! On continue de trainer pour ramener un saumon, mais on va un peu trop vite (3.8 kn alors qu’il faudrait être proche de 2 nœuds) ; qui ne tente rien n’a rien, alors tant qu’on ne bifurque pas pour entrer dans notre fjord du soir, on continue !

On vise Sitka le 29, car le vent fort arrive le 30, et d’ici-là on continue dans ce labyrinthe protégé où aujourd’hui il fait bon faire la sieste en short au soleil sur le pont (et ½ heure plus tard, on remet chaussettes, pulls et veste …).

Dimanche 27 aout
Brume en mer et soleil dans les canaux

On a navigué ce matin dans une région qui s’appelle MYRIAD ISLANDS, petit territoire peuplé d’iles d’ilets d’ilots de cailloux de rochers plus ou moins im-é-mergés. Les fonds ne sont pas profonds, mais la mer est calme car pas de vent. On est protégés de la houle extérieure par ce chapelet de perles de roches, certaines chapeautées de sapins, d’autres têtes nues. La brume les dévoile une à une, au rythme de notre avancée sur ce voile gris perle, puis les dissimule à nouveau, on avance dans un environnement fantomatique et cotonneux, tout léger, aérien, délicat. La transparence de la brume laisse parfois entrevoir une nuance de bleu qui nous donne l’espoir de voir le soleil un peu plus tard …

En se rapprochant à nouveau de la terre pour s’enfiler dans le chenal entre Partofshikof Island et Baranof Island, le voile gris laiteux se déchire, et un gros nuage bleu vient se poser sur le paysage, accompagné par un soleil brillant de toute sa force. On navigue par vent presque arrière au génois, et on remonte le canal en empannages successifs pour rester dans la zone navigable. Fin de journée au soleil à notre mouillage du soir, avec bain prolongé (je n’en suis pas encore à une minute, mais plutôt à plusieurs fois 20 secondes) tellement l’air est doux.

 

Lundi 28 sous le soleil

On a bullé toute la journée, il faut dire que la soirée Jeux avec Réjane et Charly, entremêlage d’apéro à bord d’un motor-yacht français qui passait par là, de galette-saucisse au bbq, défoulage au son de la musique sur les bancs du cockpit sous la lune, et jeux (Séquence, et puis le Tarot Africain) s’est un peu prolongée, pour notre plus grand plaisir. Du coup, après le yoga, le bain du matin et le brunch, on a simplement profité du soleil sur le pont, et d’une balade dans la clairière. Pas d’ours sur cette mini île, un aigle, des corbeaux, et c’est tout. Oui, quelques poissons dans l’eau, mais des petits. Un vrai jour à profiter simplement de l’instant, dans le calme absolu de cette crique super protégée de Magoun Island.

Mardi 29 aout, on arrive à Sitka

On se met en route de bon matin, pour arriver à Sitka avant le mauvais temps, et avoir le temps d’installer le bateau à quai avant que la pluie ne nous tombe dessus. Et puis le propulseur est toujours en panne, donc on préfère arriver au port par des petits airs. En l’occurrence, les airs on en n’a pas vu la couleur.

En se rapprochant, on voit bien que la région est beaucoup plus habitée que tout ce qu’on a visité jusqu’à maintenant (hormis Kodiak et Cordova bien sûr). Sur les rivages des ilets, des pontons de bois sur pilotis mènent à des maisons de bois, cachées dans les bois.

Sur l’île principale, de loin on ne distingue pas les maisons mais les silhouettes massives et blanches des bateaux de croisière qui circulent entre Seattle, Vancouver et Juneau, pour emmener des hordes de touristes visiter l’Inside Passage, voir les baleines, les ours, et découvrir la culture alaskienne dans les musées et autres lieux d’ « héritage natif ».

Aujourd’hui à Sitka, 3 bateaux déversent leur flot d’humains habillés pour la pluie, soit un total de 5’323 personnes si les bateaux sont complets. Demain, c’est 7’184 autres personnes qui vont débarquer, et après-demain ils seront 7’378 (x2) soit 14’756 pieds venus d’ailleurs pour fouler cette terre inconnue.

Un certain nombre de musées et de lieux de cultes sont dispos par ici, de même que de nombreuses possibilités de treks et balades engagées dans les montagnes environnantes. Plus évidemment toutes les excursions de pêche et d’observation de la faune.

Et puis il y a ces fameuses « maisons d’héritage » où des artisans locaux travaillent à mettre en valeur leur culture et le savoir-faire ancestraux. Ça passe par de la gravure, du dessin, de la peinture, des danses, des chants. C’est chouette que ces traditions restent vivantes et soient montrées, mais ça a un côté « parc d’attraction » qui me dérange sérieusement. En même temps, par rapport à l’histoire alaskienne, le temps de la reconnaissance de toutes les horreurs commises est relativement récent, et les tribus sont encore très actives à se réapproprier tout ce dont elles ont été spoliées (langue native interdite, costumes, rites, célébrations, objets de culte et de troc, territoires, …) et à les refaire vivre pour pouvoir les transmettre à leurs enfants, pour que la mémoire demeure, mais je n’aime pas le côté « voyeur » de cette manière de mettre leur culture en lumière.

On profitera quand-même des jours de pluie pour visiter tout ça, parce qu’il n’y a pas que pour faire la lessive qu’on vient à terre, haha ! Ah oui, il y a des restaurants aussi … miam ! et une boulangerie qui propose des croissants français … mmmmmh, on a va aller voir ça demain !

Vendredi 1er septembre … déjà …
Au fond de Redoubt Bay, à 12 milles au sud-est de Sitka

Hier on est allé rendre visite aux Totems dans le parc national, et on a pu découvrir leur histoire, signification, construction en suivant l’exposé d’une jeune Ranger native de Sitka.

Troncs de bois de +5m de haut, bien verticaux et rectilignes, ces totems sont composés de motifs graphiques très définis, formes en U, ovoïdes, lignes fines ou épaisses, espaces en positif et en négatif, le tout représentant des animaux, des humains, des végétaux, sculptés les uns au-dessus des autres, dans un entrelac très représentatif. Souvent un ours ou un aigle à hauteur de notre torse, puis un second personnage ou élément de visage, puis un troisième et quatrième « étage », le tout chapeauté par un esprit ou représentation d’un personnage protecteur.

Les totems remplissent des fonctions différentes, et sont en quelque sorte le drapeau ou les armoiries d’une personne ou d’une communauté. Ils ont parfois un seul animal en tête de mât (totem mortuaire), ou sont représentatifs d’un panneau « indicateur » du territoire d’un clan, ou sont encore gravés comme des « shaming totem » pour relater la mauvaise action d’une personne (il en existe un à l’effigie de l’ancien président des USA, allez regarder sur le net).

Quatre animaux principaux peuvent être représentés sur ces totems, aigle, corbeau, ours ou loup. Qui sont synonymes d’appartenance à une Grande Famille.

Au sein de la tribu des Tlingits, chacun appartient à une Grande Famille : soit les Corbeaux soit les Aigles. Au sein de ces deux branches, un certain nombre de sous-clans, de maisons, de sous-maisons, etc.. Un Aigle ne peut jamais épouser un autre Aigle, de même que les Corbeaux ne se marient pas entre eux. Toute la société est fondée sur des valeurs très altruistes, où on fait beaucoup pour les autres, et les choses qu’on fait pour soi ont peu de valeur. La puissance d’une famille ne se montrait pas par la force et les armes, mais par le don : les potlatchs – cérémonies festives – étaient (sont encore) organisées pour offrir aux autres des parures, de la nourriture (fruits de la pêche, chasse, et cueillette), des objets décoratifs, des œuvres variées utiles pour le quotidien ou pour les rites.

Un totem était fabriqué par deux personnes : son graveur et son peintre. Le bois était principalement du Alaska Cedar (Chamaecyparis nootkatensis). Pour les couleurs : trois teintes de base, le noir, le rouge et le bleu, issus de pigments minéraux dilués et fixés avec des œufs de saumon mâchés et mélangés à la salive humaine … Les pinceaux eux, étaient faits de bois ou d’os, et poils de porc-épic ou autres animaux.

On a quitté Sitka ce matin après un tour mille fois trop court au musée super intéressant de Sheldon Jackson. Là c’est sûr, on reviendra pour y passer beaucoup plus de temps et discuter avec les conservatrices.

J’aurais pu y rester des heures tellement l’exposition y est riche et complète. Elle relate les arts natifs locaux, la vie des tribus alaskiennes, et celle de l’histoire des Tlingits principalement, puisque Sitka est au milieu de leur territoire. L’expo regorge de trésors, pièces ramenées des différents villages par Sheldon Jackson lors de ses innombrables voyages dans les terres entre 1888 et 1898.

Après l’arrivée des Russes, il a été missionné par l’Etat pour scolariser et apporter la religion à tous les enfants d’ici, éradiquant en même temps les langues et les dialectes. Il était néanmoins convaincu qu’il fallait à tout prix sauver les éléments historiques, sociétaux et culturels relatifs à ces nombreuses tribus … un peu plein de contradictions cet homme-là …  On y trouve des objets racontant la vie de tous les jours, et ceux qui sont plus propres aux rituels et aux arts ; on peut observer l’évolution de leur confection selon les influences de plus en plus présentes de marchands venus d’ailleurs, les Russes ayant commencé à faire du troc (fourrures de loutres contre boutons de nacre, perles de verre, tissus etc..). Avant l’arrivée de ces matériaux exotiques, la base de leurs réalisations était uniquement issue de deux sources : les animaux et les plantes.

Peau de poisson, intestins de phoques, peau d’animaux à poils, cornes, os, mandibules de crabes, mâchoires d’écureuils, tout était récupéré pour être transformé en habit, en sac, en collier, en cuillère, en couteau, en parure … Racines, tiges, tronc, écorce, les parties aériennes et souterraines des plantes elles aussi étaient utilisées pour le tissage d’étoffe, la confection de paniers, la construction de caisses de stockage, coffres et autres. Le tout réalisé avec une créativité fabuleuse et des moyens extrêmement limités. Le temps, par contre, était une ressource infinie …

En discutant avec les médiatrices du musée, on apprend que cela fait seulement 3 ans que les USA ont reconnu les différentes langues alaskiennes, et que cela fait donc seulement trois ans que la langue native des Tlingits vivants encore ici est enseignée à l’école. On apprend aussi que la société est organisée de manière matriarcale et d’appartenance à des castes ; les anciennes doivent toujours être consultées dans tout projet et pour beaucoup d’actions quotidiennes. Elles ont le pouvoir de faire et défaire la vie de chacun, valider leur légitimité ou au contraire leur retirer certaines marques de prestiges. C’est encore le cas aujourd’hui, et toute leur difficulté réside dans l’art de tricoter les valeurs et traditions ancestrales avec les besoins d’évolution, le monde du business et les technologies actuelles.

Et puis on y rencontre David John Angaiak (www.angaiakfineart.com) un artiste alaskien venu animer des ateliers dans le musée pour faire vivre ses traditions et connaître son art : il réalise des masques faciaux et des décorations de main pour les danses traditionnelles, faits de bois et de plumes.

Il nous parle de ces danses, de l’importance de la transmission, et du rôle initiatique des danses, ou rites de passages, marquant l’évolution d’un enfant vers l’âge adulte, qui permettent de transmettre les valeurs de la société : respect, altruisme, conscience que l’humain fait partie du tout, et animisme. Entre autres …

Il nous parle aussi de la vie de tous les jours des peuples alaskiens, qui ont pour beaucoup encore des modes de vie liés simplement à la notion de survie : très peu de magasins dans les territoires éloignés des centres principaux, donc toutes les activités des alaskiens sont tournée vers la récolte et la conservation des récoltes (graines, baies, poissons, chasse, etc..). Il nous décrit simplement la vie quotidienne de ses parents et de sa famille … c’est donc tout à fait actuel.

Rencontres passionnantes … !!!

Donc on a quitté Sitka, on est au fond de Redoubt Bay où une cascade sort du lac. Il y a un barrage à saumons à la sortie du lac, juste avant la cascade. On arrive à marée haute, sous les nuages, et on attend patiemment la marée basse pour espérer voir des ours … peine perdue. On a tenté une balade à terre, près du lac, mais les sous-bois sont trop touffus pour se sentir à l’aise, surtout après avoir lu tous les panneaux nous rendant attentifs à la présence d’une maman ours et ses petits …. Retour au bateau. Pluie, crachin, ciel bas et gris, la nuit tombe. Et sur le coup des 21h, trois ours se baladent sur la grève ! Z’auraient pas pu pointer le bout de leur truffe plutôt ceux-là ? espérons qu’ils seront encore visibles demain matin !!!

2 septembre
C’est l’heure du bain à Goddard Springs !

On quitte notre cascade en début de matinée, sans avoir revu les ours, après un petit plouf matinal à 14 degrés.

Hervé est allé snagger les saumons pour mettre en pratique ce qu’il connait en théorie du snagging, et a réussi à choper 3 saumons. Le snagging, c’est en fait une technique de pêche qui consiste à lancer ton hameçon au milieu des poissons (puisqu’ils sont tous là, en banc, entassés les uns à côté des autres), et à ramener tout de suite la ligne à toi. Du coup, ce n’est pas le poisson qui mord à l’hameçon, mais l’hameçon qui mord au poisson … puisque tu les attrapes par le dos, la queue, la nageoire, la joue, tout dépend où l’hameçon se plante dans le poisson … La raison pour laquelle le snagging est permis (si tant est qu’on veuille vraiment attraper un saumon dans ces conditions), c’est que les saumons ne mangent plus lorsqu’ils sont aux embouchures des rivières, puisqu’ils sont en mode « reproduction ». Donc ils ne seront pas intéressés par un leurre à croquer.

Donc 3 snaggés, 3 relâchés.

On quitte la douche de la cascade pour aller se plonger dans la baignoire de Goddard Springs. 8 n miles de navigation au moteur (eh oui, encore au moteur) au milieu des petits ilots, marée basse, algues jaunes, rochers gris et bruns, sapins vert sapin, ciel gris et plutôt bas, on arrive au mouillage sous la pluie (eh oui, encore de la pluie). Et on trouve un bel éclair bleu roi dans la crique, flottant sur l’eau : LONGTEMPS SUR L’Ô, qui est arrivé hier.

On va se baigner au chaud tous les deux en milieu de journée, et on y retourne tous les quatre pour l’apéro. Ces bains ci ont deux robinets qui permettent de décider de la température du bain, c’est assez agréable. La cuve est en inox, habillée de planches de bois, la cabane est bien plus petite que les bains de White Sulfur Springs, et l’eau est moins sulfureuse. Il y a une cabane au bord de l’eau, et une cabane plus haut, sous les arbres. On choisit le bord de l’eau, c’est plus ouvert.

Fin de journée à parler des projets des uns et des autres dans l’eau chaude, en prenant un bain à quatre, petit verre de vin et chips au grand air, c’est super agréable. Puis retour au bateau juste avant la tombée de la nuit, pour une bonne platée de pâtes et une soirée jeux -eh oui, encore des jeux 😉 Avec Charly et Réjane, c’est toujours sympa et très vivant- Longtemps sur l’Ô va remettre cap au nord demain, puisqu’ils vont aller hiverner leur bateau à Skagway et retourner travailler en Polynésie jusqu’à la prochaine saison alaskienne, et nous on va mettre cap au sud, direction Ketchikan par les canaux (dès qu’on pourra à nouveau être dans les canaux). C’est donc notre dernière soirée tous les quatre pour cette saison, en espérant très fort qu’on aura le plaisir de les retrouver l’année prochaine !

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JDB – Bonheurs dans le Prince William Sound https://www.myriades.ch/2023/08/20/bonheurs-dans-le-prince-william-sound/ https://www.myriades.ch/2023/08/20/bonheurs-dans-le-prince-william-sound/#respond Sun, 20 Aug 2023 17:29:32 +0000 https://www.myriades.ch/?p=6974 Guguak, une baie récalcitrante ou un capitaine trop joueur ?
Mercredi 26 juillet 2023

Un bon bain frais ce matin, 11.7 °C dans un air à 12.9 °C, quel bien ça fait ! Je commence sérieusement à y trouver du plaisir et l’envie de prolonger chaque trempette.

On s’engage aujourd’hui dans le Pince of Wales Passage, le chenal Est de Bain Bridge Island, en direction de Guguak Bay où Le Cap joueur veut aller poser l’ancre pour la nuit. Joueur, car les fonds sont peu profonds, et la baie très fermée sur elle-même.
Chemin faisant, on ralentit à certains endroits pour trainer les lignes et essayer de ferrer un saumon, on aperçoit un groupe de lions de mer qui se prélassent sur leurs rochers noirs, bordés d’algues dorées au-dessus de l’eau grise et choppy. Nathan attrape un joli Chum de 50 cm, 1kg300, de quoi nous faire un petit repas sympa.

Arrivés devant l’entrée de Guguak Bay, on ralentit sérieusement et on observe, tout en ayant les yeux bien attentifs à la carte. Hervé au pilotage, et nos 6 yeux à nous posés sur l’eau. Je monte sur le balcon-avant pour essayer de mieux voir ce qui se passe sous l’eau, elle est noire, profonde, je n’aperçois rien. Et puis tout à coup, un seuil devant nous, des algues et des rochers pas loin de la coque. Machines arrière toutes !!! On recule, on reprend un peu de distance, et puis on aborde la passe sur notre tribord pour essayer de passer. Là non plus, peine perdue, les fonds remontent trop. On recule une fois de plus. On tente sur bâbord, mais clairement, à mes yeux ça ne va pas le faire.

Hugo et Hervé partent en annexe sonder les fonds sur toute la largeur de l’entrée de la baie, voir si une ouverture y est possible. Résultat : au moins profond, il y a 1m80 d’eau … On renonce. On ne va tout de même pas rentrer dans la baie au forcing, sachant qu’on est en marée montante. Si on doit pour une raison ou une autre évacuer cette petite crique, on pourrait y être coincés par manque d’eau pour passer le seuil. On est joueurs, mais on joue aussi la sécurité. D’abord et avant tout !

On ancre finalement au milieu des ilets des iles et des ilots. Bandes de cailloux gris surmontées par des sapins, quelques buissons feuillus. Tout est bien vert, le ciel et l’eau sont gris. Pas moyen dans ce pays de partir marcher à terre, on est en « forêt primaire » comme en Patagonie. La rive ne nous offre aucune trouée propice à la marche. Et puis il y a toujours l’inquiétude de l’ursidé qui nous guetterait derrière un arbre pour mieux nous manger ; blague à part, ça n’offre aucun sentiment de détente ni de zénitude de se balader en territoires oursiens … Demain peut-être la possibilité d’aller jusqu’à un petit lac, on verra. En sifflant gaiment tous les quatre ! Car comme le disait un gentil américain rencontré récemment « 85% des accidents avec les ours ont lieu sur des groupes de moins de 2 personnes ». Oui, ce sont bien ses mots.

