Salut salut !
Pas mal de mots à partager avec vous aujourd’hui, ça nous permet de vous faire vivre un peu plus notre quotidien. Bonne lecture 😊
Lundi 17 on était à Palma … et là je regarde ma montre, je vois qu’on est le 21 septembre, 21h48 … Le printemps a commencé depuis 21 h et je suis en « retard de racontages de 3-4 jours, et on est à Formentera, tout près de la Pas de s’Esplamador. Le temps a filé ! Mardi matin 18 septembre, on a quitté Palma pour rejoindre l’île de Ibiza, où on est arrivés par la côte nord-est, super sauvage, presque vierge d’habitations, grandes falaises ocre-rouge et végétation méditerranéenne, on a dormi dans une crique vertigineuse, les falaises culminaient facilement à 150m au-dessus de nous, dans leur impressionnante verticalité, tous seuls, personne à terre personne en mer.
19 septembre, mercredi, on lève le camp pour trouver une crique turquoise et calme, sans vagues ni houle, sans constructions moches à terre ni navettes bruyantes, avec du sable et des cigales, et b’en on ne l’a pas trouvée !!! on se pose en début d’aprèm à la Cala Llonga pour croquer une salade, et à peine arrivés, qu’est-ce qui nous tombe dessus ? un orage !!! eh oui, un orage … on se demande ce qu’on a fait pour mériter cette météo. Et puis en fait, ce n’est pas une salade qu’on a croqué, mais la première pêche de Hervé !!! 4 jolies petites bonites qui se sont jetées deux par deux sur ses hameçons entre Majorque et Ibiza. On voulait les faire au bbq, mais l’orage en a décidé autrement, et le charbon de bois aussi (trop gros, ne brûle pas), du coup les deux petites partent en ceviche (dé-li-cieux !!!) et les deux grosses au four. Résultat : « ceviche » gagne, et de loin ! le poisson a un goût super fin, frais, tendre, alors que une fois cuite, sa chair devient sèche et pâteuse .. Donc sur notre prochaine liste de course : plein plein de citrons verts !
Fin de journée, on arrive au port de Eivissa, qui est la ville principale de Ibiza. Une fois de plus, on a l’impression de naviguer dans un Optimist borgne tellement les bateaux environnants sont gros, grands, longs, illuminés … On flâne en fin de journée avec nos vélos pour avoir une première impression de cette nouvelle ville. Je dois dire que j’y viens à reculons. Le faste, le côté « m’as-tu vu », le show-off, le bling bling, les strass et les paillettes, Kathy Getta et les grandes boites, l’Amnésia ou le Pacha, rien de tout ça ne m’attire. Le nord de l’île est sauvage, j’y serais bien restée plus longtemps, mais le sud .. bôf … et puis je découvre que la ville d’Evissa est finalement assez petite, son centre commerçant et son centre historique plutôt accueillants et agréables pour y déambuler. On monte jusqu’à la cathédrale qui domine la ville du haut de son promontoire, car c’est à côté d’elle que se niche l’office du tourisme. Allez savoir pourquoi la commune l’a installé si loin de tout … Cette balade me convainc d’une chose, rester là demain toute la journée pour avoir le temps de visiter ! Ca dépendra de la nuit (bruit ? pas bruit ? on est quand-même à côté du Casino et de la boite de Kathy Getta …)
Besoin de dormir. J’y vais. Je pose juste là quelques mots encore, de choses à dire et sur lesquelles revenir, peut-être, peut-être pas …
20 septembre, quel jour déjà ??? on perd le fil tellement facilement, tellement vite, on a adopté le rythme espagnol, du coup entre les courtes nuits (pour Hervé) et les longues siestes (pour Hervé toujours), les jours ressemblent à des demi-journées et inversement. Moi je suis à mon rythme habituel, longues nuits et parfois une micro-sieste. Presque plus de siestes … ! Jeudi donc, jour de ma balade toute seule à la rencontre de Eivissa avec une artiste qui fait visiter la ville au son de sa voix. Baladeur dans les oreilles, doux mélange entre musique, histoire vraie et fables, méditation et petites anecdotes, la balade est très agréable, je me laisse porter, j’oublie le temps. La vieille ville est fortifiée, les maisons très blanches avec des encadrures de fenêtres peintes de couleurs douces, des tuiles de terre cuite, des entrelacs ocres, rouges, bleu tendre, une végétation mélangée de cactus, plantes grasses, palmiers et autres plantes qui se marient bien avec le bleu du ciel, et puis les moineaux ici, bon y’en a, mais ils sont carrément moins nombreux que les perruches qui caquettent et cancannent à longueur de journée, perchées là-haut, à l’abri des palmes et là où elles trouvent de quoi manger aussi … La forteresse me livre des passages secrets nichés au sein de ses murs, des points de vue à couper le souffle sur la grande bleue, des dédales de toits, de ruelles, une énergie sereine et lumineuse, puissante. Eivissa m’a séduite.
