Maupiti, piti piti, piti bijou posé au loin de la foule, dans la quiétude d’un village étendu le long d’une route toute douce qui égrène les maisonnettes les unes après les autres, dans son temps qui s’écoule doucement, temps un peu d’un autre temps, dans la douceur du généreux climat polynésien : du soleil et presque toujours un peu d’air pour supporter l’astre royal.
Maupiti est à une demi-journée de nav de Bora, cap à l’ouest. LA spécificité de Maupiti, c’est sa passe … sa fameuse passe, orientée plein sud, étroite, formant un léger coude, et bordée de manière très rapprochée par le reef agressif. A peine 100m séparent le reef à babord du reef à tribord. Quand la mer est calme, tout est ok. Mais dès qu’il y a de la houle, et qui plus est, une houle du sud, alors là c’est bôôôôôcoup plus compliqué !! C’est un atoll dans lequel on peut rester coincés 15 jours s’il y a 15 jours de houle du sud … de même, on peut ne pas y entrer selon les conditions. Pour nous, ce jour-là la météo nous passe tous les feux au vert : peu de vent, pas de houle. Parfait, on y va.
On aperçoit l’ile depuis Bora déjà, petit chapeau qui grimpe à 360 mètres au-dessus de l’eau. Sa petite montagne de basalte noir baigne dans un lagon absolument incroyable. Au nord, une fausse passe permet un bon courant dans le lagon. Des fonds de profondeur très variées déclinent les tons de bleu à l’envi, c’est absolument magique. Parfois on suit une ligne de démarcation très nette entre le turquoise et le bleu profond, indiquant une forte pente sous la coque, parfois c’est un dégradé tout doux.
Il parait que vu d’en haut, le paysage est totalement bluffant, alors on y va !
On est mouillés à gauche de la passe en entrant dans le lagon, alors on part en zozo avec nos deux chapeaux et quelques litres d’eau, on trouve un endroit à peu près correct pour la laisser au bord de l’ile le temps de la grimpette, et on part à l’aventure, en suivant un chemin vaguement balisé. Vaguement. A la montée en tout cas, ça va, on trouve notre chemin.
On grimpe dans une forêt plutôt aérée et très verdoyante, entre les verts tendres et ceux plus soutenus des plantes grasses. La montagne alterne des parois rocheuses vertigineuses et des pentes plus douces très touffues. On passe des murs de basalte en s’aidant de cordes et en grimpant presque comme des cabris (tu parles), et une fois gravis les 350 m au-dessus de la mer, on se retrouve les yeux grands ouverts, émerveillés par tant de beauté !
Les camaïeux de bleu sont fascinants, incroyables, éblouissants !!! On découvre des nouveaux motifs dans la manière qu’a le corail de coloniser les fonds : par endroit, le lagon ressemble à une composition d’émaux, comme si on prenait une feuille mouillée, qu’on laissait tomber des gouttes de peinture dessus, et qu’elles s’étirent en étoile, en plumet, en halos dégradés. Complètement différents des fonds rencontrés jusqu’à maintenant. Assez incroyable !
Depuis notre sommet si mérité, on a une vue imprenable sur la passe de Maupiti, au bout du lagon. Trop beau, on y resterait bien jusqu’à demain matin…
On se perd un certain nombre de fois en redescendant, le chemin n’est plus du tout fléché, on se retrouve parfois au-dessus des murs vertigineux, on fait demi-tour, on retourne autour du gros arbre où on avait pris à gauche et cette fois on prend à droite, on regarde où le sol a été piétiné, on cherche la trace de quelques prédécesseurs, on passe par-dessus d’énormes blocs de rocher en se disant « ça ne peut quand-même pas être là » et puis si, c’est là, et on continue à cheminer en descendant tranquillement, et puis finalement on retombe sur la route côtière, mais du mauvais côté de l’ile par rapport à notre point de chute prévu … pas grave, l’essentiel c’est de se balader !
On aura perdu au moins 5 litres d’eau chacun tellement il fait chaud, on rentre au bateau et on récupère. Il faut dire qu’il fait 33 degrés à l’ombre et on a passé pas mal de temps à découvert …
On est absolument ravis par cette rando, c’est la plus belle depuis notre arrivée en Polynésie. Aita atu ai te tere ‘ori hāere !
Une autre balade nous amène à tourner en rond autour du mont Teurafaatiu, longeant le bord de lagon sur la route côtière bétonnée qui encercle l’île. Pas besoin de pédaler très longtemps pour nous retrouver à notre point de départ, 10 km au grand max …
Partout autour de l’ile, on a le sentiment de se promener dans le jardin de quelqu’un, tout est propre, travaillé, la nature est « en bon état », les arbres portent les prémices de fruits, les manguiers ont des niveaux de maturité très différents selon leur variété.
On s’arrête près d’un couple qui répare du matériel pour cueillir les fruits en hauteur, et on les questionne pour savoir quelle est la bonne période pour cueillir les mangues … je m’attendais une fois de plus à entendre « d’ici 1-2 mois elles seront bonnes » mais non, oh surprise, ils nous répondent en chœur « elles sont prêtes dans un jour ou deux … » … mmmmhhhh … et on peut vous en acheter quelques unes qu’on finira de faire murir sur le bateau ? « bah oui, bien sûr ! » … et nous voilà repartis avec des mangues plein le sac à dos. De l’arbre à l’assiette, il y a juste quelques tours de roue de vélo, trop bien !
Donc Maupiti, oui, un vrai petit joyau au milieu de cet immense Pacifique, une perle sauvage et intacte, qui n’est pas polluée par un tourisme de masse, où la vie ressemble à ce que ça devait déjà être il y a 50 ans. Pas d’hôtels ici, seulement quelques petites pensions. Peu d’activités nautiques non plus, pas vraiment de clubs de plongée car il y a toujours cette fameuse passe qui conditionne beaucoup de choses … Par contre, on se régale une fois de plus en kite ! Un des rares moments dans les iles de la Société où le vent souffle suffisamment pour qu’on s’envole jusqu’au sixième ciel !