Nathan part pêcher dans la fameuse baie inaccessible, à peine les filets de son saumon levés. Il a la fièvre pêcheuse celui-là, c’est son occupation principale quand il sort de sa cabine. En nav, il guette la vitesse du moteur pour savoir si on traine correctement, il dirige le bateau dans les eaux propices, il choisit ses jiggs et ses leurres avec attention, il regarde la profondeur des fonds, et quand un poisson s’invite au bout de sa ligne, il prend le temps de le détailler, le mesurer, le peser, le photographier, …

Les prises au compteur à ce jour :
Nathan : 49 poissons (saumons, rock fishs, flétans)
Hervé : 17 poissons
Hugo : 10 poissons
Mel : au four, à la poêle, au grill, en sauce pour des pâtes, en potée, … les gravelax c’est les mecs qui les préparent, et pour moi surtout le plaisir de savourer leur plaisir et leurs partages

 

Otter Bay
Jeudi 27 juillet

Journée sans vent, comme les 5 à venir, avec des nuages le matin et un beau soleil dès midi, qui commence à descendre derrière les monts à 22h.

Température idéale pour une nav par ici : à peu près 15-18 degrés, et bien plus au soleil à l’abri des airs. L’eau du bain est à 11.9 degrés, limpide et belle bleu-canard. Les ploufs sont de plus en plus longs et de plus en plus agréables. Bon, on est loin des 3 degrés du dernier glacier …

On est allés marcher ce matin jusqu’à un petit lac, les 4 en rang d’oignons, en tout cas un peu plus groupés que la dernière fois. On a vu plein de crottes d’ours, et de traces évidentes de leur vie dans ce joli coin. Des traces d’élans aussi, sabots dans la terre meuble.

On est remontés le long d’une petite rivière pour sortir des bois, la forêt est trop dense pour être traversée facilement (il faut dire que Hervé avait sa canne à pêche à la main, ça ne facilite pas les choses !), et puis on a trouvé une grande zone de prairie parsemée de quelques sapins et surtout des fleurs, jaunes, violettes comme des iris, rose pâle comme des grosses marguerites, roses fushia comme des toutes petites orchidées, et puis des blanches ressemblant à des fleurs de fraises. Zone de prairie oui, et traversée en toute part par des petits ruisseaux qui dégoulinent jusqu’en bas des collines.

On est allés explorer le tour du lac et Hervé a taquiné les petites truites « cut throat » genre truite farriot (petit lac, petit poisson) et puis on a grimpé sur le dos de la colline pour aller voir les canaux de haut. Belle vue dégagée sur les iles et montagnes alentours. Pas mal de glissades intempestives sur les fesses car la terre est bien mouillée, en plus d’être pentue.

Longue partie de pêche (à la traine) le temps d’arriver à notre prochain mouillage, et malheureusement aucun saumon n’a daigné nous approcher. Pourtant ils sautent partout, à gauche, à droite, devant, derrière, … mais on ne les intéresse pas.

Sea Tilt (un catamaran Gun Boat de 60 pieds, tout carbone donc tout léger) nous a dépassé à fond la caisse, il filait à 10 nœuds sous GV et Spi asymétrique, sur l’eau lisse du Prince Whale Passage. On avait l’impression d’être arrêtés … certes, on avançait lentement puisqu’on traînait (c’est le cas de le dire) mais quand-même !

On est maintenant ancrés à Otter Bay, jolie baie au fond de laquelle coule une rivière.

En bordure de notre baie :
Un ours noir. Notre premier ! C’est un animal beaucoup moins massif que le brun, il a deux grandes oreilles rondes au NE et au NW du crâne, un museau assez long, on dirait presque un gros chien. Corps assez court, pattes longues et souples.

Et puis quelques phoques, peau claire et tachetée de brun-noir.

Des loutres, qui se lavent se lavent se lavent en discutant, posées sur l’eau sur le dos, roulant sans cesse sur elles-mêmes.

Des goélands, huitriers et pygargues qui se pourchassent dès que l’un d’eux a attrapé un poisson.

A l’entrée de la baie, 2 baleines à bosse bien reconnaissables avec leur long dos orné d’une toute petite nageoire dorsale croisent et recroisent, à croire qu’il y a de quoi manger dans le coin !

Au fond de la baie, la rivière. Qui attire plein de saumons. Des Pink, des Chum, des Sockeyes. Déjà passablement mutés. Les gars pêchent, et ramènent un flétan de 3kg (1k300 de filets tout nus au frigo, miam !) et une maman Chum, pleine d’œufs. Sa robe a déjà muté, elle est très blanche, et n’a plus d’écailles. Sa chair est très claire.

J’ai ébouillanté les œufs de la saumone puis les ai plongé dans l’eau froide pour les sortir de leur poche, et on a gouté ça. C’est pas mal, mais en fait ils mériteraient d’être mangés crus, sans traitement thermique. Ca les ramollit trop, ils deviennent un peu pâteux. Ils ont rejoint la chair de saumon cuite, assaisonnée de manière à la transformer en rillettes pour un prochain apéro. C’est délicieux !

Ah oui, et puis un animal -ou plutôt un insecte- qu’on n’avait peu vu -ni subi- jusqu’à maintenant : les moustiques !!! il y en a plein ! partout ! donc quand on se balade maintenant, c’est avec un filet sur la tête, par-dessus les casquettes … nan nan, on n’a pas du tout l’air bête … mais au moins on est protégés.

 

Vendredi 28 juillet .. déjà … Icy Bay, I see Icy

Rien de spécial en ce 28 juillet, nan, pas vrai, un magnifique glacier !!! tellement impressionnant, tellement grand, tellement long !

On a remonté Icy Bay, jusqu’à un embranchement, chacun bras menant à un glacier qui tombait dans l’eau … mhhhh, lequel choisir ? c’est l’eau qui en a décidé pour nous : le bras menant à Tigertail Glacier était recouvert de glaçons, petits et grands, ce qui voulait dire un pilotage très attentif et une remontée très lente jusqu’au glacier. On a beau avoir de l’alu entre l’eau et nous, ça reste une peau relativement fragile, une barrière très mince qui assure notre sécurité, qu’on n’a pas envie de voir se déchirer à force de griffures ou de chocs répétés. Bon, ça serait vraiment peu probable, mais on ne va pas tenter le mauvais sort.

Donc on tourne à droite, direction Chenega Glacier. On l’aperçoit rapidement au loin, il est monumental, il bouche tout le fond du fjord. Dans le chenal, plein de growlers et morceaux de glace bien trop gros pour entrer dans nos verres d’apéro, suffisamment gros pour les phoques se reposent nonchalamment tout en dérivant.

On s’approche on s’approche, on n’en finit pas de s’approcher, il semble toujours aussi lointain. On s’arrête à 1.5 km de lui, et pour le regarder de bout en bout, on pose le menton sur l’épaule gauche, puis on tourne la tête jusqu’à toucher notre épaule droite avec notre joue … comme ça on peut le voir en entier. Sa façade mesure tout simplement 2.2 km de long … Imaginez, 2.2 km. Pour les Rollois, ça fait 2 fois la longueur de la Grand Rue. Pour les Parisiens, ça représente plus de 7 fois la hauteur de la Tour Eiffel !! Hauteur de la façade, c’est dur à estimer, mais nous on dit « pas loin » de 140m. On cherchera les infos quand on aura du réseau.

On traverse des vagues d’eau douce et des vagues d’eau salée, qui colorent la baie de leur vert-canard plus ou moins foncé. Le tout saupoudré de flocons de glace, parfois gros comme un container. A ses pieds, un troupeau de phoques endormis. On aurait envie de se poser là pour la nuit, mais c’est toujours un peu dangereux de rester trop proche de ces murs de glace, ils peuvent tomber pendant notre sommeil, et potentiellement venir provoquer des dégâts, ou simplement remplir la baie et nous fermer la route.

Direction Orca Bay pour la halte de nuit, il parait qu’on peut y voir ours, élans, loutres, et parfois des dauphins (on ne verra rien). Les gars tentent une première approche de la pêche à la crevette, et partent poser le panier à 100m de fond, au bout de sa longue amarre et sa bouée. Bouée identifiée au nom du capitaine avec son numéro de licence de pêche ; obligation légale pour pouvoir pêcher sereinement. En fait, l’autre jour on se disait qu’on mange du poisson pour « pas cher » sur le bateau, mais à 3 licences pour l’année, il faut quand-même sortir du poisson pour les rentabiliser.

La baie est incroyablement calme, petite plage de prairie bordée d’une rivière, ilets aux cailloux bruns et gris, ourlés d’algues dorées, sapins partout, eau claire et limpide. On dort incroyablement bien, c’est tellement calme et silencieux, sans vent, sans clapot, sans bruit …

 

South Eshamy Bay
Samedi 29 juilllet

Ce matin en partant, les gars ont récupéré le panier à crevettes avec 10 petites bêtes prisonnières à l’intérieur. 3 grosses et 7 petites. Ça donne envie de recommencer et de trouver les endroits favorables … on va chercher ! En plus Robin et Amanda nous ont donné 2-3 spots où aller les pêcher, on n’a pas d’excuses pour ne pas y arriver.

Pendant que les lus remontent les 100 mètres de ligne, Hervé lui a mis sa canne à l’eau. 5 minutes plus tard, il nous dit « ah, je sens quelque chose, mais c’est bizarre, ça ne tire pas vraiment » … il remonte ses 100 mètres lui aussi, et au bout, un magnifique cod de 5kg. Qui ne se débat pas, il doit être un peu shooté par l’altitude, haha, pourtant il ne montre aucun signe de barotraumatisme extérieur : pas de gros yeux, pas de vessie natatoire qui lui ressort par la bouche. Il se laisse attraper par les ouïes sans rien dire, et remonter pour finir sa vie sur notre plage arrière. Hervé lui coupe la colonne vertébrale et le laisse là, mort, le temps de laisser les gars remonter leur matériel sur le bateau.

Une demi-heure après, il entreprend de lever les filets de ce beau morceau de cod, et voilà que le poisson se cabre … bizarre … on dirait qu’il est encore en vie. Ces contractures musculaires « réflexes » le feront battre de la queue encore longtemps après avoir été sorti de l’eau.

A peine remonté sur le bateau, c’est au tour de Hugo de mettre sa ligne à l’eau. Un petit moment plus tard, c’est à son tour d’afficher un grand sourire, et de remonter ses 100 mètres, avec une jolie morue au bout du fil … sauf qu’elle n’est pas accrochée à l’hameçon, elle était juste en train de mordiller le leurre … lorsqu’elle a aperçu Hugo, elle a dit « oh le beau gosse » en ouvrant grand la bouche, et elle est repartie tranquillement dans les profondeurs. Frustration totale du pêcheur !!!

Puis c’est Nathan qui s’y est mis lui aussi. Pareil, 100 mètres de fil, et puis voilà sa canne qui se courbe et se courbe et se courbe à en toucher l’eau, et Nathan qui s’extasie déjà devant la prise mahousse qu’il vient de ferrer. Il mouline, mouline, mouline, mouline, mouline, s’arrête, fatigué, mouline, mouline, mouline, mouline, transpire, respire, râle, c’est long 100 mètres !!! surtout avec un poids pareil au bout de la ligne … et hop, il mouline mouline mouline, et tout à coup, on voit une énorme gueule s’approcher de la surface. Elle est suivie par un long corps tout plat un peu en losange, brun tacheté de beige, ventre blanc, coulant de viscosité, deux yeux sur le même côté et une gueule de travers, un énoooooooorme flétan !
Il se débat à la surface, replonge, se démène, se calme, nous montre son long corps de 1m40, un bon gabarit de 40-50 kilos, et puis d’un coup de queue plus vigousse que les précédents, il réussit à casser le hameçon et se libère, replongeant dans l’eau vert-noir, nous laissant sans voix, perplexes, ébahis et surpris sur le pont.

Re-frustration totale du pêcheur !!!

Les trois hommes ont bien envie de recommencer et de remettre les cannes à l’eau, alors on change un peu de coin, et d’heure en heure, on pêche à gauche, on pêche à droite, et au final, plus aucun poisson ne se décidera à remonter sur le pont. Ni au jigg ni à la traîne.

Fin de journée dans le cockpit à Eshamy Bay, sous la bâche de pluie qui nous protège des quelques gouttes qui tombent du ciel, la température est douce, on y est bien. Apéro en pull sans avoir froid, grand plaisir d’un moment doux à l’extérieur, en compagnie de Longtemps sur l’Ô et des moustiques.

 

Pêche à la truite, pêche au saumon
Dimanche 30 et lundi 31 juillet … déjà !!

Un dimanche plein de soleil, du bleu du matin au soir, un temps incroyable pour l’Alaska, du moins pour l’Alaska qu’on nous avait vendu : gris mouillé et gris humide, deux tonalités de gris qu’on connaissait peu. Donc le gris bleu très bleu, on aime on adore ! Mouillés (mais secs, haha) à Eshany Lagoon, dans le fond de la baie, on profite pour se faire une petite balade au lac pour aller pêcher la truite.  Truite Arc-en-ciel parait-il. Allons voir !

On chausse nos bottes, nos pulls et nos moustiquaires portatives, magnifiques filets qui se posent sur nos têtes par-dessus nos casquettes, nos bear-spray à la ceinture, nos gants, cannes à pêche sur l’épaule et fleur au fusil.

On débarque à terre vers une petite maison construite là-haut au-dessus de la rive dans les sapins, et on y trouve deux jeunes qui vivent là 2 mois pour compter les saumons. Selon leurs infos, la pêche ouvre et ferme dans les baies avoisinantes, en fonction du comptage qu’ils font. Ils traquent particulièrement le sockeye et le pink, le chum faisant partie des « viennent ensuite et non considérés ». Ils partagent leur temps entre le petit barrage à saumon un peu plus haut dans la rivière, leur cabane dans les arbres, le zodiac avec lequel ils vont poser les filets à crevettes, et l’observation des ours. Puisque oui, ours il y a !

L’une des biologistes nous dit « ah, je vois que vous êtes bien équipés (elle regarde nos bear-sprays), c’est bien ! chantez et parlez, et vous ne serez pas importunés par les ours ! suivez les sentiers animaliers (donc les sentiers des ours … ! ) et vous arriverez au lac » ok … donc on part en parlant haut et fort, et au bout d’un moment les trois gars me demandent gentiment d’arrêter de chanter de parler de râler de radoter de crier de siffler de hululer de faire du bruit .. parce que vraiment, « comment peut-on apprécier la nature si tu fais tellement de raffut ?? »

C’est tout le paradoxe de ces balades alaskiennes … le plaisir d’être dans la nature, l’envie de l’écouter et de la savourer en la découvrant en silence, la paix qu’apporte une marche dans la forêt, la sérénité à fouler la terre et la verdure, et l’impossibilité de le faire sans faire de bruit, car notre sécurité en dépend … elles n’ont donc pas grand-chose de ressourçant ces escapades en milieu végétal …

Au bord du lac, pas de berge herbeuse et dégagée nous permettant de savourer ce petit coin de paradis, on avance sur les cailloux beige doré, à moitié dans l’eau à moitié sous les sapins, les gars lancent leur ligne plusieurs fois, et seules deux petites truites toutes jeunes remonteront à la surface, s’étant laissées attrapées par ce petit hameçon doré.

Après la pêche à la truite, on cueille nos premières blue-berry pas mûres, puis retour au bateau. Les gars partent poser les deux casiers à crevettes, en espérant une meilleure prise que la veille … Puis ils partent explorer une autre rivière, près que laquelle ils observent pas mal de traces d’ours … empreintes de pattes dans la boue, crottes, et se disent « mmmmhh, ils doivent se régaler par ici à croquer le saumon » … « et si on essayait nous aussi ? » donc ils ont joué à l’ours pêchant le saumon … : ils ont observé puis vu un poisson esseulé sous un arbre, qui tournait par-là dans sa grande flaque. Ils l’ont cerné, puis Hugo a tenté de l’attraper avec ses mains, le retenant du bout des doigts, … le poisson lui a échappé, est redescendu dans le courant. Un peu plus bas, Hervé et Nathan ont pris le relais, essayant à leur tour de l’attraper, Nathan courant à 4 pattes comme un ourson ; finalement Hervé l’a bloqué avec ses bottes et l’a envoyé sur la rive d’un coup de pattes, Nathan l’a rebalancé à l’eau, et Hugo l’a récupéré pour le relâcher là où il nageait à la base, tranquille dans sa flaque. Ils étaient heureux et joyeux tous les trois, en rentrant au bateau.

Repas dans le cockpit en t-shirt, sans moustiques, dans la douceur de ce jour qui ne tombe pas. Un petit phoque vient nous montrer sa bobine au cul du bateau alors que les croquettes de halibut viennent d’atterrir dans nos assiettes … purée de pommes de terre faite maison, halibut poché dans du lait, effiloché, le tout mélangé avec un peu d’oignon rouge et de piment vert, passé dans la chapelure et à la poêle, c’était long mais c’était bon !!!

Ce matin, lundi 31 juillet, départ de bonne heure après avoir remonté les paniers à crevettes (un gros bol plein de jolies crevettes pour l’apéro), on avance au moteur sur une mer super calme, à 2 nœuds pour une tentative de pêche au saumon. Quelques heures plus tard, les mecs remontent 3 lignes : une avec un magnifique Silver Salmon de belle taille, et deux juvéniles qui nous auront empêché pendant tout ce temps d’attraper de plus gros poissons. Des pêcheurs qui passent non loin de nous nous abordent pour nous offrir un Sockeye Salmon tout droit sorti de leur filet. Du coup, on remonte les lignes … on a bien assez de poisson à bord pour un certain nombre de repas !

Hugo passe les 2 heures suivantes à préparer différents gravelax (un classique baies roses et aneth, et un plus osé, citron et orange), et mettre les filets de poisson sous vide. Et comme il a aussi envie d’apprendre à faire du pain, on prépare tout ça en attendant d’arriver au mouillage de milieu de journée, pour aller au glacier Nelly.

On retrouve Longtemps sur L’Ô et après le dèj, on part avec eux à deux annexes pour remonter le long de la moraine et de la rivière, jusqu’au pied du glacier. On a bien 3 miles à parcourir au milieu des glaçons, et on apprécie de leur faire à deux bateaux, trois et trois, chacun bateau équipé de sa radio. On n’a pas de gilets de sauvetage, mais l’eau est à 17 dans la baie (bon d’accord, elle est bien plus froide au pied du glacier), mais il n’y a pas de vent, pas de vagues, et on reste proche les uns des autres.

Encore un moment magique, hors du temps, suspendus entre les centaines d’années passés et l’instant présent, entre ces masses de granit brut -gros blocs ou sable fin- et l’eau opaline où jouent les phoques, on se délecte de cet univers brut, minéral, sans intervention végétale visible à ce jour. La langue du glacier a reculé de 3 miles nautiques (pas loin de 6 km) en moins de cent ans … la roche n’a pas eu le temps d’être recouverte d’une couche fertile permettant aux herbes, arbustes et autres plantes de trouver un terreau fertile pour croitre et redonner vie à cette plaine aride, lunaire, sèche.

Le glacier craque, coups de canon sourds et puissants, il avance brutalement de l’intérieur, peu de chutes en façade. Certains pans de glace d’un beau bleu profond, crêtes turquoise trônent là-haut sous le ciel bleu, et entre deux, c’est un doux entrelacs de bleu crème blanc beige gris bleu pâle, ça explose en dents acérées ou au contraire, c’est doux et poli par le temps, tout dépend si le glacier est compressé ou au contraire, ne connait pas de frontières.

Retour au bateau en passant dire bonjour aux phoques, qui nous entendent arriver de loin et se glissent dans l’eau avant qu’on ait le temps de les prendre en photo.