21 septembre, ah oui je sais, vendredi, jour du printemps, non, premier jour de l’automne. On quitte Ibiza pour Formentera après avoir sillonné la banlieue industrielle (pour faute de ne pas savoir lire une carte 😉) à la recherche d’un supermarché, duquel on ressort avec bières en quantité suffisante pour un équipage de 5 mecs (mais oui, elles étaient à moitié prix, ça aurait été bête de ne pas en profiter) du coup c’est nous qui faisons les bêtes pour rentrer au bateau et moi ma tête de mule parce que, parce que, parce que rien quoi (si, Hervé qui roule au milieu de la route, Hervé qui roule devant moi et qui ne signale pas s’il tourne ou pas et je dois planter sur les freins – au lieu de continuer à rouler la tête en l’air, les yeux grands ouverts sur tout sauf la route- , Hervé qui dit « on y va on met le moteur en route » sans vérifier si le bateau est prêt, enfin bref, la faute à Hervé quoi ! faut bien que j’ai un bouc émissaire sur ce bateau, je ne peux pas être « tout à la fois toute seule » dans mes prises de tête, quoi ! Les hormones ont bon dos, mais pour le coup elles me font vraiment faire des hauts et des bas sans aucune raison. Chiant.) Enfin passons, on part pour Formentera et là ça devient magique, on se sent enfin en vacances dans les Baléares telles que nous les avions imaginées.
Première approche de Formentera : eau cristalline, transparente, turquoise sur le sable doré, et bleu foncé lorsque les fonds sont peuplés de posidonie, longue dune qui court du nord au sud, pieux de bois clair plantés régulièrement pour protéger le « sommet » de la dune (au moins 3 m au-dessus du niveau de l’eau !!), herbes folles genre graminées, petites pousses vert intense de plantes grasses et rases dans le sable, rochers ocres, beiges, dorés, sable doux, entre le gris clair et le doré lumineux, et puis surprise, des kerns, partout, chacun y va de sa petite contribution, de sa création, des kerns isolés et des kerns regroupés, trace du passage de ceux qui sont en lien avec cette belle nature. Le soleil se couche sur la dune, puisque nous avons mouillé à l’est de la presqu’île, les bateaux s’en vont les uns après les autres, on se retrouve seuls pour la nuit. Bonheur. Pas de vagues, pas de vent, on en oublie de ranger la voile avant de se coucher.
22 v’là déjà le samedi !!! on le passe en vacances le long de cette bande de terre, de sable, mélange de roches et de petits garages à bateau, végétation assez rase, on pourrait presque « voir par-dessus » l’autre côté de la langue de terre. Kayak, nage, ouille les méduses sont là on change de place, et on se pose pour l’après-midi au “coin” entre la côte est et la côte nord, presque tout en bas. J’en profite pour sortir les crayons, essayer de croquer les poissons pêchés, leur témoigner ma gratitude pour ce bon repas qu’ils nous ont permis de faire. C’est l’occasion d’essayer les fusains que Nathan m’a offert, travailler les noirs, les contrastes. Toujours difficile pour moi de mettre du contraste sur ma feuille !
A faire ce soir : factures, un peu de gym-yoga-élastiques quand-même .. j’en fais tellement peu, prendre l’apéro (finalement je le saute), me mettre les pieds sous la table pour une fois (bon, je serai de vaisselle), trouver s’il existe des livres audio à télécharger, voir si (si ..) si je trouve une série sympa qui me donnerait envie d’être regardée (mais bon, j’en n’ai jamais regardé jusqu’à aujourd’hui, alors finalement, pourquoi est-ce que je commencerai ? c’est tellement bien les livres …), me coucher tôt (il est déjà 23h c’est foutu).
2018 septembre 23 … peut-être trouvé la solution à mes mains silencieuses lorsqu’elles sont au clavier : avoir mon carnet de notes sous la main plutôt qu’un écran. Un joli carnet rouge, Moleskine. Et retranscrire après .. Eh bien vous savez quoi ? ca marche 😊 12 pages de cahier en 1 jour ½, bon y’a une-deux esquisses dedans, mais c’est pas le dessin qui prend de la place.