On invite Réjane et Charly à venir prendre l’apéro vers 18-18h30, et puis on passe finalement la soirée à discuter de tout de rien à rire et à partager du bon temps malgré les moustiques qui nous assaillent, Nathan et Hervé dégainent leur « mosquito net », les super filets à moustiques portatifs qu’ils abordent fièrement, malgré leur allure loufoque … et pendant ce temps, tous les autres agitent leur casquette leur main leur chapeau pour faire fuir ces nuisibles volants assez énervants. Au final, les moustiques auront raison de nous, on capitule ! et c’est là qu’on réalise qu’il est déjà 23h15, … il fait encore jour, on n’a toujours pas pris nos repères dans ces longues journées alaskiennes. Et quel bonheur de ne pas voir le jour partir se coucher à 17h comme en Polynésie !!! d’autant plus qu’il ne fait ni froid ni humide, on savoure vraiment notre chance !!

 

1er aout à Deep Water Bay

 On traîne et traîne et traîne et on se traîne pour arriver à Deep Water Bay, on reprend notre vitesse de croisière à 2 nœuds, 3 lignes sont à l’eau, on espère attraper un deux saumons en route. Peine perdue … c’est pas aujourd’hui qu’on retravaillera la recette du gravelax !

On arrive à Deep Water Bay après 5 miles nautiques, une plage de sable blanc nous attend au soleil. Au pied d’un magnifique massif montagneux constitué de granit gris poli poncé griffé aplani par le passage des glaciers, de la pluie, du vent, du temps …

Il fait beau, il fait chaud, Hugo et Charly décident de faire du wake board. Hop en maillot de bain, petit pull lycra et on y va. Enfin, ils y vont ! Hugo commence, et quelques longues minutes plus tard il revient au bateau sans être tombé à l’eau ! aussi sec qu’au début de la session. Puis c’est au tour de Charly, qui goûte un peu la fraicheur de la crique. L’eau est à 13 ici ce matin. Ils enchaînent les tours de bateau et les minutes de plaisir se faisant tracter derrière l’annexe qui avance à fond, ils surfent la vague, glissent et dérapent, s’essayent à quelques figures et puis rentrent se mettre au chaud.

Déjeuner barbecue au soleil sur le pont : on déguste les 48 crevettes sorties des filets ce matin, la plus grande mesurant bien 15 cm sans les antennes. La plus petite, un petit 9 cm. Pas mal du tout !! Elles sont bio, elles sont fraiches, on connait parfaitement la chaîne d’approvisionnement et la traçabilité de ces petites bêtes délicieuses. Merci les eaux alaskiennes pour toutes vos richesses !!! Pendant le dèj, un ours noir déambule dans l’herbe au bord de l’eau, sous nos yeux, qu’est-ce qu’on est bien, là.

Balade à terre, grimpette dans les hauteurs pour aller découvrir ce qui se cache derrière le premier pan rocheux. Difficile de trouver le début du sentier, après une petite paroi rocheuse. On suit un sentier animalier, on cherche notre chemin, on revient sur nos pas et on en emprunte un autre. A priori, on suit la trace de l’ours. On trouve des kerns sur notre chemin, à défaut de panneaux indicateurs ou de réel sentier. Rochers très arrondis, très doux, sapins et sapins, surtout des sapins, de la belle herbe verte et moussue, des petits ruisseaux et des flaques XXL un peu partout. Petites buttes vallonnées que nous abordons avec nos cris pour nous annoncer, au cas où …

Zone marécageuse asséchée fleurie de nénuphars, des grands espaces de feuilles aplaties, pas trop de doute, on trouve la tanière de l’ours, mais pas l’ours. L’air est blindé de moucherons et moustiques, et comme il n’y avait pas de vent, une fois qu’ils nous ont trouvés ils ne nous ont plus lâchés !

On croise une petite rivière, l’eau est très transparente et ruisselle le long du granit rose rouge ; on avance dans une zone de morène très large, et on est finalement arrêtés par des marécages non franchissables.

Au retour, on récupère l’annexe qu’on avait laissée posée sur son lit d’herbe juste au bord de la plage, et on a l’impression de la récupérer en plein champ. Retour au bateau, avec un bain pour Hugo et même Nathan !! Son premier plouf dans l’eau tempérée de notre super été alaskien !

Hugo et moi on continue à se baigner tous les matins, l’eau est entre 11 et 18 degrés ces jours, c’est vraiment super agréable ! On a presque trop chaud dans l’eau, haha !

Et pour fêter ce premier aout, fête nationale suisse, ce soir on mange une délicieuse fondue ! la dernière … Ca va être long d’attendre la prochaine, ca sera pour cet hiver …

Mercredi 2 aout, on joue dans le vert et les rivières
Le long de Culross Island

La météo annonce gentiment la fin de l’été, le temps se remet au gris. Gris clair gris foncé gris moyen gris souris gris cailloux gris sable gris rochers, mais heureusement, pas gris mouillé.

On s’est arrêté dans une baie magnifique, pleine de petites iles perchées sur leur roche colorée, ourlée d’algues vertes et jaune vif. Dans la baie coule une rivière, à l’entrée de laquelle se pressent les saumons qui viennent frayer, mâles et femelles proches de la fin de leur vie, en pleine transformation, tous poussés par un seul et même élan : monter, toujours plus haut.

On remonte dans ce petit delta, le long de la rivière, qui quitte la forêt pour venir se jeter dans la mer, formant de jolis S dans la pente très douce. Sable, gravier, petits rochers, végétation marine, graminées hautes, troncs de sapin morts en travers de la rivière, arbres allongés sur la rive, la nature sauvage est magnifique. On marche dans l’eau, dans le sable, les gars commencent à courser les poissons et chasser les saumons. On dirait trois ours en sortie joyeuse entre potes, qui rêvent de passer à table. Ils observent, coincent, dévient, traquent et essayent d’attraper les saumons à main nue, à grand renfort de coups de bottes ou à l’épuisette. Trop marrant de vivre des moments comme ça. Quelle chance !

Raconte-moi Nathan comment tu as vécu ce moment de pêche dans la rivière, à courir après les saumons comme des ours : « euh, b’en rien de particulier »

Et toi Hugo ? « d’abord on a observé les saumons, ensuite on a essayé de définir quel était le meilleur point pour les attraper, ensuite le parisien en vacances a sorti son épuisette, pendant que les deux autres plus véloces ont couru après les poissons, et au final, en embuscade et à coup de coups de pieds dans l’eau, on a tous sorti notre poisson. Nathan en a même eu deux !!

Et toi Hervé ? « b’en facile, quoi »

Dans cette jolie rivière, on croise de drôle de poissons : à moitié pourris et encore vivants, des poissons mutants qui ressemblent à des gremlins, plus morts que vifs, les dents allongées et le dos transformé, qui changent de couleur de forme et de métabolisme. Ils ne sont plus très vigousses, font l’effort de sauter et nager à contre-courant, puis se laissent redescendre dans la rivière, fatigués, exténués, avant de recommencer. Ou d’être pêchés par un ours, ou par un aigle, ou par un Hugo ou un Nathan.

On passe un joli moment dans tout ce vert. Herbes hautes vert tendre, longues planches (d’où viennent-elles ?) recouvertes d’algues vert amande, roseaux, petits buissons touffus vert pomme, sapins vert sapin, mousses vert caca d’oie, arbustes verts pas vert, algues jaunes, et ciel de moins en moins gris.

On remonte sur le bateau, direction notre prochain mouillage pour la nuit, Goose Cove, où on va aller chercher de l’eau de source pour remplir les réservoirs. Comme les eaux ici sont trop douces, on ne peut pas faire tourner le dessal n’importe où. Aucun poisson ne vient mordre à l’hameçon pendant nos quelques heures au moteur, flûte alors ! ce n’est pas faute d’essayer, mais aujourd’hui pas de succès, la poissonnerie était fermée.

Jeudi 3 aout, en route vers les glaciers au nord de Whittier

On avance depuis ce matin à vitesse modérée, pour laisser les longs fils de nylon dans l’eau, on commence à manquer de saumon frais. Un dernier filet brut nous attend dans le frigo, 2 en gravelax prêts à être mangés, 1 au congelo … faut pas qu’on attende d’avoir mangé le dernier pour pêcher à nouveau, puisque le plaisir de la pêche ne répond pas toujours au besoin des estomacs.

Je « m’inquiète », mais à 8h du mat, Hugo nous remonte un beau Silver de 3k550 pour 60 cm, une belle prise !

Le temps gris et fermé joue à nouveau avec les collines qui nous environnent, les bancs de brouillard relèvent le relief, laissant émerger une pointe par-ci, un pic par-là, la silhouette de quelques sapins, le tout dans un jeu de bleugrisvertviolet foncé très doux.

En remontant dans le Port Wells, long fjord orienté Sud-NordNordEst, les nuages se déchirent petit à petit ; on aperçoit Serpentine Glacier dévoiler un long pan de roche grise, dorée, brune, tout doux, comme poli et sableux. Un peu de verdure sombre structure la pente qui descend jusqu’à l’eau, et les plaques de neige illuminent le tableau, tout là-haut.

De chaque côté de cette immense pente, deux glaciers se jettent à l’eau. L’un depuis sa falaise, plutôt morcelé, éclaté, composé de blocs de glace qui se fracturent de manière hérissée et de couches successives qui se compriment, un coup turquoise un coup blanc puis une petite couche grise, et on recommence … Comme une cascade gelée pétrifiée. L’autre vient de loin, du fond de la vallée, en trois grosses vagues successives à l’onde longue, il prend son temps et vient lécher l’eau doucement.

On en découvre un troisième sur la droite de la baie, qui lui aussi ressemble à une cascade.

De l’eau coule, bruyante, chantante, fracassante, elle tombe de haut, elle coule à gauche à droite devant en bas, partout ; de tous les côtés de la baie on observe les glaciers fondre et partir à la mer … leur eau laiteuse vient se mélanger à l’eau vert-canard de la mer, on flotte sur une eau grise.

Sur les gros glaçons, quelques phoques se vautrent nonchalamment, s’arquent par moment levant les pieds pour mieux lever la tête et regarder ce qui se passe autour d’eux. Dès qu’ils sentent la moindre menace, ils glissent sur le ventre, s’approchent du bord de leur growler et disparaissent dans l’eau. Ils ne doivent pas avoir trop de visibilité là-dessous … comme les loutres d’ailleurs, celles qui jouent autour de nous sans nous voir, et tout à coup, se redressent la tête étonnée et replongent de plus belle pour s’éloigner du bateau.

A nouveau, on passe un temps hors du temps émerveillés devant ces géants figés qui étonnamment ne cessent de bouger, de vivre, de craquer, de péter, de gronder, de s’alléger de quelques mètres cubes de glace ou de roche pour notre plus grand plaisir. On se tient quand-même à distance : on voit les blocs tomber dans l’eau bien avant d’entendre leurs énormes broum splash ploufff …

Nathan nous a préparé un bon repas qu’on déguste avec plaisir devant ce magnifique spectacle, au soleil, dans l’air tranquille, dérivant gentiment dans les courants de la baie.

Fin de journée à Serpentine Cove, où on se retrouve face à un glacier noir. C’est étrange. Tout là-haut dans la montagne les glaciers alpins très blancs sont bien accrochés et ruissellent le long de la paroi, et là, au pied de la montagne, entouré de sa moraine, le pied du glacier, noir, recouvert de poussière sable gravier rochers tombés de plus haut. C’est surprenant.  Les nuées jouent entre l’eau et le ciel, découvrant tour à tour des morceaux de la montagne, paroi noire blanche brune et grise, un peu boisée aussi.

Par erreur, j’ai jeté la tête et les restes du saumon de Hugo, qui étaient destinés au panier à crevettes … sacrilège !! du coup, ça nous motive pour aller se faire une balade sur l’estran, à la recherche de moules et coquillages qu’on pourrait mettre dans les paniers. On patauge une bonne heure avant que les moustiques n’attaquent trop, et on revient avec un seau rempli de mini-moules. Hugo les écrase un peu à coup de pierre pour les ouvrir, et y rajoute un peu de gras de lard, et des couennes de Gruyère Vieux … Les paniers passent la nuit à 60 mètres de fond, et on ira les rechercher demain matin. On vous dira si la recette a du succès auprès des crustacés locaux, haha ! on va peut-être faire avancer les techniques de pêche de manière significative, qui sait ?

Bon, je vais aller me coucher avec toutes ces belles images en tête, un peu frustrée de ne pas avoir pu prendre mon bain alaskien aujourd’hui, mais là, j’ai juste mis les mains dans l’eau cet après-midi, et je n’ai pas eu besoin du thermomètre pour confirmer qu’elle est très froide. Trop froide pour la fin de la journée. Ce matin, on était dans un fond de crique trop chargé pour m’y baigner … J’espère que demain sera un meilleur jour, en espérant encore un peu de beau temps ! En fait, depuis que Hugo est là, il nous dit chaque jour qu’on lui a menti sur le climat … on lui avait dit « froid pluie humidité vent » et il vit « soleil calme chaud » sauf un jour un peu breton. Mais là, on sait que la dernière semaine des gars sera une semaine automnale voire hivernale, la fin de l’été alaskien ne sera pas indienne …

Vendredi 4 aout 2023

Alors les crevettes : une vingtaine quand-même, malgré l’absence de tête de saumon dans le panier. Les deux plus grosses mesuraient 21 cm et pesaient 90 grammes chacune !! Comme quoi, ces petites bêtes sont curieuses, gourmettes ou affamées, voire de simples charognards … un changement de régime alimentaire ne leur fait pas peur, pour notre plus grand plaisir !

Et puis le plaisir du bain à nouveau, il fait 8.9 degrés dehors sur la plage arrière, il en fait 4.7 dans l’eau !! ca fait tellement de bien à force de répétition, le corps demande son petit shot tous les matins, haha.

On est descendus à terre avec les gars, pour aller voir ce glacier noir de plus près, ça nous titille ! Hervé nous pose dans le sable-vase proche des cailloux jaunes, à côté d’un sapin renversé sur le sol, la tête dans l’eau, comme drapé de vieilles fripes poussiéreuses. On se balade sur l’estran, en partie composé de sable, de gros blocs rocheux, de vase, d’algues et de quantité de moules en grappes, accrochées aux cailloux. Finalement, on ne s’enfonce pas trop dans la vase, la marche est aisée.

Hugo et Nathan avancent les yeux rivés sur les parties meubles du sol, sur la potentielle pistes d’animaux … ils identifient des cervidés, des gros oiseaux, et puis peut-être bien un loup ? on se pose la question, jusqu’à ce que nos guides nous révèlent que les traces des loups sont beaucoup plus allongées que ce qu’on a vu. Par contre, on ne compte plus les patounes des gros nounours qui peuplent ce joli coin de Serpentine … il y en a plein, de flaques en flaques, ils ne sont pas loin.

On se rapproche de cette langue de glace noire, qui dévale la pente depuis tout là-haut, dans le creux de deux pans montagneux de roche … noire, brune, franchement grise par endroit. Cette roche qui s’effrite et qui saupoudre tout ce qui est en contre-bas. Cette poussière noire, grise, brune, partout, qui se dépose et se fait emporter par l’eau de ruissellement, pour nous offrir une baie toute grise, laiteuse, opaque, on dirait un tapis de poussière de perle. C’est beau, c’est calme, la langue de glace ne chante ni ne craque comme un glacier, c’est plutôt le bruit des éboulis qu’on entend par ici.

Après-midi au moteur pour aller voir les glaciers Surprise et Harriman.

Surprise est coincé entre deux falaises, il est tout fracturé, strié, de larges bandes de roche noire le zèbrent, tout compressé. Il semble suspendu au-dessus de l’eau, on est à marée basse. Sa glace ne s’enfonce donc pas sous l’eau. Du moins pas de manière visible.

Harriman lui s’étale dans une vallée plus vaste, il prend toute la place dont il a besoin, il a l’air tout plat, légèrement bombé, mais c’est surtout qu’il est large et non contenu, ses bords sont doucement arrondis.

On aperçoit Longtemps sur l’Ô sur le chemin du retour et on file jusqu’à Pigot Bay, dernier stop avant la « ville » de Whittier où on veut refaire 1-2 appros, puisqu’on n’a plus de sucre ni de lait, et le sucre c’est important pour faire du gravelax !!

En arrivant dans la baie, juste après le dernier petit cap, Nathan nous sort son premier King Salmon de l’eau … Fier comme Artaban notre Nathan !!! et qu’il est beau ce poisson !! un obus gris scintillant, rose sous le ventre, le dos irisé de bleu, la tête sombre, foncée, la bouche noire … il mesure 70 cm et pèse 3.850 kg !! Belle bête !! Miam, on va se régaler ! Et surprise, quand Nathan lève ses filets, on découvre que l’énergumène à nageoires a la chair blanche … bizarre ça … On apprend plus tard que 5% des King Salmon ont en effet la chair claire, modification génétique qui les empêche de métaboliser la carotène … Ils ont beau manger des crevettes, des crabes et du krill, ils ne rosissent pas.

Et pour ceux qui se posent la question : il fait encore beau, haha ! on se régale de cette météo qui nous est tellement favorable !! Merci merci …

Samedi 5 aout 2023

Avant de partir pour Whittier on profite de cette magnifique météo pour aller se balade au fond de la baie de Pigot Bay, où deux rivières coulent depuis les glaciers plus loin plus haut. La marée basse nous permet de marcher sur l’estran, puis de rejoindre la rive caillouteuse et d’arriver à la rivière.

Les gars ont vu un ours noir se promener sur la plage ce matin, alors on fait attention. Et puis vu ce qu’on voit dans la rivière, on fait de plus en plus attention …

Les saumons sont nombreux, remontent le cours d’eau et le redescendent, selon leurs humeurs et les badauds (nous … ) qui mettent les pieds dans l’eau remuante. Les traces des ours sont visibles. Éminemment visibles. Herbes foulées, aplaties, poissons croqués, poissons griffés, poissons étêtés, empreintes dans la boue, restes de saumon dans les fourrés, sur les troncs d’arbre …

Au sens littéral du terme, nous mettons les deux pieds dans le plat du nounours, et heureusement pour nous, il ne nous en tient pas rigueur. On ne verra pas de poils noirs sur pattes autour de nous.

L’environnement est très particulier ici, toute la zone entre les deux rivières s’est affaissée lors du tremblement de terre de 1964, et le terrain a perdu 2 mètres d’altitude, descendant sous le niveau de la mer. Du coup, la forêt a été noyée et surtout brulée par le sel, et aujourd’hui, c’est une forêt fantôme que nous apercevons : juste des troncs de sapin blancs, toujours sur pieds, toujours dressés les uns à côté des autres, tendus vers le ciel, tout nus. Les bancs de terre sablonneuse sont recouverts d’herbe haute vert tendre, les méandres d’eau salée circulent à marée haute jusqu’aux pieds des sapins encore en vie un peu plus loin sur le terrain. Au-delà de la forêt vert sombre, les pentes des montagnes avec leurs glaciers suspendus bleu blanc gris, leurs forêts et parois rocheuses, le paysage est splendide.

On se met finalement en route pour Whitthier, et on a la chance d’y arriver avec un brin de soleil. Le glacier de Whitthier surplombe le village et l’arrose avec ses nombreuses cascades généreuses.

Whittier est au fond du fjord, acculé aux pieds des montagnes escarpées. C’est un village très particulier qui a été construit par l’armée, pour y loger un millier de soldats, et dont les structures ont ensuite été récupérées par la commune. Le principe de logement militaire est encore visible : les 300 habitants du village habitent tous dans le même immeuble ! Au sein duquel il y a tout le nécessaire vraisemblablement : fitness et autres facilités qui permettent de vivre dans un climat rude sans trop s’éloigner de chez soi.

Le village abrite une usine à poissons, une mini-épicerie « fourre-tout », un hôtel 2 étoiles, et un immense parking sur lequel les petits bateaux des particuliers sont parqués, entre deux parties de pêche.

Les crusing boats passent par ici 2 à 3 fois par semaine, et déversent leur flot de touristes pour des explorations auprès des glaciers du Prince William Sound, pour des journées de pêche, ou pour retourner sur Anchorage par le train. Un train par jour, un bus par jour, des cabanes de bois habillent le bassin du petit port, un chemin habillé de planches de bois surélevées permet d’en faire le tour, deux « cafés » avec terrasses abritées par une tôle offrent des fish & ships et des burgers, c’est vraiment un mini-bled. On y reste deux nuits et on s’en re-va pour une dernière semaine dans les fjords et les criques et les baies et les anses, loin de tout, proches de la nature.

Dimanche-lundi-mardi 6-7-8 aout,

Dimanche, il pleut toute la journée. On ne fait rien. Non, c’est pas vrai.

L’équipage de Mouez Avel vient prendre un café à bord pour partager des histoires des photos des infos à propos du PWS et d’ailleurs … On avait rencontré Hervé de Mouez à Chiloé, quand nous ressortions des canaux chiliens .. Depuis, il a fait un petit tour du Pacifique en passant par la Polynésie rapidement, puis la Corée, le Japon, et de là il est remonté sur les Aléoutiennes et puis Kodiak et le PWS … Tout seul. Chapeau. Il est plein d’enthousiasme et de pétillance, c’est toujours aussi sympa de retrouver son immense sourire et son côté « enfant ébloui ravi ».

On -je- fait la lessive, les courses dans la mini-épicerie, il y a tellement pas grand-chose là-bas qu’il faut y retourner 3 fois, Hervé cherche à comprendre pourquoi le propulseur nous lâche (c’est pas la batterie, c’est pas un soucis d’hélice, c’est pas le boitier de commande, c’est pas le fusible, … mais alors, c’est quoi ???? on est sérieusement enfoirés sur ce coup, on n’a plus de prop … ), alors que le guindeau fonctionne toujours (le guindeau, c’est notre système qui permet de monter et descendre l’ancre, et qui est couplé à la même batterie que le propulseur) … et pendant ce temps, les gars hibernent au fond du bateau.
Et puis on se fait un apéro dégustation de gravelax (King, Silver et Pink, avec infusions différentes) avec Réjane et Charly, et dégustation de rillettes de saumon, avec une belle partie de « 6 qui prend » et quelques verres de vin, c’est bien pour un dimanche sous la pluie … Ils vont finalement passer 2 saisons en Alaska, comme nous, on a de grandes chances donc de les revoir et de continuer à partager de joyeuses soirées. C’est cool !!

D’ailleurs, on parlait ensemble de météo et des réactions dont tout le monde nous fait part « quoi ??!?! vous serez dans le PWS jusqu’à fin aout ? mais vous êtes fous, vous allez être coincés là !! il y en a plein qui se sont fait prendre et qui ont dû passer l’hiver ici … » C’est vrai que les dépressions se rapprochent de plus en plus, et que les vents sont de moins en moins favorables à une descente au sud-est de l’Alaska, mais on fera avec ce qui viendra … et si on doit « manger du près » pendant 3 jours, ou faire du moteur parce que peu de vent, eh bien voilà, c’est ce qu’on fera. On n’a pas envie de se presser à tout prix et de quitter cette région magnifique, la nature y est si belle, une vraie invitation à la poésie et aux balades intérieures, ça serait vraiment dommage d’aller trop vite …

-Pendant que j’écris ça, en ce mardi soir 8 aout, la brume tombe sur la crique de Cascade Bay, deux ours noirs sont en train de se remplir la bedaine de saumons dans la petite rivière qui coule à côté de notre mouillage, les goélands partagent leur assiette, une cascade remplit la baie du bruit de sa chute … un peu plus tôt, c’était l’heure pour les nounours de la cueillette de fruits (plein de baies par ici, Salmon berries, myrtilles, et autres baies rouges, roses, violettes), cet après-midi c’était Hugo et Nathan qui pêchaient deux saumons pendant notre navigation, il y a vraiment de quoi savourer « la wild life » … –

Donc timing … donc non, on ne se presse pas, mais par contre, à partir du moment où les gars nous auront quittés et qu’on avancera en direction de Cordova, la sortie Sud.Est du Prince William Sound, on se tiendra prêts à décoller dès que la bonne fenêtre météo se présentera pour filer peut-être déjà en direct sur le nord des iles de Vancouver, et profiter là-bas des mois de septembre et octobre. Sans faire de stop du côté de Sitka ni de l’Inside Passage (ça c’est sûr que ce sera notre destination printemps 2024). On ne sait pas encore. A voir, à réfléchir …

Pour l’heure, on est donc à Cascade Bay, mardi soir ; lundi-hier, on a quitté Whitthier en début d’aprèm, direction plein Est pour rejoindre Esther Island où on a passé la nuit, mouillés sur l’une des bouées posées par la Hatchery de Lake Bay. Ce matin, le manager de l’écloserie nous a transmis plein d’infos très intéressantes sur l’élevage des 4 espèces de saumons dont ils s’occupent ici (tous sauf le Sockeye). Dans les environs directs de la Hatchery, les ours noirs et les lions de mer se régalent de tous les poissons qui attendent patiemment d’être pêchés ou de se reproduire. On a pu se balader un peu à terre, au milieu des arbres miniatures, des sapins, d’une végétation proche de la végétation patagonne, très moussue, et pleine de petites mares avec (ou sans) nénuphars.

Dans les nouvelles infos reçues au sujet des saumons : tous les poissons nés en élevage sont marqués pour être identifiés lorsqu’ils sont pêchés. Ce matin sous nos yeux : 132 millions de Dog Salmons en devenir, sous forme d’œufs récemment fécondés.  Autant à venir de futurs Pink Salmons dans 15 jours. Comment marquer autant de poissons facilement, rapidement ? tout simplement en variant la température de l’eau dans laquelle ils baignent, de manière drastique. Ces chocs de température (différence de 4 degrés seulement) créent une réaction dans la croissance de l’os crânien du poisson, qui « marquent » l’os sous forme de cercles concentriques (comme les arbres). Chaque Hatchery possède son « code barre » chaque année, et pose donc son sceau sur tous ses bébés poissons en jouant sur la température du bain. De la même manière, grâce à la gestion de la température de l’eau, les responsables de la Hatchery peuvent ralentir et accélérer le rythme de développement des alevins, et les préparer à sortir en eau salée et libre à la date qu’ils définissent.

Et la régulation de la température d’eau se fait par la combinaison des deux eaux issues du lac supérieur, où elles sont pompées à des profondeurs différentes, donc des températures différentes. Ce lac ne contient aucune truite ni autre animal, car il est « géologiquement » tout neuf, eau pure, donc ne représente pas encore un biotope favorable au développement de la « vie » …

Pour ceux que cela intéresse, tous les étés la Hatchery engage du personnel temporaire en quête de formation, ou d’expérience, ou simplement d’occupation, donc si vous voulez envoyer votre cv, on vous donne l’adresse, haha !

Mercredi 9 en allant à Cascade Bay tout doucement sous voile en profitant des airs légers pour ne pas avancer trop vite, Hugo nous a sorti deux magnifiques saumons bien bio bien sauvages bien en chair bien locaux : un Pink de 1kg500 et un Coho de 3kg900, long de 60 cm, bien dodu.

La météo est très humide, le ciel nous tombe parfois dessus mais pas trop fort ; on profite de ces derniers jours avec les gars pour observer encore deux beaux ours noirs pêcher à la rivière et manger des baies, jouer au milieu des goélands avec lesquels ils cohabitent parfaitement.

Une énooooorme cascade déverse ses mètres cubes d’eau à haut débit, dans un fracas qui remplit toute la baie ; elle est large, elle dévale les escaliers arrondis qui l’amènent de derrière la colline, on imagine que des glaciers haut perchés l’alimentent, mais comme le temps est sérieusement à la brume, on ne sait pas à quoi ressemble l’arrière-plan du paysage. L’eau du bain est à 13 degrés ce matin, et il y a pas mal de méduses … on voit des lion’s mane jellyfish (des méduses jaune pâle avec une longue crinière dorée) et des moon jellyfish (des petites lunes blanches avec 4 cercles sur le sommet du crâne et une légère dentelle sur tout leur contour. Le bain est rapide, l’eau verte peu attractive. Mais pas si froide que ça, haha !

Du coup, on décide de lever le camp pour tenter d’aller voir ailleurs si le ciel est plus bleu, l’herbe plus verte, et on repasse au travers du chapelet d’ilots au sein desquels les chalutiers s’en donnent à cœur joie. Ca pêche de tous les côtés, y compris devant nous dans un « goulet d’étranglement » par lequel on passe pour raccourcir la route. On est obligé de s’arrêter le temps qu’un patron pêcheur termine de poser son filet en travers du passage étroit, juste devant notre étrave. A 30 secondes, on pouvait passer, mais il est prioritaire, il est en manœuvre de pêche, donc on doit s’adapter. Et s’arrêter. Pas longtemps. Après avoir lécher les cailloux de très près, il commence assez vite à replier son filet vers le centre du passage, pour encercler les bancs de saumon. Le capitaine nous remercie de les avoir laissé bosser, pendant que ses mousses frappent l’eau de leur perche-clochée pour rabattre les poissons dans la nasse.

Courte sieste sur le pont sous mes vêtements étanches et sans pluie (c’est quand-même dehors à l’air qu’on sieste le mieux), pendant que Le Cap pêche et que les gars se tiennent au chaud, et puis on arrive à Perry Island, juste au sud de Esther Island. Ile sur laquelle il n’y a pas d’ours, alors on espère une météo à éclaircies pour pouvoir aller crapahuter dans les buissons et les fougères, et prendre un petit peu d’altitude.

Jeudi 10 aout, West Twin Bay à Perry Island

Journée complète au mouillage, entre brumes et crachin, intermittences sans pluie mais dans le gris, timides fenêtres bleues en fin d’aprèm.

Balade à terre dans les hauteurs pour changer un peu de point de vue, on gambade dans les mousses souples et les flaques d’eau, on crapahute dans la nature sans crainte et sans se soucier des ours, quel plaisir !!! Ca rend la balade beaucoup plus agréable de ne pas être sans cesse sur nos gardes …

Soirée jeux et pizza avec Réjane et Charly, que nous voyons vraisemblablement pour la dernière fois dans le PWS, puisqu’ils vont continuer leur route à l’Est pendant que nous faisons un retour arrière à l’ouest à Whitthier, et que nous ne reprendrons pas la nav avant le 16 aout au mieux. Un nouveau jeu découvert ce soir, très sympa, à jouer à partir de 4 (peut se jouer à 2 aussi mais c’est une autre énergie) : SEQUENCE. En gros, c’est un « puissance 4 » qui se joue à plusieurs, avec des cartes et un plateau de jeu particulier. En fonction des cartes en main, on doit réaliser une (ou plusieurs) lignes de 5, sans connaître les cartes de son coéquipier. Très cool ! et plein de suspens.

Pas de pêche aujourd’hui, pas d’animaux sauvages, hormis un oiseau qu’on a failli écraser, qui nous a bien démontré que « lorsque tu es immobile, on te repère moins facilement » … comme quoi, faire le mort ça marche bien …

La météo annonce des gros vents au sud du Sound après-demain, avec un bon 40 nœuds annoncé (50+ en rafales), et soi-disant du 10 nœuds à quelques kilomètres de là, dans les terres … tu parles Charles ! Donc il est temps de trouver un abri pour mettre les bateaux en sécurité. Donc pour nous d’arriver assez tôt à Whitthier, pour être certains d’avoir une place au port. Il y a beaucoup de pêcheurs en activités dans le Sound, qui pourraient vouloir venir se mettre à l’abri eux aussi … Et pour nous, double contrainte : on n’a plus de propulseur, donc les manœuvres peuvent être un poil plus compliquées par gros vent, et puis surtout, on va laisser le bateau seul quelques jours, le temps d’aller à Anchorage, donc il faut impérativement qu’on ait une « bonne » place au port.

Donc demain matin, dernier bain alaskien (pour Hugo) et puis hop, retour à Whitthier where every thing is …. Haha ! Bisous doux

Mercredi 16 aout 2023
On reprend la route à deux

Le temps des cerises est passé, celui des vacances avec nos lus est passé, et avec lui le temps des bonheurs de la navigation en famille, des parties de pêche, des découvertes dans la nature, des balades avec les ours, des heures de cuisine et des goûters gourmands. On a eu des longues semaines de partages et une chance immense de pouvoir les vivre, ensemble. La météo a été super clémente avec nous, elle a fait répéter à Hugo à l’envi « mais ?!?!? vous m’avez menti ! », on a savouré un Alaska ensoleillé et assez sec. Les derniers jours nous ont rappelé que l’hiver par ici doit être sacrément rude …

Quelques jours passés entre Whittier et Anchorage pour accompagner les gars, petit tour chez le dentiste et l’ostéo, visite au super musée d’Anchorage, quelques dollars dépensés au supermarché pour rapporter des légumes et de quoi poursuivre notre route, et nous voilà repartis en mer (ou plutôt sur le lac) pour finir de visiter le Prince William Sound. La météo nous pousse à ne pas trop traîner en route, mais il y a quand-même quelques stops incontournables, notamment le Colombia Glacier. Bon, on a quelques miles nautiques à courir, donc on va faire un stop en chemin.

On remet les lignes des cannes de pêche à l’eau dans les eaux poissonneuses qu’on a déjà parcourues, mais la chance semble avoir quitté le bateau … Notre première journée est un fiasco ! les saumons sautent tout autour de nous, devant à 50 mètres, derrière, bâbord, tribord à 200 mètres, partout partout, les pêcheurs en remontent plein dans leurs filets, et chez nous : nada ! Pffffff …

On réessaie le lendemain toute la matinée, et pareil : rien. On fait une dernière tentative au cap juste avant de s’engager dans le fjord pour monter au Glacier Colombia, et paf, en 10 minutes, avec d’autres hameçons (triples – trois hameçons au bout du leurre, plutôt qu’un seul), on remonte deux beaux Cohos ! 59 cm chacun, un gars une fille, 3k500 pour monsieur, 3k pour madame, avec ses œufs. Cool !! On a de quoi manger, oufff -haha- et de quoi préparer de nouveaux gravelax.

Jeudi 17 aout
Columbia … impressionnant !!

– Columbia … le raconter après-coup c’est compliqué, il faut se replonger dans les images, dans l’instant, dans l’ambiance … On y était encore avec Longtemps sur L’Ô. Oui, je sais, je vous avais dit que nos routes se séparaient, mais finalement non, c’est ça aussi le plaisir de la navigation à plusieurs bateaux dans un même périmètre … on se quitte, on se retrouve, on se requitte, on se retrouve avec grand plaisir. –

Donc Columbia …

Il est loin Columbia, tout au fond d’un très long fjord, 17 milles, pas loin de 30 km de canal bordé par de la roche assez douce, zebrée d’herbes et mini arbustes, collines derrière lesquelles au loin culminent les montagnes enneigées, le panorama est absolument fantastique. Hier on était en t-shirt tout bien au soleil, et là aujourd’hui le soleil brille toujours autant, mais le vent qui descend des glaciers nous rafraichit sérieusement ! on s’équipe en chaud et en étanche, parce que ça caille grave. Même Le Cap met gants et bonnet, c’est dire.

On monte monte monte tout le long de ce fjord vers le nord ; au nord-ouest sur notre gauche se découvre une vallée au sein de laquelle niche un glacier, belles pentes douces et vallonnées qui remontent de la mer vers les sommets enneigés ; les teintes de vert se mélangent aux milles nuances de bleu, les pans de neige et de glace illuminent le paysage, le structurent, ca nous pète aux yeux tellement c’est vif et lumineux.

En arrivant « en haut du canal », on est supposés arriver devant le mur de glace de Columbia, et là non, stupeur, en contournant la tête du canal, on découvre qu’on en est loin, très très loin. Preuve flagrante que les glaciers fondent et reculent.
Sur nos écrans, la balise AIS du bateau devant nous, qui lui doit être assez proche du glacier, le situe à 7km de nous alors que Myriades est déjà géolocalisé « à terre » sur nos instruments, donc d’après nos cartes Myriades serait échoué sur le glacier. Alors que non, je vous le garantis, on est bel et bien sur l’eau et encore loin des growlers et autres glaçons flottants.

Donc on continue la route, au moteur, on observe les lions de mer et les loutres qui dorment sur les glaçons, on slalome entre les morceaux d’eau gelée qui pourraient endommager la coque ou les safrans, et on s’approche doucement de ce mur de glace. On tourne la tête à gauche, en posant notre menton sur notre épaule, puis on tourne la tête à droite jusqu’à poser le menton sur notre épaule droite, et ce n’est pas suffisant pour embrasser d’un seul regard cette immense frange blanche qui vient se baigner les pieds dans l’eau froide. Instruments sous les yeux, on estime cette façade longue de 6 à 7 kilomètres. Immense. Impressionnante. On est sans voix. C’est majestueux. On observe à la jumelle et même là, on ne voit pas le bateau de touristes devant nous. C’est difficile de prendre vraiment la mesure de ce géant qui remplit toute la vallée, qui remonte doucement là-derrière, là-haut, là-bas, au loin …

Après une longue pleine et belle heure, où la gratitude, la joie pure et l’émerveillement s’entremêlent intimement, on décide de s’extraire de cette splendeur et on quitte à regret Columbia Bay. Merci la Vie, on est profondément heureux d’avoir pu bénéficier de cette météo incroyable pour rendre visite à ce géant glacé.

https://www.noforeignland.com/boat/myriades

 

 

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https://www.myriades.ch/2023/08/20/bonheurs-dans-le-prince-william-sound/feed/ 0
JDB – Juillet entre Kodiak et Kenaï https://www.myriades.ch/2023/07/31/jdb-juillet-entre-kodiak-et-kenai/ https://www.myriades.ch/2023/07/31/jdb-juillet-entre-kodiak-et-kenai/#respond Mon, 31 Jul 2023 06:31:05 +0000 https://www.myriades.ch/?p=6855 – les photos vont être rajoutées à l’article sous peu –

Kodiak au fil des jours
3 juillet 2023

Mission à Kodiak : récupérer notre radar qui est bien arrivé chez Martine et Joel, et puis l’installer un jour où la météo le permet .. c’est-à-dire pas de pluie … ce n’est pas gagné !

D’autres bricolages encore bien évidemment, mais surtout le temps de se poser un peu, de voir ce qui est à voir et de remplir les frigos.

Martine propose de venir nous poser le radar au bateau (ils habitent à 5 km) et nous invite à venir passer la soirée chez eux pour faire leur connaissance, ce qu’on accepte avec grand plaisir.

Ils viennent tous les deux nous chercher au port, et on découvre qu’ils ont pêchés d’autres marins que nous ce jour-là, on se retrouve à 3 bateaux français chez eux pour la soirée.