On quitte une plage délicieuse au sud-ouest de Formentera, après 20 minutes de natation, un peu de souplesse sur le pont, Hervé vient d’astiquer la coque dans son ensemble grâce au narghilé, ce long tuyau de 17 mètres qui lui apporte de l’air, compressé par un petit compresseur portatif qu’on branche sur le 220V. Ca veut dire qu’on doit mettre le générateur en route pour faire marcher le compresseur pour que Hervé puisse respirer… On quitte la plage pour aller à Puerto de Sabina, seul port de l’île.
Hier on s’est arrêté dans une anse de l’ile qui était à la jonction de cette longue langue de terre et de sable qu’est Formentera, et la suite de la côte qui est formée de falaises, entre 3m et finalement 150m aux pointes où se trouvent les deux phares, phare de la Mola au sud-est, et phare de Barbara au sud-ouest. A cette jonction, l’eau était transparente, délicieuse, Hervé est parti faire un long tour en kayak pendant que je dessinais un peu.
La côte aujourd’hui, de ce côté de l’île, est très basse, les rochers ocre-rouge, 3-4 mètres de falaises, petite végétation méditerranéenne, mélange de pins, de genévriers, de buissons variés bien touffus, plutôt épineux et gramineux, un palmier parfois se perd au milieu, du fenouil sauvage, beaucoup. Peu de maisons, le terrain doit être accessible par ici, pas trop difficile à acquérir, ou au contraire, méga préservé ? Les culs nuls sur les plages côtoient les habillés, chacun sous son parasol. On est dans un mille-feuilles naturel et perpétuel ici, bleu marine en bas, ocre, vert dense intense « green anglais », puis bleu clair pour le ciel … simple et beau.
Envie de finir mon seau de poissons pêchés, mais j’ai besoin d’une table stable et de pouvoir me perdre dans ce seau, sans être aux aguets de ce qui se passe sur l’eau. La côte passe, le cap pointe le bout de son nez, la lanterne du phare se rapproche, le voici qui apparait sur son pied. On reviendra le voir ce soir en vélo, au coucher du soleil. C’est le phare de Barbaria.
La vie au port c’est rigolo. On fait les sioux à bord de Myriades, on observe tout ce qui se passe. Les bateaux qui rentrent, ceux qui s’en vont, les capitaines « oh c’est une femme la capitaine du Ferry », les tenues vestimentaires, les manœuvres des équipages, les déambulations des piétons, ça occupe ! Quand on est à table dans le cockpit, c’est rare que ce soit un moment où on discute, parce que Hervé est complètement absorbé par tout ce qui se passe « au dehors », attentif, observateur et très aidant aussi, s’il le juge nécessaire. A Mao, il est carrément monté sur le bateau à moteur des voisins pour leur expliquer comment s’amarrer, et le soir il est allé prêter sa main à la dame (un peu âgée) pour l’aider à remonter à bord. Ici à Formentera, c’est le ballet des navettes qui nous occupe, et puis Hervé s’active très fort sur le pont pour ranger le bateau (dégonfler kayak et paddle etc..) puisque demain « on traverse » sur l’Espagne. Une nuit en mer en perspective, on part avant le gros vent annoncé, pour rejoindre les côtes continentales. Faut qu’on avance … et là, Hervé sort les vélos, il est infatigable aujourd’hui !
Balade au phare de Barbaria. On part à 18h, on revient à 20h. 26 km dans une campagne toute jolie. On y va avant le coucher du soleil et on se dit qu’on a bien fait. Le lieu est magique, un long ruban de bitume s’avance dans la lande rase, rectiligne, jusqu’aux pieds du phare, puis tombe dans l’abîme. Dans la mer. On observe des gens qui disparaissent sous terre. Descendent une échelle. Dans un trou. Sans indications. Pour aller où ? On les suit. On découvre une grotte, puis un balcon incroyable sur la mer, sous la terre, perché en haut de la falaise. Magique. On apprécie d’être si peu nombreux, on râle parce que les autres parlent et ce lieu impose le silence. On réalise notre chance de l’instant privilégié quand en repartant, on croise des files et des troupeaux de gens qui débarquent avec leurs bières et leur fiancé/e sous le bras pour admirer le couchant …
Ces campagnes toutes douces, au rythme des murs de pierre sèche. Le chemin tellement caillouteux qu’on en oublie de regarder le paysage. Hervé toujours devant parce qu’il a le GPS, et parce qu’il doit être devant. Il nous fait passer par des sentiers plutôt que la longue route nationale rectiligne. C’est sympa, cool, bucolique, champêtre. Champs de pierres, champs labourés, champs de vigne maigrichonne, champs d’oliviers, l’eau au loin, comme une promesse, champs de moutons, champs-son, oui je mets la musique sur le vélo quand la route est longue et sans surprises, ça redonne du rythme et du cœur à l’effort. Arrivée au phare magique après ces campagnes généreuses, vertes, vallonnées. La végétation disparaît, reste le minéral et l’eau, et le ciel, à perte de vue. C’est sobre, c’est simple, c’est essentiel, c’est beau. Et le phare. Et sa lentille qui tourne sans fin et qui scintille sans fin dans les feux du soleil sans fin. Hypnotique. Captivante. Fascinante. Appelante. Il est là, tout droit, vaillant face au ciel, vaillant face à la mer, si loin en contre-bas, ils ne doivent pas se rencontrer souvent ces deux-là.