Échanges très sympas autour de la table, partages d’expériences, et grand plaisir de rencontrer ce couple de français installés ici depuis 25 ans, retraités depuis quelques années mais néanmoins toujours très actifs.
Joel était cuisinier et pâtissier, il adore raconter sa vie et tout ce qu’il met en place pour les Natives (cours de cuisine notamment, pour leur apprendre à mettre leurs produits de pêche en valeur).
J’ouvre une parenthèse : les Natives sont les tribus qui ont toujours peuplé ces terres, et qui ont été ainsi nommés par les bien-pensant colons blancs européens, débarquant du Vieux Continent forts de leur omniscience toute puissante … Je referme la parenthèse.
Martine elle est une vraie ambassadrice, et ils passent leur temps à accueillir les navigateurs chez eux. Une autre manière pour eux de voyager. Un couple adorable, le cœur sur la main, comme nos Pépé et Françoise de Mar Del Plata.

Les jours se suivent et se ressemblent un peu, et on a la grande chance d’avoir une météo clémente et plutôt ensoleillée. Ça ne nous empêche pas de sortir avec pulls et coupe-vent, bottes et chaussettes de laine, mais au moins, c’est sec !

On découvre dans les petits musées locaux un peu de la culture aléoutienne, l’évolution des langues, les mouvements migratoires, la rudesse de ce pays, la faune et la flore, les moyens de survivre ici dans des conditions rudes. Kodiak est une ville de 12’000 habitants, 6’000 locaux et 6’000 militaires, puisque c’est une grande base de Coast Guards qui est installée ici. Pas vraiment de centre-ville, les petites maisons de bois sont disséminées dans la verdure le long de deux « high ways » qui circulent dans la nature, sur un petit plateau.

Un aéroport national et un aéroport communal où atterrissent les petits avions, et surtout les hydravions au milieu des waterlylys, ces jolis nénuphars jaunes.

Quelques pubs et bars où tuer les soirées grises, et comme partout, les centres de santé et autres « mains tendues ». 2 supermarchés qui pratiquent des prix prohibitifs, mais tout ici arrive par cargo ou par avion, donc pas vraiment le choix …

J’imaginais Kodiak comme un port plus grand et plus rude, avec une activité plus importante, d’après mes souvenirs de lecture (je vous le conseille : LE GRAND MARIN, de Catherine POULAIN. Le film lui ne vaut pas la peine d’être vu, à mon avis), avec un climat plus brutal et hostile, et puis finalement les bateaux ne sont pas si grands que ça, les pêcheurs plutôt sympas et le climat relativement estival. Mais au cœur de l’hiver, ça doit être une autre histoire … !

Autre lecture qui semble intéressante d’après les interviews écoutées : ALASKA ULTIME FRONTIERE, de Marie-Hélène FRAÏSSÉ. Après l’avoir lu, je confirme : super intéressant, surtout de lire ses récits en découvrant le territoire.

A la lecture des cartes nautiques pour préparer la suite de notre périple, on navigue entre réminiscences russes et réalités américaines, les noms des îles et des lieux se mélangent joyeusement. Il faut dire qu’avant de devenir le 49ème état américain en 1959, l’Alaska (Grande Terre en Aloute) appartenait à la Russie jusqu’à son achat en 1867. Ici sur l’ile de Kodiak (la seconde plus grande île américaine, le saviez-vous ?) on a les villages de Akhiok, Karluk, Chniak, en même temps que des Old Harbor, Womens Bay, Port Lions …Ivanof Bay et Sand Point, Nelson Lagoon et Pauloff Harbor, … on voyage dans le temps et dans les langues.

 

Long Island
4 juillet 2023

Aujourd’hui, c’est l’Independence Day aux USA, grande fête nationale ! Mais ici, dans une petite crique abritée de Long Island, on vit au rythme de la pluie qui tombe et des nuages qui passent.

On est arrivés hier dans l’après-midi sous un ciel qui commençait à dévoiler ses dessous bleus, on a abordé l’île sans pluie, et on a eu l’immense chance de voir le soleil sortir sa tête vers 21h pour notre plus grand bonheur !!! On est à une heure de moteur de la ville de Kodiak, mais on est tout de suite dans un autre monde … retour à la Nature ! on avait hâte.

L’eau est d’un calme absolu, tranquille, sombre, lisse, reflétant la côte sapineuse comme dans un miroir. Le soleil dore les arbres, et met en « double valeur » la beauté de cette nature sauvage, qui semble intouchée, brute, à la fois hostile et accueillante. Les cailloux noirs de la plage sont bordés d’un trait vert tendre, qui s’étend jusqu’aux pieds des sapins. Forêt dense, moussue des pieds à la tête tellement l’humidité est importante ici. Pas d’ours nous a-t-on dit, mais on se promène quand-même avec notre Baer spray au poivre accroché à la ceinture. On n’est pas trop prudents … et moi je suis plutôt trouillarde sur ce coup-là.

A peine l’ancre mouillée, les deux gars sont partis à terre, cannes à pêche à la main pour aller taquiner la truite dans un des lacs de l’île. Le Rouge et Le Jaune ont sauté dans l’annexe, mis les pieds dans l’eau, sorti les roues de l’annexe et l’ont roulée sur la plage, hyper facilement. Puis Le Rouge prend les devants, Le Jaune le suit, et tous deux s’enfoncent dans la grande forêt comme deux petits gnomes qui partent à l’aventure. Ils ont le même âge dans cette aventure ! et Nathan est tellement heureux !! depuis l’âge de 6 ans il demande à son papa d’aller pêcher la truite avec lui, son rêve se réalise enfin !!!

J’en profite pour faire enfin un peu de yoga sur le pont, puisqu’il ne pleut pas. Un collant, 2 pulls, quand le soleil est là ça va, mais c’est quand-même frais ! 12 degrés … j’ai froid aux pieds au bout de ¾ d’heure, et mes doigts ont perdu de leur couleur ..

Retour de mes deux énergumènes tout souriants, ils ont sorti 5 truites de l’eau et en rapportent une au bateau ! Une magnifique truite arc-en-ciel.

Nuit douce et tranquille dans ce mouillage bien abrité, le soleil caresse encore la cime des sapins quand je pars me coucher. Je découvre bien plus tard que les gars ont passé un bon moment à observer une loutre nager autour du bateau, plonger, et remonter un crabe. Puis, posée sur le dos dans l’eau, elle l’a dépiauté et mangé tranquillement au crépuscule.

A peine levée, je vois Nathan se préparer, mais .. tu vas où ? « b’en pêcher la truite ! je veux aller de l’autre côté du lac voir si ça mord aussi … » Donc à 9h30 Nathan est parti avec la VHF dans la poche, sa canne dans la main, le Bear Spray dans l’autre main. A 11h45 on a reçu un appel « Petit Oisillon appelle Aigle Pêcheur, tu es là ? » moi je me marrais comme une tordue à l’écoute de leurs noms de code, et puis Hervé est allé le chercher, et on a récupéré un Nathan extra souriant, de retour avec une jolie petite truite arc-en-ciel de 36 cm, qui est allée rejoindre sa copine dans la poêle pour accompagner notre salade ! trop bien !!!

 

Anton Larsen Bay, chez Midge et Bruce
Mercredi 5 juillet 2023

Grasse mat et départ tranquille vers 11h, on quitte Long Island dans le crachin en se disant que la nav du jour ne va pas être géniale … c’est sûr que quand on ne voit rien à cause d’un plafond de brouillard et de nuages très bas, et qu’on avance dans le gris et dans le gris et dans le gris sans distinguer la délicatesse des côtes, la courbure des criques, la végétation, c’est un peu frustrant. Au moins on peut valider maintenant que notre radar fonctionne bien ! Belles taches rouges à l’écran qui suivent le dessin des côtes sur nos cartes, c’est bon, il est bien calé !

Lorsqu’on a franchi certains caps, on a fortement ralenti le bateau pour essayer d’attraper des saumons à la traîne, mais l’allure est bien trop lente pour les nerfs du capitaine .. il faut avancer à 2 nœuds, autant dire que c’est bien moins intéressant que de pouvoir aller les taquiner en rivière, ce qu’on fera bientôt.

On a pu apercevoir quelques loutres de mer, plus ou moins proches. L’une se baladant sur le dos avec son petit sur le ventre, l’autre passant des heures à se nettoyer la fourrure. C’est un drôle d’animal la loutre quand-même … Elle peut mesurer jusqu’à 1m60, elle a la fourrure la plus dense du règne animalier : 150’000 poils au cm2 !!! c’est ce qui lui permet de ne pas avoir froid dans l’eau, où elle passe la plus grande partie de son temps. Du coup, elle se lustre le poil sans cesse, pour qu’il puisse la protéger car elle n’a pas un pet de graisse sur les muscles. Et pour se réchauffer elle a une autre combine : manger. Jusqu’à 35% de son poids, chaque jour. Ca veut dire entre 6 et 7 kg de poissons, de coquillages, de crustacés qui finissent entre ses griffes.

Et puis elle est maligne la loutre : elle a des petites poches sous les pattes avant, dans lesquelles elle stocke ses proies et les remonte à la surface pour les grignoter sur le dos. Et pour casser ses coques, elle cache un caillou dans une de ses poches pour les fracasser et les manger. Véridique ! Nathan et Hervé ne voulaient pas me croire, mais la littérature marine qu’on a maintenant sur le bateau m’a donné raison, haha.

A Anton Larson Bay où on dort ce soir, coquillages, moules et autres crustacés étaient très présents il y a encore quelques années, mais les 200 loutres qui peuplent la baie ont tout avalé, retirant cette pitance de l’assiette de Mitch et Bruce qui vivent sur la rive depuis 40 ans. On est allé « frapper à leur porte » pour aller les rencontrer, et leur apporter des bisous de la part de nos amis Amanda et Robin (Morgane.ch rencontrés en Polynésie). Mitch nous a accueillis avec ses beaux yeux clairs, belle femme de soixante et quelques bougies, nous tendant la main pour nous dire bonjour. Et quelles mains ! des mains de travailleuse, de pêcheuse, gonflées, malmenées, bien trop grandes pour ce petit bout de femme au sourire si doux. Puis Bruce est apparu avec ses grands yeux rieurs, et nous a invité à venir boire une bière avec eux. Il est natif de Kodiak, elle est anglaise, transplantée comme elle dit dans ce lieu magique, où « on vit tout simplement, et on vit bien ».

Pêcheurs de flétan pendant de nombreuses années, ils ont construit leur maison et toutes ses dépendances de leurs mains, abattus les arbres pour en retirer les planches nécessaires à leur habitation, greniers variés, abris à poules, serres (en plastique) pour faire pousser leurs légumes, four à pizza extérieur, jacuzzi sur la terrasse, créant leur monte-charge et autres treuils de leurs mains aussi, … juste incroyable !

Ils vivent ici loin de tout, quasi en autarcie, avec leurs poules (œufs et viande – 30 poussins arrivent par la poste chaque année pour renouveler les stocks), un couple de cochons chaque 2 ans, les poissons qu’ils pêchent pour leur plaisir et leur production agricole. Pour aller faire leurs appros (riz, sucre, farine, bières …), ils vont en bateau jusqu’à l’autre rive de la baie, récupèrent leur voiture pour ensuite parcourir une piste qui grimpe dans la montagne, et les amène jusqu’à Kodiak. En hiver, la baie gèle, ils peuvent la traverser à pied, et la neige recouvre les collines environnantes.

 

Dry Spuce Island
Jeudi 6 juillet 2023

On a tenté ce matin d’aller marcher un peu sur les rives de l’Anton Larsen Bay, mais en écrivant ceci je réalise qu’on avait nos six pieds sur l’île de Kodiak elle-même, qui dénombre pas moins de 3’000 ours … on portait nos sprays « anti-ours », Mitch et Bruce eux aussi nous avaient dit « chantez, parlez, marchez lentement pour qu’ils aient le temps de s’éloigner, « they are not confrontational  animals » mais néanmoins, on n’était pas rassurés. Ca écourte sérieusement les balades ces menaces sur pattes …

Et puis le spray « anti-ours », c’est juste du poivre (amélioré) sous pression qui va brûler les yeux de celui qui reçoit le jet, a priori l’ours, mais il faut savoir qu’il faut attendre que la petite bête soit à 5-6 mètres pour dégainer, avant ça ne sert à rien … et puis la bombe de poivre est vide en moins de 7 secondes … et elle n’est évidemment pas rechargeable !

Donc le spray, c’est la dernière arme contre les ours. Les « armes » à utiliser avant, c’est le chant, le bruit, les clochettes, tout ce que vous voulez pour être entendus et ne pas les surprendre, et puis c’est de rester calmes et groupés pour sembler plus grand et plus gros qu’eux, et puis c’est de ne pas courir ni prendre la fuite, ni adopter une attitude de victime, mais au contraire s’affirmer doucement mais fermement, par la voix et la posture … mmmmhhh, … ça c’est la théorie ! et on n’a pas du tout envie de se mettre en pratique sur ce coup-là !

Donc peu de temps à terre ce matin, et puis on était surtout tenus par le timing nous permettant de passer la « whale pass », à côté de Whale Island, à côté de 4-5 baleines qui nageaient par-là. C’est un chenal entre îles et îlets où le courant est important, qu’il est juste impossible de fréquenter par courant contraire … La preuve : vitesse bateau ce matin : 5.5 nœuds, vitesse sol : 13.6 nœuds !!! C’est rare de voir la côte défiler si rapidement, et si nous avions dû la prendre à contre-courant, on aurait tout simplement reculé, haha !

La météo nous offre un plafond gris aujourd’hui, mais la visibilité est bonne, on voit bien les rives, les pêcheurs alentours, les loutres qui nagent non loin. On n’est pas surpris par un hydravion qui sort intempestivement du brouillard comme avant-hier, frôlant notre mât avant de poursuivre sa route … il volait « à vue », donc forcément très bas vu le plafond nuageux !

Plafond gris, mais pas de pluie ! bonheur ! en arrivant à Dry Spuce Island, on part se balader à terre, sprays à la ceinture, et on fait rapidement demi-tour, assaillis par des vagues et des nuées de moucherons qui s’envolent au rythme de la marée montante. Peu d’exploration terrestre, mais ravissement du jeu des loutres qui nagent et flottent non loin de nous. Une maman se lave le museau, son petit dort à côté d’elle, flottant peinard sur la grand mare des canards, et lorsqu’elle nous aperçoit, hop, elle le chope par la peau du cou et l’entraine avec elle loin de nous. Trop mignon de les voir évoluer tous les deux, le petit imitant sa maman dans tous ses gestes.

 

7 juillet, en route vers Geographic Harbor

Réveil à 5h10 pour un départ à 5h45, il faut quand-même le temps d’émerger et de mettre la machine personnelle en route avant d’aller relever l’ancre pour quitter notre abri de la nuit. Le frigo déborde de filets de poisson frais, merci Nathan !! Le moteur chauffe, on va pouvoir s’offrir un café.

Le bateau se réchauffe gentiment (un bon souffle de webasto au réveil, rien de tel puisqu’il fait 6 degrés dehors), et surprise matinale, le ciel est complètement bleu ! Ça explique la température si basse. Le soleil rosit les sommets en fond d’écran, leurs plaques de neige se teintent d’or doucement, puis c’est au tour des bords de la rive, et les cimes des sapins attrapent les rayons et se réchauffent. Le paysage entier s’offre à nous, sur un 360 complet, du plan d’eau à l’infini des cieux. L’eau nous propose un reflet parfait du paysage, on ne sait si on a la tête en haut ou en bas.

 

La douceur de ce paysage vaut le réveil trop matinal. C’est magique, paisible, serein, plein de promesses d’une belle journée. Ca réjouit !

On quitte la baie au moteur, on s’extrait de notre abri pour retrouver le chenal principal et on se met en route vers Geographic Harbor, enclave qui se situe sur l’Alaska Peninsula (donc sur le continent) de l’autre côté de Shelikof Strait. Rapidement le beau temps disparaît et laisse la place aux nuages, à la brume, à la bruine. On arrive de l’autre côté après quelques heures (mélange de moteur et de voile), on ne voit pas la côte.

Les éléments sont un petit peu en notre faveur lorsqu’on s’enfile entre les rives (dont les côtes semblent s’élever assez haut) dans un dédalle, véritable tortillard qui serpente entre les ilots, les ilets, les cailloux plus ou moins gros, plus ou moins ronds, plus ou moins foncés, plus ou moins moussus, plus ou moins arbus, plus ou moins pointus … le regard se perd dans les innombrables perspectives qui s’ouvrent au fil de notre chemin. Encore un endroit où on pourrait passer du temps sans se lasser, qui paraît propice à l’émerveillement. Au bout de ce dédalle, une baie toute ronde, où se jettent quelques ruisseaux et une rivière plus importante. Dans les hauteurs, on devenir des pans de montagnes avec des plaques de neige, et des étendues de roche claire. On nous a vanté Geographic Harbor pour ses nombreux ours et ses saumons. Et comme ces derniers sont en retard (la faute à l’eau trop froide), les ours ne sont pas trop là.

La réalité météo nous rappelle au temps présent, avec son couvercle gris qui descend qui descend sur nous. On part hiberner dans notre carré, en attendant (en espérant !) un moment plus propice à l’exploration.

Quelques heures plus tard, un rayon de soleil perce le gris, la marée est haute, le paysage a complètement changé : tout est vert ! là où la rive se dessinait par la roche, les cailloux et le sable, dans des tons gris, brun, ocre, l’eau a tout recouvert et on ne voit que les herbes et les arbres, la mousse et les touffes de végétation, et l’eau elle-aussi adopte cette couleur. C’est assez beau, différent, surprenant.

Un ours observé aux jumelles, de très très loin, tache brun clair dans le vert tendre. Parties de backgamon dans le carré, on met le nez dehors de temps en temps pour guetter d’autres animaux, mais personne ne se pointe. Peut-être demain ? Il parait que la nuit sera belle, sans nuages, et on envoie nos prières à l’univers pour que le « beau temps » soit de la partie …

 

8 juillet, sous le crachin de Geographic Harbor : OOOOOURS !!!

C’est un challenge de trouver de quoi s’occuper quand on est confinés tous les trois dans le carré. L’eau ruisselle sur le pont, la bruine s’infiltre partout, Nathan se marre en regardant Kamlott et Hervé tourne un peu en rond, entre sa série, une cigarette pour aller voir si par hasard un ours ne pointerait pas son nez, se dit que « mince, cette pluie ça m’empêche d’aller bricoler la bâche », et il en est carrément à avoir envie de faire une tarte aux poires … c’est dire !

On a chacun nos écouteurs dans les oreilles, et on vit nos réalités audio et vidéo en parallèle. Drôle de monde, n’est-il pas ? Venir si loin au bout de rien et se mettre chacun dans sa bulle … On vous rassure, on vit ensemble et on « fait » des choses ensemble ; et c’est pourtant un aspect essentiel dans ce voyage de pouvoir par moment s’échapper de la réalité concrète du bateau, de partir loin d’ici, loin de cet espace restreint, loin de ce plafond nuageux et de cet extérieur brumeux. Encore un coin de paradis : magnifique quand on sait qu’on peut en revenir …

En tout début de matinée, un élan et un ours ont délaissé leurs fourrés pour venir brouter près de la petite rivière. UnE élan plutôt, puisque la bête n’avait pas de bois sur la tête. On l’appelle moose en anglais. L’ours (ou peut-être l’ourse pour le coup) avait mauvaise mine, plutôt mince et élancé que rond sur pattes, et puis le poil de la cuisse arrière quasi absent … Les deux foulaient le sable les pieds dans l’eau, dans la grisaille matinale.

En milieu de journée, heure de la marée basse, on décide d’aller voir du côté de la rivière si quelques saumons nagent par là. Des mouettes et autres oiseaux pêcheurs ont pied, et se retrouvent fréquemment par ici. Il doit donc y avoir à manger, donc peut-être des saumons.

On s’équipe (pantalons étanches, veste chaude et veste étanche, bonnet, casquette, gants, bottes, spray à ours, sifflet, appareil photo, ça prend un petit moment …et c’est là qu’on se dit, ah mince, pipi …) et on part en annexe. Ah oui, avant de monter dans l’annexe, il faut en retirer les deux cageots-frigo à légumes et les remettre dans le bateau, c’est pas long, mais c’est juste un truc en plus. Donc on part en annexe et on se rapproche de l’embouchure de la rivière, juste là où l’ours se trouvait quelques heures plus tôt .. b’en oui, au même endroit …

On met pieds à terre, dans l’eau et le sable, jusqu’à mi-bottes (la dernière fois j’ai eu plein d’eau dedans !!) et on est partis, mi-figue mi-raisin, sachant qu’on s’aventurait sur le territoire du plus gros carnivore terrestre … !! et même si ceux qu’on a observé jusqu’ici mangeaient de l’herbe et des racines, on n’a pas envie de se frotter à eux de trop près.

Donc on avance, moi le sifflet sifflant gaiement, ou plutôt sifflant de manière affirmée mais les yeux pleins de points d’interrogation … on avance à peu près en groupe, et on réalise qu’on a de la peine à définir ce que veut dire « avancer de manière groupée » … Luron 1 est à 5 mètres de Luron 2, pendant Luron 3 avance le nez en l’air à 20 mètres de là … Je siffle, ils parlent, on s’appelle, on se retourne sans cesse, on s’arrête tous les 10 pas pour regarder derrière nous, à côté de nous, devant nous, observant les arbres et la rive. On s’éloigne du zodiac, on marche lentement, on se dégourdit les jambes enfin, on avance en direction de la plus grande rivière, pour voir si les saumons … et là quand Hervé et Nathan se retournent, l’ours est là ! sur la plage ! avec nous ! bon, loin de nous, mais quand-même là … AAAAhhhhrgh !!!

Il sort des fourrés, s’avance sur la plage, nous regarde, monte sur ses pattes arrières pour mieux nous jauger, brun foncé en bas, plus clair sur les épaules, il avance … on se regroupe et on se met en route, Hervé marchant vite devant, Nathan lentement derrière, on est tous d’accord pour faire du bruit, je siffle de plus belle, mais on n’est pas d’accord sur la vitesse de pas à adopter, ni même de la direction à prendre … Hervé et moi on veut à tout prix éviter de laisser l’ours s’approcher et se positionner entre nous et l’annexe, pendant que Nathan veut qu’on arrête d’avancer et le laisser partir à la seule force de notre bruit.

On est tous les trois d’accord pour ne pas être agressifs, mais le ton qu’on utilise pour se parler est un peu virulent (oui oui, on est un poil stressés), et l’ours peut bien le prendre pour lui, ou plutôt contre lui. Je demande à Hervé de ralentir, à Nathan d’accélérer, à l’ours de reculer, on essaie de se regrouper pour de bon, et finalement l’ours s’arrête, observe, recule, puis fait demi-tour et part en courant dans les petits arbres … Pffffffff … Grizzlant, non, grisant un petit peu, oui, un poil d’adrénaline nous courant sur la peau tout le long de cette courte balade, et surtout j’ai rarement mis pied à terre en étant tant sur mes gardes, tous les élastiques bien tendus, le cœur battant bien au-delà de son rythme habituel. Grand Ouuufff des trois loustics une fois à flot dans l’annexe.

C’est pas ici non plus qu’on se défoulera à terre, en balade, en vélo ou en crapahutant dans les herbes, l’idée de tomber nez à nez sur un ours est trop limitante, et le risque malgré tout important … Et Nathan qui nous dit « mais de quoi t’as peur ? on a 2 sprays !! » et puis « fallait pas venir en Alaska si t’as peur des ours » et puis « comment tu veux voir des ours si tu siffles tout le temps ? » … … … disons que oui, on a envie de voir des ours, mais que bon, de loin c’est bien. De très loin quand on est à pied, et avec plaisir de plus près si on est dans l’annexe, sur l’eau, à 10-15 mètres d’eux … Comme ils n’ont aucun prédateur qui vienne du monde marin, ils n’ont pas peur de ce qui se balade sur l’eau.

 

Retour sur l’ile de Kodiak – Ounzikie
10 juillet 2023

Météo pas au beau,

le gris chapeau reste coincé non loin de l’eau,

pas de visi pour apprécier le lieu de Geographic Harbor,

on vire de bord.

 

On dort ce soir à Ounzikie, petit village de 100 habitants. Petit port abritant quelques petits bateaux, deux chalutiers, un voilier en vente. Dans les années 60, ils étaient encore 230 à vivre ici. Une église orthodoxe de 1906, encore bien pimpante dans sa robe blanche, avec ses coupoles bleues sur le toit, soulignées d’un fil d’or. 6 cloches dans leur petit logis carillonnent régulièrement. Le cimetière attenant accueille beaucoup de descendants russes, au vu des noms figurant sur les tombes.

On rencontre un natif en short rouge, t-shirt et chemise légère, chaussettes dans ses baskets quand-même, 58 ans, qui nous emmène faire un tour à l’église pour nous en raconter un peu l’histoire, et qui nous amène ensuite à la grande-salle du village pour y voir des photos datant d’il y a 60 ans. La conserverie du village était encore debout, les dorys (petites barques à fond plat) accueillant les saumons pêchés par les chalutiers et les menant jusqu’à l’usine. Le tsunami de 1964 a détruit tout le front du village autour de la baie, mais l’église et quelques maisons ont résisté et sont toujours debout. Il prend le temps de nous montrer les visages de tous les anciens (et beaucoup des siens) dont les photos ornent les murs de la pièce qui sert de cantine, d’accueil parascolaire, de médiathèque, de lieu de retrouvailles pour les âmes qui vivent encore ici.

Les noms des rues nous font rire : F street, Third road, … quand on regarde le plan, on voit un joli quadrillage et effectivement, les rues sont numérotées de 1 à 5, de A à F et portent le nom de leur chiffre ou de leur lettre … Bizarre, alors qu’ils sont tellement attentifs à honorer la mémoire de leurs anciens et à défendre leur langue, leur patrimoine, pourquoi n’ont-ils pas nommé les quelques rues de leur village du nom de quelques notables ou héros ? Aucun ours n’a été recensé ces dernières années, du moins aucun incident lié à un ours, alors on en profite pour aller se dégourdir les jambes jusqu’à la côte de l’autre côté de la colline. Il ne pleut pas, c’est doublement bon !

 

Kodiak, où Hugo nous rejoint enfin !
15 juillet 2023

On profite de trois jours ensoleillés pour se balader un peu en vélo, un peu à pied, faire les rangements nécessaires et les appros pour partir loin de tout tous les quatre, en autonomie pour au moins 15 jours. J’ai même ressorti mes tongs pour quelques heures bien agréables en t-shirt.

Nathan a joué le poisson-pilote pour son frère pendant que Hervé et moi nous occupions du bateau et du reste, il lui a fait découvrir ce qu’il avait apprécié par ici, emmené voir le plan d’eau base des hydravions, l’aquarium où on peut voir tous les poissons locaux, le wild-life-refuge-center où on apprend des choses sur les saumons, les ours, les oiseaux et la faune locale, bref, il a joué le guide local, ravi de cette aubaine.

Ce matin après le petit-dèj, on a rechaussé nos-bottes-nos-vestes-et-pantalons-étanches-et-nos-bonnets, le temps étant à nouveau au gris mouillé, et puis on est partis faire le plein de gasoil et d’essence, juste avant le grand pont de Kodiak qui rejoint « Near Island ». Après s’être chargé de près de deux cents de litres de combustibles, on a mis le cap sur Long Island, petite île non loin de Kodiak. Ile sans ours, donc on a pu aller se balader à terre et les gars ont taquiné la truite (et relâchée !). On a fait le tour d’un lac intérieur, marchant et rebondissant sur un tapis de mousse dense, truffée de toutes petites fleurs blanches.

Avant d’arriver à Long Island, on a pu observer une famille (un groupe en tout cas, 4-5 individus) d’orques en train de chasser. Ils tournaient en rond, encerclant les poissons avant de les avaler. On voyait leur grande dorsale dressée droit vers le ciel, émerger de l’eau, suivie par un dos puissant. C’est un autre animal que la baleine, pas du tout la même attitude, pas la même énergie, pas le même rythme. Là on sent vraiment le prédateur, l’agresseur, le tout puissant. J’ai hâte de pouvoir en observer d’autres, c’est presque hypnotisant comme pestacle, tant c’est inhabituel pour nous. Ils font partie du paysage alaskien, mais on a pu observer plus de baleines et autres mammifères à ce jour que ces gros-là, noir et blanc, un peu flippant.

Et puis la météo se prête fort bien à un met bien hivernal, on termine la journée avec une délicieuse fondue, avant de plonger dans nos distractions respectives. Demain, départ à 10h pour Kitoï, où se trouve une « hatchery », une écloserie à saumons. Il parait que la visite est très intéressante, on y découvrira comment l’homme aide les poissons à se reproduire … et il semble qu’on pourra aussi observer plein d’ours …

 

TSUNAMI WARNING ! YOU ARE IN DANGER !
Long Island
15 encore et 16 aussi, juillet toujours …

Samedi 15 juillet, on finit la soirée tranquille après notre fondue, bien contents de se mettre enfin en route pour partir dans la nature … on se glisse sous la couette vers 23h15, et soudain nos quatre téléphones sonnent en chœur, nous délivrant un petit message fort surprenant, il est 23h24 … : ALERTE D’URGENCE : The National Weather Service has issues a TSUNAMI WARNING ! You are in danger ! Get away ! Move to high ground or inland now.

On se regarde les yeux pleins de ?????, on se demande si c’est sérieux, s’il faut en tenir compte, nos interrogations durent au moins 10 secondes, je décide d’appeler Martine pour savoir si cela fait partie des messages dont on doit tenir compte, ce qu’elle en pense, savoir s’il fallait évacuer, savoir comment ils allaient, quelles étaient les directives, les recommandations … au ton de sa voix, je comprends que c’est sérieux.

Ok. Donc on décide immédiatement de quitter le mouillage de Long Island et de partir en mer. Le message d’alerte demande clairement aux navigateurs de s’éloigner des côtes, et d’avoir au moins 60m d’eau sous la coque pour être à l’abri.

On met la tête à l’air frais, et on entend tout de suite que l’alerte Tsunami et bel et bien confirmée par les sirènes qui sonnent et les grandes lumières allumées dans la nuit qui tombe sur Kodiak. C’est une atmosphère complètement surréaliste. Bizarre. Etrange. Un sentiment d’urgence, de crainte face à cet inconnu jamais rencontré jamais vécu, et en même temps une certaine excitation, sachant que sur le bateau on ne risque rien. Les sirènes qui hurlent au loin, les lumières inhabituelles, le fait d’être seuls et isolés dans un moment où les coudes se serrent à terre, la nuit qui tombe, heureusement la météo est douce et ne nous rajoute pas une dose de stress.

Quelques textos encore échangés avec Martine pour leur souhaiter de prendre soin d’eux, les avertir de notre départ pour qu’elle ne s’inquiète pas, elle nous confirme qu’un tremblement de terre de magnitude 7.5 a eu lieu du côté de Sand Point, à 350 miles nautiques de nous. Sachant que les vagues des tsunamis peuvent traverser plus d’un demi Pacifique, on ne prend pas la chose à la légère.

Pendant la soirée, un bateau est arrivé à côté de nous, sans que nous nous en apercevions (c’est dire qu’il fait super beau et qu’on est beaucoup à l’extérieur … ) Du coup, comme on ne voit personne s’activer, on passe réveiller l’équipage voisin pour être sûrs qu’ils aient bien reçu le message. C’est là qu’on découvre qu’on connait ce bateau et son capitaine : c’est Hervé de Moëz Avel, qu’on avait rencontré au Chili il y a 3 ans …. Flûte alors, on n’aura pas le plaisir de partager un café avec lui pour prendre de nos nouvelles, on doit rapidement trouver refuge loin de la baie.

Réveillés pour réveillés, on décide du coup de partir pour Kitoi, petite baie à 25 miles de Kodiak. C’est notre prochaine étape de tout façon. Vu qu’il est minuit passé, le jour vient de tomber, et se relève dans 4 heures. Juste le temps qu’il faut pour parcourir cette petite distance à faible vitesse, ça colle, on pourra jeter l’ancre dans une nouvelle baie de jour. Ça nous permettra d’être en pleine mer le temps de l’alerte, le temps de voir venir la vague, et d’arriver à notre destination tranquillement au petit matin.

Finalement l’alerte est levée vers minuit et demi, permettant à tout le monde à terre de rentrer chez soi. La vague, on ne l’a pas vue, elle n’est jamais venue !

Un message de Martine vers 1h me confirme qu’ils vont bien eux aussi, aucun dégât, pas de vagues à terre … et nous on poursuit notre route dans une mer très rouleuse et sans vent, c’est pas du tout agréable.

Et puis à 5h30 ce matin du 16 juillet, on pose l’ancre dans la baie de Kitoi, et on part se coucher quelques heures alors que le soleil vient de se lever derrière les nuages gris …

Les gars (qui ont dormi quelques heures, eux) émergent et décident d’activer les cannes à pêche. Quelques minutes après, je suis déjà bien au chaud sous la couette, j’entends Hugo qui jubile « Ours ! Ours ! Oooours !! ». Et puis je n’entends plus rien.

Quand j’émerge quelques heures plus tard, aucun poisson n’a été sorti de l’eau, certains dorment encore, d’autres y retournent, un troisième pêche inlassablement, et les poissons continuent de sauter partout autour de nous. Nathan me fait l’inventaire de tout ce que j’ai raté en allant me coucher alors que le jour débutait : un renard, un cerf, deux ours, plein de saumons, des aigles pygargues, des harles, des méduses, des martin-pêcheurs … b’en dis, il y a une sacré foule animalière par ici, c’est génial ! La journée va être chouette !

On a voulu aller visiter l’Ecloserie à saumons, mais c’est dimanche, ils ne travaillent pas. Ils rangent tout ce qu’ils avaient embarqué avec eux sur la colline lors de l’évacuation Tsunami, qui leur aurait permis de vivre et survivre quelques jours si une vague était venue percuter le fond de la baie ici. Donc on ira visiter demain.

Et je vous raconterai demain aussi la journée de pêche des gars. Mille bisous en attendant, là les yeux se ferment, la nuit précédente a été courte et surtout remuante, dans tous les sens du terme !

 

Journée de pêche à Kitoï
16 juillet 2023

A peine arrivés à Kitoï, les gars ont mis les cannes à l’eau pour voir ce qui y mord … il faut dire que les poissons ne cessent de sauter tout autour de nous. Sans interruption, du matin au soir et du soir au matin. C’est impressionnant … au fond de la baie dans laquelle on est ancré coule une rivière … et des centaines, des milliers de saumons viennent s’y présenter, et tentent d’y remonter.

De chaque côté de l’entonnoir que représente cette géographie sont posés deux longs filets, chacun sur leur rive, qui retiennent les saumons qui reviennent ici. Une fois entrés dans la nasse, ils n’en ressortiront pas vivants.

Sûrs du fait que tant de poissons représente une belle opportunité pour un bon repas, Hugo et Nathan se pressent de partir à la pêche ; ils ne se lassent pas de passer du temps sur l’eau, avec les cannes classiques, au jigg, au lancer, habillent leur canne de différents leurres, les changent les uns après les autres, se rabattent sur l’épuisette pour essayer de sortir un poisson de l’eau … Des heures, des heures, passées dans l’annexe, sur le pont du bateau, à tenter de remonter un poisson .. tout en entendant autour d’eux des « splatch » des « ploutch » des « pafff » et des « ploufff » à répétition … les saumons ne cessant de sauter de ci de là … quelle patience ! ils sont sacrément bien armés nos lascars, et animés d’une même passion : choper des poissons ! C’est génial de les observer partir en « expédition pêche » tous les deux, comme deux larrons en foire …

Après avoir tout tenté et rien ramené, ils décident de sortir l’artillerie lourde et se donnent chacun 5 tirs de harpon depuis le zodiaque, d’abord en suivant les bancs de saumon à la rame, puis en s’encrant et attendant le bon moment pour frapper, tel des ours guettant leur proie … et victoire, le dernier tir fait mouche ! enfin, fait saumon ! fiers comme Artaban, ils reviennent au bateau avec leur saumon Chum – ou Dog Salmon. On découvrira plus tard que ce n’est pas le meilleur des saumons ni le meilleur endroit pour en pêcher, mais néanmoins, on savoure tous les quatre leur trophée ! 72 cm pour 3kg150, vert et gris, rayé de rouge et noir. On l’observe, le détaille, tente de le définir, sa mâchoire est déjà transformée, il a revêtu ses rayures rouges, synonyme de période de reproduction, il a même déjà perdu ses écailles. Hugo lève ses filets de manière à pouvoir en transformer un « double » (dos et ventre) en gravelax, le reste est levé pour le repas de demain.

La pêche au saumon en Alaska se concentre autour de 5 espèces de saumon pour les mettre en conserve, en tirer de l’huile, le transformer en farine, le vendre aux différentes « canneries », usines à poissons qui transforment le tout-venant : le chum, le pink, le sockeye, le silver et le king salmon (dans l’ordre « du moins bon au meilleur »). Aujourd’hui, on a pêché un Chum, soit le Dog Salmon.

Pourquoi le « dog salmon » ? de la nourriture pour chien ? réponse demain, quand on aura rencontré les gens de l’écloserie.

 

Hatchery de Kitoi, en français : écloserie
17 juillet 2023

Après une matinée méga tranquille dans cette baie méga tranquille où l’eau est plus que méga tranquille, …c’est ce que je me dis quand j’émerge un peu tard, c’est tellement tranquille qu’on dort comme des bébés Nathan et moi … Hugo et Hervé sont déjà partis en annexe tôt ce matin pour aller observer les ours à marée basse, près de la rivière, là où l’eau regorge (je devrais dire « déborde ») de saumons. 8 ours étaient en train de se bafrer et de sortir les saumons à coup de griffes, pour les avaler d’un seul trait. Beaux clichés dans la boîte, on y retournera tous les quatre demain matin, les deux lève-tard sont un peu envieux de ce qu’ils ont raté, même si la journée nous permettra d’observer encore plein d’ursidés sur leurs longs pieds.

On est allés à terre en début d’aprèm pour rencontrer les gens qui travaillent à l’écloserie de l’association KRAA, dont le but est de capturer suffisamment de saumons, pour en extraire les œufs, la semence, féconder des milliards de petits œufs qui seront ensuite replongés dans l’eau et relâchés en mer pour regonfler les stocks pêchables.

8 personnes vivent ici à l’année, et en haute saison (juillet-octobre) ils sont entre quinze et vingt. La responsable de la base est là depuis 3 ans. L’association KRAA a été fondée par les pêcheurs alaskiens, désireux de développer leur activité.

Pour une pêche pérenne, ils ont choisi d’être taxés de 2% sur le produit de leur pêche pour financer les activités de cette assoc, qui permet à toute l’industrie piscicole de répondre correctement aux besoins des consommateurs, sans puiser dans les stocks naturels et de les mettre en danger.

Une industrie en quelques mots et quelques chiffres :

Les écloseries sont implantées dans un lieu où aucun poisson ne revient naturellement, donc un lieu « vierge », de manière à ne pas perturber le biotope.

Les cours d’eau naturels sont fermés à la remontée des saumons par des barrages, de telle sorte qu’ils n’aillent pas se reproduire dans les lacs au-dessus des écloseries, pour ne pas polluer l’eau de la rivière et ne pas contaminer l’écloserie par des maladies potentielles.

Le circuit extérieur de l’écloserie est composé d’une chute d’eau, à côté de laquelle un « tobogan-escalier à poissons » est installé. Le but est que les poissons remontent le toboggan, et non pas le descendent ; il est composé de différents casiers les uns au-dessus des autres, dans lesquels l’eau chute de casiers en casier par des petites portes, et les saumons doivent emprunter ces petites portes pour passer à l’étage supérieur. Une fois arrivés en haut, les saumons sont étourdis par un choc électrique, triés, puis les femelles sont ouvertes pour en extraire les œufs, et les mâles stockés en attendant d’être pressés. Une femelle porte entre 1’600 et 2’000 œufs dans son ventre.

L’intérieur de l’écloserie est un espace de stockage pour les cuves d’incubation, et puis des bureaux et tous les ateliers nécessaires pour répondre aux besoins d’une telle industrie. Plus haut sur le terrain se situent les bâtiments de logement et vie sociale.

Aujourd’hui, 600’000 œufs ont été récoltés, puis arrosés de la semence des males « pressés » par les mains des travailleurs, soit deux bacs de petits œufs fécondés. Les carcasses des saumons sont stockées dans une barge, puis coulées en eaux profondes au large des côtes, pour ne pas venir « empoisonner » les eaux de la baie ni favoriser le développement de la population d’ours.

Au bout de 24h à 36 heures, la division cellulaire se met en route et pendant 8-9 mois les œufs se développeront dans l’eau fraîche (non salée et proche des 1-3 degrés) à l’abri de la lumière, dans des cuves en inox, puis se transformeront en alvins et petits poissons, avant d’être relâchés dans l’océan.

Une saison, c’est à peu près 90 jours, soit 54 millions de petits œufs qui seront fécondés, qui permettront à 540’000 poissons de revenir ici, et 30-40’000 seront capturés pour relancer un cycle de fécondation. Eh oui, le cycle industriel de fécondation permet de voir 1% des poissons mis à l’eau revenir à leur source, alors que le cycle naturel permet seulement à 0.1% de poissons de revenir …

Avant l’implantation de l’écloserie de Kitoï, il n’y avait pas de saumons qui revenaient naturellement se reproduire ici. Aujourd’hui, quand on regarde l’eau, on se demande où est l’eau tant il y a de poissons … La densité est à un taux très élevé, à priori 40’000 saumons dans un volume d’eau somme toute assez restreint.

Ils ont posé un filet pour fermer la baie hier après-midi, empêchant les saumons de venir remplir les nasses, signe que l’association a estimé avoir capturé suffisamment de poissons pour remplir sa mission. Tous les saumons (chum !) qui nagent librement seront pêchés par les chalutiers qui arrivent gentiment dans la baie, sachant que l’autorisation de pêche sera ouverte demain dès midi ! Ils sont déjà là en repérage, et sont venus nous faire un coucou en fin de journée, pour nous demander gentiment de sortir de la zone de pêche avant que leurs manœuvres débutent.

Quand les gars ont pêché leur saumon hier, il avait cette drôle de tête du saumon transformé par son cycle de vie : changement de robe et changement de tête, surtout pour les mâles.

On a appris aujourd’hui qu’en fait, à partir du moment où le saumon entre en eau douce, et qu’il est prêt à se reproduire, tout tend à assurer sa reproduction et tout le reste de son organisme dégénère progressivement. Il arrête de se nourrir (normal donc qu’ils ne mordent pas à nos hameçons), sa peau change de couleur, ses écailles meurent et tombent (Hugo a tenté d’écailler le sien hier, sans succès), ses organes internes ralentissent leur fonctionnement, son système immunitaire s’affaiblit, il meure sur pattes à petit feu, conservant uniquement l’énergie nécessaire pour remonter le cours de la rivière et puis y mourir. Donc sa chair n’est pas top, perd de sa couleur, de sa densité, c’est un peu pour ça aussi qu’on en fait de la nourriture pour animaux et de l’huile de poissons, dog food, dog salmon … Bref, on se réjouit d’en attraper un en pleine mer pour renouer avec le plaisir de manger un bon saumon !!

En fin de journée, les gars sont allés dans une baie voisine pour essayer de pêcher du sockeye, mais pareil, aucun saumon n’a répondu présent. Par contre, Nathan nous a sorti un petit flétan de 3k600 de l’eau, et lui, il a l’air bien frais, ferme, sain, on se réjouit de le manger demain !!

 

Kitoi, Ecloserie encore
Mardi 18 juillet

Levés de bonne heure pour aller voir les ours pêcher leur petit-déjeuner, on est allés les observer depuis la plateforme de l’écloserie qui surplombe le fond de la baie.  Marée basse oblige, il y a beaucoup moins de poissons qui tentent de remonter le cours d’eau jusqu’au tobogan/escalier à saumons. Les ours pataugent joyeusement dans le ruisseau, se partageant le territoire avec les goélands et quelques aigles. 5-6 jeunes ours, déjà de jolis gabarits, longues pattes, souples et de poils plutôt clairs, pas gras, fins, élancés. 2 seniors plus affirmés, bien remplumés, poil brun foncé, épaules larges, dos ronds, souples, forts, puissants. Certainement une femelle parmi eux, mais je ne sais pas la distinguer des autres.

Les 4 pattes dans la rivière, ils guettent les poissons qui vont qui viennent, observent, relèvent le museau, le plongent dans l’eau, bondissent et se comportent presque comme un chat qui jouerait avec un mulot dans les champs. A coup de pattes avant, ils essaient de s’envoyer un poisson dans la bouche pour le capturer. Une fois le saumon saisi entre les dents, les ours ressortent du cours d’eau et vont savourer leur proie à l’abri dans les rochers. Quand ils croquent gaillardement dans les abdomens rebondis des poissons, jaillissent des rubans roses ou des jets blancs, œufs ou laitance selon si madame ou monsieur est passé aux grill-ffes. Les ursidés raffolent du caviar rouge, ils pourlèchent les cailloux traquant la moindre petite bille qui leur aurait échappé.

Après les ours, un retour rapide au bateau pour le petit-dèj, on se fait aborder par quelques chalutiers qui s’accumulent dans la baie où ils ne vont pas tarder à pouvoir poser leurs filets. En effet, l’ouverture de la pêche au Chum est déclarée ouverte à partir de midi. Ils viennent positionner leur gros chalutier pétaradant à côté de nous, aussi simplement qu’ils manipuleraient un vélo à terre … et nous questionnent avec un grand sourire, demandant si nous comptons rester là durant la journée. On a déjà été avertis qu’il faut leur laisser le plan d’eau entièrement libre, du coup on les rassure et leur garantit qu’on aura levé le camp avant 10h.

Mais avant de lever le camp, on veut quand-même aller voir à quoi ressemble une chaîne de fécondation de saumons … oui, ça nous titille de découvrir cette activité et les gens qui s’y consacrent.

Au début de la chaîne, les saumons eux-mêmes qui à coup de nageoire caudale et de bons divers parviennent à quitter la mer, puis le bassin de rétention, puis la rivière, puis grimpent dans le tobogan/escalier de bassin en bassin, arrivant au bassin final où ils nagent « paisiblement » quelques instants avant de poursuivre leur route vers le haut … c’est assez fou de les observer, même une fois arrivés ils veulent continuer à bondir encore et toujours plus haut, se fracassant le nez sur les murs de tôles du bassin.

Au bout du bassin, un ascenseur qui les hisse 30 par 30 au niveau des travailleurs. Dans cet ascenseur, ils reçoivent une grande décharge électrique qui les sonnent un bon coup et qui facilitera le travail des employés.

Les experts trient alors les poissons, mâles d’un côté, femelles de l’autre, et le font sans hésitation, hyper rapidement. La robe des mâles et des femelles est pareillement zébrée de rouge et de noir, mais le vert des mâles et plus clair que le vert des femelles. Les mâles ont presque un bec denté à la place de la gueule classique du poissons d’étal. Dire qu’avant d’entrer en eau douce, ces poissons ont une robe grise, tirant légèrement sur le bleu sur le flanc, et rosâtre sous le ventre, et une tête tout à fait normale … Et ça, c’est les seuls signes visibles de l’extérieur ! on n’imagine pas les modifications internes …

Quelques jeunes sont installés aux tables qui façonnent la chaîne de fécondation. Du côté des mâles, les poissons sont attrapés par la gorge, puis pressés au niveau de l’abdomen pour en extraire leur sperme, qui gicle sur un plan incliné, lequel déverse le liquide séminal dans un tube central. Puis le mâle vivant est expédié dans un tuyau plein d’eau, qui le ramène à la barge qui récupère tous les poissons entiers. Entiers mais agonisants.

Du côté des nanas, c’est moins joyeux. Elles sont aussi attrapées par les branchies, puis incisées de bas en haut d’un coup de crochet tranchant, … et voilà leurs grappes d’œufs qui dégoulinent dans une sorte d’écope qui récupère le précieux caviar. L’écope est ensuite versée dans le tube central, où les œufs rejoignent le sperme et sont mélangés pour que la fécondation ait lieu.

Les femelles, ventres ouverts, sont ensuite évacuées par le même tuyau d’eau qui les amènent à la barge, qui, en fin de journée, sera vidée au large où tous les saumons entiers seront coulés.

 

A chaque manip, un clic sur le compteur qui permet de gérer les récoltes.

A chaque mâle, un peu de semence récoltée. Pas besoin de tout extraire. La diversité l’emporte sur la quantité.

A chaque femelle, chaque œuf est précieusement récolté, c’est un futur poisson en devenir.

Pour la fécondation, les mâles sont de vrais feux d’artifices : un seul pétard illumine toute la nuit 😉 il suffit d’un centimètre cube de sperme pour féconder 20 litres d’œufs, soit 1cm3 de gamètes mâles pour 20’000 cm3 de gamètes femelles.

 

Dans la Hatchery de Kitoï, ils reproduisent 4 espèces de saumon, le King lui est fécondé dans une autre Hatchery.

Les quantités saisonnières produites sont largement au-delà de nos estimations …

Chum : 36 millions d’alevins

Pink : 215 millions de petits poissons

Sockeye : 850’000 œufs fécondés

Coho : 2.3 millions …

Les King : 210’000 pitis passons …

Et dans les bonnes années, un pour cent des poissons revient à la Hatchery où ils sont nés. UN pour CENT … Dans la nature, c’est 0,1 %.

Donc chaque année, 254’360’000 poissons naissent à Kitoï, et 2’543’600 poissons reviennent ici, 140’000 sont capturés pour mettre en route la nouvelle génération, et 2’403’600 sont en “accès libre” pour les pêcheurs qui gagnent leur vie en leur courant après avec leurs filets.

Et d’ailleurs, à propos de chalutiers, hier à midi c’était l’ouverture de la pêche au Chum à midi …. C’était incroyable ! Je vous raconte ca sous peu et d’ici là je vous embrasse !

 

Mardi 18 juillet à Kitoi c’est ouverture de pêche à midi !!

Depuis hier fin de journée, les chalutiers arrivent un par un, font quelques tours de reconnaissance de la baie, un guetteur dans le nid-de-pie, les équipiers finissent de préparer les filets et le matériel à l’arrière des bateaux. Ils s’arrêtent bord à bord, discutent, rigolent, on reconnait des bateaux vus à Kodiak et même à King Cove.

Certains s’approchent de nous, nous tournent autour et nous demandent gentiment quand on pense partir, puisque la pêche au Chum – Dog Salmon – ouvrira ce mardi à midi pile … Ils nous informent que « ça va chauffer, vaudrait mieux pas être là ». Tout est dit avec sourire et bonhommie, on ne sent aucune agressivité.

Les équipages sont jeunes, les capitaines aussi ; deux-trois loups de mer bien marqués manœuvrent leur navire au doigt et à l’œil, et n’ont pas toujours le discours délicat envers leurs mousses.

Un chalutier s’approche très près de nous, à presque toucher notre coque, et le jeune capitaine nous tend un post-it plié en 4, en nous disant « puisque vous prenez des photos, ça serait cool si vous pouvez m’en envoyer quelques unes ! voilà mon adresse e-mail ! pour une fois que quelqu’un s’intéresse à notre pêche et qu’on peut montrer avec des images comment on travaille, ça serait super ». Je lui tends notre épuisette et il y dépose délicatement son petit papier, puis s’en va d’un coup d’accélérateur.

La matinée passe gentiment, on lève l’ancre et on reste dans les parages, pour observer tout ça. Vers 11h30, Hervé et Nathan (Le Rouge et Le Jaune à nouveau) partent en zozo pour faire des photos de plus près, et observer la scène sous un autre angle, pendant que Hugo et moi, sur Myriades, restons loin de l’arène pour ne pas déranger les pêcheurs. On n’a aucune idée de la manière dont ça va se passer.

Les chalutiers se positionnent plus ou moins proches des rives de la baie, semblent chercher le meilleur angle d’attaque, peut-être cherchent-ils encore à localiser au plus près les bancs de poissons … ? Ca semble clair en tout cas que les saumons continent à vouloir remonter vers la rivière au fond de la baie, et donc continent à s’amasser contre le filet qui ferme le fond de la baie. Donc de manière logique, les chalutiers devraient tenter de les rabattre contre ce long filet pour mieux les piéger dans les leurs …

Midi moins dix, on sent la tension grimper dans la baie, les moteurs sont bien chauds, les capitaines ont la conduite un peu plus nerveuse. Une dizaine de chalutiers près de la rive gauche, une dizaine près de la rive droite, quelques uns au milieu du plan d’eau, un peu plus au large, ils sont 23 à guetter les minutes s’égrainer.

Midi moins cinq, Hugo et moi sommes aussi impatients que les pêcheurs, tendus et pleins d’excitation, attentifs à nos montres et au plan d’eau.

Midi moins deux, midi moins une, toujours aucun débordement, aucun faux pas de la part des pêcheurs, aucun tricheur ni resquilleur, tous respectent la règle : ouverture de la pêche à 12.00.

Midi pile, les moteurs grondent, les étraves se cabrent, le plan d’eau s’anime, chaque chalutier vient de libérer son annexe et s’élance en la laissant sur place, pendant qu’il dévide son filet à fond de train en direction de l’autre rive. Ceux de gauche vont à droite, ceux de droite vont à gauche, tous se croisent au centre, et poursuivent leur route jusqu’à ce que leurs bobines de petites bouées jaunes et de longs filets soient totalement dévidées.

Deux minutes plus tard, le jeu se calme, les bateaux ralentissent et commencent alors les manœuvres pour rabattre les poissons dans les filets.

En regardant la baie depuis le large, on voit une succession de filets jaunes, jolies cordes tendues comme des fils à linge dans les rues étroites dans la chaleur de l’Italie, avec de-ci de-là un chalutier bleu, ou un blanc, ou encore un gris, qui attend patiemment la suite des opérations.

Chaque chalutier rejoint son annexe laissée proche de la rive en formant un grand cercle ; à l’avant, deux mousses frappent l’eau d’une longue perche équipée d’une espèce de cloche (sans battoir) pour faire peur aux saumons et les piéger dans les filets. Chalutiers et annexes se rejoignent, croisent leurs aussières, et là les filets commencent à être hissés sur les chalutiers, emprisonnant petit à petit les saumons qui seront finalement enfournés dans les cales remplies d’eau glacée.

Certains bateaux travaillent ensemble, décidant de fermer une partie de la crique. D’autres ne jouent que pour eux. Plusieurs remettront les filets à l’eau après les avoir sortis une première fois, d’autres ont choisi la rive d’une autre crique, plus éloignée, faisant le pari de récupérer tous ceux qui auront réussi à s’échapper.

Notre zozo pendant tout ce temps est resté coincé derrière le filet du fond de la baie, seul endroit où Le Rouge et Le Jaune se sentaient en sécurité pour observer cette ouverture de pêche. Vers 13h, les voilà qui reviennent, tout contents de s’être fait piégés presque au cœur de l’action. Ils ont tout vu de près, et ont eu le plaisir de savourer pendant toutes les manœuvres les doux gaz d’échappement de la joyeuse troupe de chalutiers.

Mardi, en fin d’aprèm on arrive à Seal Bay, on y dort au calme, entourés de sapins sur plusieurs ilets, sur un plan d’eau aussi limpide qu’un miroir.

 

Mercredi 19 juillet, on se réveille dans le brouillard, on ne voit pas la rive éloignée de quelques 30 mètres. La journée passe tout tranquillement un peu sous la pluie, un peu sans pluie, un peu sous la pluie un peu … On est là pour attendre le vent qui nous permettra de traverser la partie occidentale du Golf d’Alaska, plus exactement le « Kennedy Entrance » pour rejoindre la Péninsule Kenaï.

On descend à terre pour voir si on peut se balader, on a aperçu des ours le matin, alors on n’est pas super tranquilles. On va frapper à la porte du Afognak Kodiak Lodge qui est de l’autre côté du plan d’eau, pour aller dire bonjour et tenter de marcher un peu. On y est accueilli par une vieille dame charmante, bien charpentée, habillée de grosses chaussettes, pantalon chaud et gros pull, grand sourire surplombé de grands yeux clairs et pétillants. Elle s’appelle Shannon, canadienne installée ici depuis qu’elle a rencontré son amoureux à Kodiak il y a très longtemps. Elle a construit ce paradis pour les touristes férus de pêche et de « wild life » avec son mari il y a plus de 50 ans. Ils y ont vécu avec leurs quatre enfants, et aujourd’hui elle fait tourner son business toute seule du haut de ses au moins 75 ans, avec un de ses fils qui assure toute la partie construction et charpenterie. 8 employés travaillent avec elle.

Construire ce lodge, ça veut dire bâtir de A à Z une maison de famille, puis quatre « cabins », des petites maisons individuelles pouvant accueillir jusqu’à 4 personnes, une maison « local technique », une maison Salle à Manger-Lounge-Terrasse-Cuisine, les dépendances de tous les employés, 2 green-houses (les serres locales où poussent les salades, tomates, fraises, et autres délicatesses vertes) tout ça construit en bois à partir des arbres abattus sur place, puis dénudés, débités, tranchés, séchés, déplacés, entassés, empilés, un incroyable travail !!!

On prend notre repas du soir au lodge (un bon bœuf cuit 15h au bbq à l’étouffée, dans sa fumée, … un régal !) et on y rencontre les clients venus de Los Angeles et du Mexique pour pêcher halibut, cod, rock fish et autres poissons, qui repartiront avec eux en avion jusqu’à leur domicile. L’équipe de Shannon se charge de lever tous les filets, les mettre dans la glace en box étanches, et de préparer le tout à être transporté par hydravion jusqu’à Kodiak avec les heureux pêcheurs. … Qui emporteront dans leur pays ensoleillé leurs poissons alaskiens, sauvages et bio, qui feront des milliers de kilomètres à coup de kérozène … pas très « green » tout ça ! mais bon pour les souvenirs et le business …

Après une nuit super calme, on part jeudi matin direction Andreon Bay, sur Shuyak Island, dernière petite île accrochée aux abords de l’ile de Kodiak, dernière terre avant de traverser pour rejoindre le continent.

En route, sans vent et sur une mer toute calme, dans le bleu complet (au-dessus et au-dessous) on s’arrête plusieurs fois pour pêcher.

Objectif : halibut et cod. Ne remonteront à la surface que des rock-fish, tous différents, robe jaune ou orange, brune ou gris, parfois tachetée parfois unie, toujours des nageoires dorsales très épineuses et des latérales peu avenantes. Des grandes bouches, larges, prêtes à avaler de petites proies.

Nathan est indécent dans son succès, chaque fois qu’il met sa canne à l’eau il remonte un poisson. Petits, moyens, grands, tous sont photographiés, mesurés, puis remis à l’eau. Il a un magnifique tableau de chasse en images, de quoi composer un joli jeu « Memory » pour les attentifs aux détails.

Hugo lui a plus de peine à les remonter, allez savoir pourquoi il a moins de touches … aucune idée ! Mais il a la même patience que son frère, et les deux passent des heures à jigger, lancer, remonter, relâcher, …

Hervé les accompagne aussi bien sûr, avec moins de succès mais beaucoup de bons conseils, c’est chouette de les voir partager ces moments !!

Arrivés à Andreon Bay, dans le soleil étincelant, on pose l’ancre au fond de la baie et les gars partent en excursion. Une fois que le bruit de leur moteur disparait, on entend plus que les oiseaux, les blablas des loutres qui passent non loin, et parfois le ploufff d’un oiseau. C’est calme, zen, serein. Chaud. Du coup, je vire mes habits et je saute à l’eau. 11,6 degrés c’est correct pour un premier bain alaskien. Enfin … bain … 1 plouf rapide et je remonte, je me réchauffe 2 minutes, puis un plouf plus long et je remonte, puis 3 ploufs de suite pour mieux aborder cette eau fraîche. J’ai très envie d’apprendre à y plonger plus longuement tout en calmant ma respiration, j’y reviendrai. On se sent tellement bien après, le corps redéfini dans ses volumes, je retrouve la sensation de mes limites physiques, de mes pourtours.

Hervé part relever le panier à crabes, et revient avec un panier vide. Mais décidé à lever l’ancre ce soir au lieu de demain matin, puisque les conditions sont plutôt favorables. Le vent arrive enfin dans la nuit, autant en profiter. Ok, let’s go, on prépare le bateau.

Hervé au premier quart, puis moi, puis Nathan puis Hugo, c’est ce qui est prévu. Évidemment, ce n’est pas comme ça que ça se passera, haha !

 

Traversée de l’ile de Kodiak à la Péninsule Kenaï

Donc je pars me coucher, j’ai le sentiment de ne pas dormir, je somnole, il fait jour longtemps. Quand Hervé vient me demander de prendre mon quart, il fait encore jour, j’imagine qu’il est 23h. Il est en fait 2h du mat, et on navigue sur une mer calme comme au coucher du soleil. Le ciel est sombre, mais la nuit est lumineuse, nimbée de lumières douces au NW, avec des trainées claires, bleu clair tirant vers le turquoise qui s’y baladent. On dirait des aurores boréales.

Du coup, je fais mon quart jusqu’à 5h du mat sans réveiller les autres, bien au chaud sous mes 2 vestes à capuchon, 2 polaires, pantalon, couverture, … Vers 3h, j’éteins le moteur, le vent est enfin suffisant. C’est magique, c’est beau, c’est doux, le temps passe tranquillement, propice à du lâcher-prise total, temps de rêverie et de douceur intérieure, quel bien ça fait !

Les lueurs du couchant migrent progressivement vers le NE. Le vent monte à 20 gros nœuds, nous pousse à 8, on glisse sur l’eau, le bateau gîte un petit peu, trop pour Hugo qui tombe de son demi-lit. Il ne peut pas se caler contre la paroi quand on gîte sur tribord, pas cool ! Du coup, il prend son quart à la place de Nathan, puis Hervé ne tarde pas à pointer son nez, et moi je pars me coucher.

On passe la journée de vendredi en mer à avancer vers notre prochaine destination : le Glacier NorthWestern. On change radicalement de paysage par ici. On navigue sur un presque lac tellement la mer est plate, au pied d’une chaîne montagneuse, un semblant d’Alpes. Le temps est à nouveau au beau fixe, Hugo nous accuse de mensonge « vous m’aviez dit qu’il ne faisait pas beau et qu’il y avait plein de brouillard !! » en riant, et en savourant le soleil torse nu. Déjeuner dans le cockpit tellement on y est bien, on sentira nos visages bien chauds en fin de journée ! Les montagnes de pierre noire sont zebrées de pentes herbeuses et de forêts de sapin dans les premières centaines de mètres, puis laissent la place aux pierriers et aux bandes neigeuses. Les sommets blancs illuminent le bleu du ciel.

Petit interlude marin avec la visite de 3 orques qui passent non loin de nous. Elles s’approchent, curieuses, leur dos noir luisant émergeant de l’eau lisse, nageoires dorsales dressées fièrement vers le ciel. On aperçoit leur tache blanche. Pas de mâle dans la troupe, 3 femelles a priori ; un.e jeune, une moyenne et une maman. Elles chassent tranquillement en encerclant leurs poissons et poursuivent leur route.

Fin de journée, on arrive dans Harris Bay, au fond de laquelle se trouve le glacier. On s’avance entre les rives, on passe les hauts-fonds formés par la moraine, et on se retrouve en Patajolie, les rives rocheuses sont griffées et polies par les anciennes glaces, les névés blancs là-haut éclaircissent le paysage, les glaces bleues et grises descendent par endroit jusqu’à l’eau.

On aperçoit nos premiers growlers, glaçons millénaires détachés du glacier, dérivant lentement dans l’eau qui s’adoucit gentiment. Elle change de couleur, se rapproche du bleu-vert opalin d’un lac de montagne. Tout au fond de la baie, deux murs de glace nous accueillent. Ça craque un peu de partout, parfois un bout de la langue de glace tombe dans l’eau, provocant quelques vagues. On est admiratifs, peu volubiles, on savoure notre chance, immense, nos sentiments mêlant l’infiniment petit à l’immensément grand, extase et gratitude devant cette nature tellement majestueuse.

On a de la peine à quitter ce glacier, mais la nuit tombe dans 2-3 heures, et on n’est pas encore arrivés à Taz Basin, enclave hyper protégée au creux de Granit Island, nichée au milieu des sapins. En arrivant, Hugo et Nathan partent poser une aussière à terre, renouant avec la mode des mouillages patagons.

 

Taz Basin
Samedi matin, 22 de juillet
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Après deux-trois ploufffs dans l’eau froide (12,6 degrés) pour Hugo et moi, on se met en route et les trois gars se mettent immédiatement en mode « pêche ».

Quelques minutes plus tard, un rock-fish rouge-orange remonte trop vite des profondeurs au bout de la ligne de Nathan, sa vessie natatoire lui ressort grotesquement de la bouche, comme une langue complètement gonflée. On réussit à le sauver in extremis en le faisant redescendre à l’aide d’une ligne plombée, mais on doit s’y reprendre à deux fois … tout ça pour le plaisir des pêcheurs … !

Obligatoire d’ailleurs d’avoir une ligne plombée à bord, prête à l’usage. De même manière qu’on doit avoir une licence de pêche par pêcheur, et que les quotas sont très clairement définis par poissons, taille de poisson, lieux voire jours de semaine. Et on est aux US, si on ne respecte pas la loi on risque gros, ou cher.

-Pour info, la loi prévoit qu’en cas de non-respect, tout le matériel ayant servi à capturer les poissons soit confisqué, ce qui peut inclure le bateau lui-même … on va pas jouer !-

Après quelques tentatives infructueuses, Hugo et Nathan demandent à pouvoir pêcher un peu à la traîne en passant vers le Cap Granit. Une bonne dizaine de bateaux moteurs tournent lentement dans ces eaux calmes, où les courants se rejoignent. Pour pêcher un saumon, il ne faut pas avancer à plus de 2 nœuds, donc ce sont des moments tout tranquilles quand la mer est douce.

Un troupeau de lions de mer se dore au soleil (ah oui, j’ai oublié de vous dire que c’est le troisième jour consécutif de beau temps, grand soleil, températures estivales, on laisse tomber les pulls et les chaussettes), et puis paf, une ligne attrape un premier saumon !!

Un Coho (silver salmon) remonté, bien vivant, plein d’écailles et de vigueur, la robe quasi intacte et la mâchoire digne d’un poisson de mer ! Ses mensurations : 3.8 kg pour 69 cm, jolie bête !

Quelques minutes plus tard, c’est un Humpy (pink salmon) qui pointe son bout de nez. 1.160 kg pour 50 cm, remonté avec son algue colorée.

Les gars sont ravis, on a de quoi manger pour quelques jours, on arrête là.

On se dirige vers un chapelet d’iles, dont Harbor Island, qui émergent de l’eau tout en douceur. Les roches dorées émergeant au-dessus de l’eau sont rapidement remplacées par des sapins serrés les uns contre les autres, et comme les iles ne sont pas hautes, elles surgissent comme des touffes arbeuses devant l’horizon délimité par la chaîne de montagnes aux sommets enneigés. C’est juste splendide comme paysage. On s’en met plein les yeux !

 

Baleines à l’horizon !!!

Au loin, un nuage de goélands s’envole régulièrement au-dessus des flots, puis se repose. On s’approche tranquillement, en observant de loin. Les goélands semblent guetter, prêts à se lancer en piqué pour aller pêcher petits poissons, harengs, sardines et autres mini-portions. Ils volent de gauche, de droite, se posent, attentent, et en observant leur vol de plus près, on découvre des souffles de baleine, puis on voit les dos des baleines, suivis par les nageoires caudales qui pointent verticalement, signe qu’elles plongent (elles sondent) avant de ressortir plus loin. Et à nouveau une gueule ou une nageoire.

En se rapprochant tout émoustillés par la présence de ces incroyables mammifères, on réalise qu’une trentaine de baleines à bosse sont en train de pêcher … Wouahou !!! On passe du temps à les observer, fascinés. Elles pêchent avec la technique du « bubble feeding ». Je vous explique.

D’abord, un petit élément technique : la baleine à bosse mesure en moyenne 14 mètres de long (la taille de Myriades) pour 30 tonnes (le double du poids de Myriades). Donc là, on navigue (au moteur) tout près de 30 baleines de 30 tonnes et de 14m de long … mais on ne « risque rien » puisque la baleine à bosse se nourrit de plancton et petits poissons.

Les sillons ventraux qui courent parallèlement entre eux de sa mâchoire inférieure jusqu’à la moitié de son ventre permettent une très large ouverture de sa gueule, un peu à la façon dont s’ouvre un accordéon ; ils se gonflent d’eau de mer chaque fois qu’elle ouvre la bouche, puis elle filtre le tout au travers de ses fanons, garde les poissons et recrache toute l’eau.

Donc revenons à nos moutons … et à la technique de pêche de ces baleines : elles sondent profondément, puis remontent groupées vers la surface, pendant qu’une ou deux d’entre elles effectuent de grands cercles de plus en plus serrés, relâchant leur air, ce qui emprisonne les bancs de poissons dans un cylindre de bulles vertical. Un vrai piège de crystal, un piège éphémère. Le groupe de baleines n’a plus qu’à remonter au centre du cylindre, les gueules grandes ouvertes, collées les unes aux autres pour ne pas perdre une miette du festin.

Les bouches démesurées surgissent des flots bouillonnants, puis les baleines se laissent redescendre et s’enfoncent en reculant, avant de s’éloigner d’un coup de nageoire puissant. Parfois, elles se mettent sur le flanc pour frapper l’eau de leur nageoire, parfois elles bondissent presque comme des cabris, bon, des gros cabris, mais étonnamment puissantes et véloces.

On n’a pas envie de les quitter, le spectacle est tellement hors du commun ! Elles sont si grosses et nombreuses … Et que dire des mouettes et des goélands ! des nuages des nuées des escadrilles qui volent qui piaillent qui profitent elles aussi du festin, frôlant les gueules géantes, parfois il doit y avoir des accidents d’ailleurs, un-deux oiseaux terminant dans la brassée poissonneuse au fond du gosier de ces mammifères … on s’arrache de cette scène à regret, mais les yeux pleins d’étoiles.

Après les baleines, un autre géant nous attend à terre : un nouveau glacier se jette à l’eau devant nous. AIALIK se vautre là, immensément large, assez haut, son front part en miettes régulièrement, provocant des énormes gerbes d’eau qui remontent haut dans le ciel. Il pète craque gronde de manière sourde, sèche, impétueuse, parfois juste en surface, proche de nous, parfois du plus profond de ses entrailles. Encore un spectacle somptueux. C’est le premier glacier que je vois bordé de végétation. Jusqu’à maintenant, c’était plutôt rocailleux, sec, poli et râpé. Ici il y a de tout : du désert et de la verdure. Le soleil de fin de journée illumine ses crêtes turquoise, et lui donne plein de peps.

Journée intense en émotions, en beautés généreusement proposées par Dame Nature. Une journée comme celle-ci nous fait oublier tous les jours de mauvais temps et les coups de mou. On croise les doigts pour que ça dure, et on retarde notre arrivée à Seward pour profiter un maximum de ces endroits sauvages et incroyablement beaux. Finalement on n’est pas si pressés que ça : on a tout le poisson qu’il faut à manger, et du riz pour l’accompagner, donc pena traca …

 

Bain au pied du Glacier Aialik
Dimanche 23 juillet

Dimanche, journée douce et tranquille, Hugo est décidé à se baigner dans la baie, il prend la température de l’eau … 7 degrés. L’eau est plutôt trouble, pas très propre, des mousses passent flottant autour de Myriades. Du coup, on se dit « bah, on a qu’à se baigner après le petit dèj devant le glacier, ça sera joli ! ». Ok, le petit-dèj avalé on lève l’ancre sous un ciel encore bleu, le soleil nous chauffe le dos et on part à la re-rencontre du bel Aialik.

Sa façade bleu-blanche-turquoise léger nous attend, ses flancs verts et caillouteux entourent cette immense langue de glace dont on a de la peine à définir la hauteur. Les montagnes alentours sont d’un beau brun-gris, mélange de parois rocheuses et de pans sableux, illuminées de plaques de neige bien blanche. Les contrastes sont saisissants.

L’eau elle est bien plus grise ce matin qu’hier. En avançant au moteur, on voit qu’on « ouvre une voie » en quelque sorte, une voie où l’eau salée réapparait, plus verte et foncée que celle de la surface. Densités différentes, températures différentes, compositions différentes, courants différents … encore une dimension à rajouter dans cette réalité paysagère si changeante.

On est seuls au pied de ce géant millénaire, on est tout petits, infimes particules faisant partie d’un grand tout, bien plus grand que nous. On y reste presque deux heures, micro-secondes à l’échelle du seigneur local. Il ne fait pas trop froid, quelques courants d’air nous hérissent la peau par instant, mais la météo est agréable. On en profite pour se mettre en maillot de bain Hugo et moi, et hop, on y va sans y réfléchir à 4 fois.

On plouf dans l’eau et on ressort, on se frotte fort les jambes avec les mains, on attend que Nathan se soit correctement repositionné avec l’annexe pour immortaliser l’instant, et hop, on replouffe plus longuement cette fois, mais ça ne dure qu’un instant. C’est vraiment froid. Ça booste, ça pique, ça nous pousse hors de l’eau très vite. En se séchant dans nos serviettes, on a l’impression de se faire brûler, piquer de partout. Et puis ça passe vite, et on se sent bien. Après avoir remis pull et chaussettes, on se sent vraiment bien.
On se demande quand-même quelle est la température de cette eau opaline … et on ne croit pas nos yeux … mais en repensant à nos sensations, on se dit que oui, ça doit bien être ça : 3,2 degrés Celsius … trois virgule deux !

Contents !! et fiers de nous aussi.

Une colonie de phoques dort au pied d’Aialik, on les observe un moment. Comme tant de fois, la glace craque et gronde, et pafff un beau gros morceau tombe juste à l’endroit où flemment ces mammifères bruns dodus. On se dit que le bruit va les faire fuir, alors on regarde à la jumelle, et on se marre à les voir endormis, se faire ballotter au rythme des vagues qui les font monter puis redescendre comme des bouchons sur l’eau.

On se remet en route pour aller voir un autre glacier dans le même fjord, on navigue sur une eau lisse dans une vallée très large, on croise des kayakistes qui remontent le bras de mer pour aller admirer le glacier, et puis au bout d’un moment, on tourne à droite pour aller voir la jolie façade d’un autre géant gelé : HOLGATE. Plus petit, moins imposant, encaissé entre deux parois, pas de verdure à ses pieds. Joli quand-même !

Puis Le Cap décide qu’on filera directement sur Seward ce soir, il a trop mal aux dents depuis deux jours, et veut trouver un dentiste demain à la première heure. Fin de journée au moteur, Réjane et Charly nous accueille au port, on les a enfin rattrapés, haha.

 

Seward
Lundi 24 juillet 

Aujourd’hui c’est opération lessives, remplissage de frigo (et d’annexe, puisqu’elle nous permet d’y stocker tous les légumes et quelques fruits, température parfaite), et puis dentiste pour Hervé.

Plaisir d’un restau le soir, demain on repart déjà.

Seward est une petite ville de 3’000 habitants et beaucoup de touristes y passent. Anchorage est à 2h de voiture, à peu près pareil en train, et la péninsule Kenaï fait partie des destinations « phare » alaskiennes : glaciers, ours, baleines, orques, la nature y est riche et généreuse. Le port de Seward est rempli de navettes qui promènent les nombreux visiteurs, et les emmène à la (demi) journée voir tout ce qui fait notre spectacle au quotidien.

Beaucoup de camping-car, de caravanes, de véhicules en tout genre pour balader ces gens venus de partout, qui déambulent dans ce quadrillage urbain fait de petites maisons en bois colorées, cadres de fenêtre blancs, toits pentus pour évacuer la neige hivernale, routes goudronnées.

 

Auk Bay, un AnniHappyApero qui dure Longtemps
Mardi 25 juillet 2023 

Au moment de partir de Seward, voilà Hervé de Mouez Avel qui déboule sur son joli bateau blanc bordé de bleu, sourire aux oreilles. On l’avait aperçu la nuit du Tsunami annoncé à Kodiak, sans avoir le temps de partager un café, là on a au moins le temps de prendre de ses nouvelles. On l’avait rencontré à Chiloe, au sortir des canaux patagons chiliens. Depuis, il a taillé la route tout seul, traversant le Pacifique avec son Mouez fidèle, et a choisi de monter en Alaska en faisant un petit tour du côté des côtes coréennes et japonaises, avant de remonter sur le chapelet d’iles aléoutiennes.

On s’en reva finalement, départ pour aller se balader dans le dédale des iles ilots et ilets qui nous séparent du Prince William Sound.
En chemin, on retrouve Longtemps à Auk Bay en fin de journée pour fêter la nouvelle bougie de Réjane. On la fête Longtemps avec dégustation de gravlax préparés par Hervé (sel-sucre, baies roses et aneth) et Hugo (sel-sucre, gin, moutarde, miel) et rillettes de saumon préparées par Réjane. On le déguste sous toutes ses formes ce poisson-là, on n’est pas encore à court d’inspiration, mais ça pourrait venir bientôt, haha.

 

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