On rentre, le couchant dans la main gauche, lourd, brûlant, l’astre du jour nous aimante le regard, pendant que dans la main droite se lève la lune, pleine, lumineuse, brillante, et tout est dans l’équilibre des deux, le dialogue de ces deux sphères, l’un qui rend l’autre radieuse, l’un qui caresse l’autre de ses rayons, et qui d’être lui donne sa raison. Dans la lune qui grimpe au ciel, un ULM se balade, petite balançoire dans les airs, et trace sa route douce, suspendu dans le ciel, comme si un ange passait par là.
On est partis en balade au phare en vélo avec de l’eau sur le dos, pendant que tous les autres y allaient en scooter avec leurs bières à l’arrière … cherchez l’erreur … !
24 septembre, déjàààààààààààààààààààààà. Dans moins d’un mois Camille vient nous retrouver ! Les enfants me manquent !!!! Le temps file, à des vitesses multiples et concomitantes, vite et lentement à la fois, comme le réseau ce matin, où j’essaie de télécharger un livre audio et je passe du 4G au 3G, autant dire qu’on n’est pas arrivé … Bon, j’ai aussi choisi d’essayer avec une première lecture qui dure juste 9 heures … Midi trente, j’ai déjà préparé la sauce tomate pour les pâtes de ce soir, puisque la mer est plate. Et s’il y a des choses sur lesquelles anticiper, la cuisine en fait partie, car cuisiner sous gros vent, on évite … tous les deux. Et on est trop gourmands pour ne manger que des purées lyophilisées Bolino (pourtant ça nous sauve une journée parfois, ou un quart de nuit) … Ah oui, 24 septembre, c’est lundi, on est en mer depuis 9h30. Tout est bleu autour de nous. La mer, le ciel, les îles au loin, on devine encore le plateau de Formentera à raz l’eau et les reliefs un peu plus escarpés de Ibiza la belle. Elles sont bleues les îles. Les nuages sont bleus. Les nuages ? Peut-être la brume de chaleur au-dessus de la mer ; le reflet dans les yeux de Hervé ? bleu ! …
Quelques risées se posent ça et là, griffent un peu le miroir de l’eau, la seule vague (pour l’instant) et celle de notre sillage. Tiens … ? … pas de canne à pêche installée à la poupe … en fait Hervé ne raffole pas de la bonite.
Mmmmh, ça fleure bon la tomate ! Une vague de somnolence me tombe dessus … qu’en fais-je ? au fait, vous ai-je dit qu’on a quitté Formentera à 9h30 ce matin, en direction de Almeira, où on est censé arriver demain ( !) vers 19h ? longue nav en perspective. Comme le vent va se lever cette nuit, plutôt ¾ arrière, on avance on avance. Comme le chantait Souchon. Hervé lit le catalogue Accastillage Diffusion, il passe en revue toutes les pages … manilles, produits d’entretien, tout ce qui peut être utile sur un bateau, de la quille à la tête de mât, en détail. 😊
Bon, b’en j’ai fait la sieste … ! quel bien ! à mon réveil : quelques petits dauphins qui se baladent tranquillement, sans nous approcher, et trois frégates militaires. L’eau est glacis comme dirait Yann. Pas une ride, pas un pli, lisse, miroitante, lourde souple et rebondie comme une nappe de plomb. 28,1 degrés au milieu de rien, alors qu’on a plus de 850 mètres de flotte sous la coque ! elle monte à 28,4 puis elle flirte avec le 29 !!! Après quelques points d’interrogation dans les yeux et dans la tête, on fait tomber la chemise et on passe à l’eau … elle est tellement bonne, un régal de chez régal de premier ordre ! Je bas mon record précédent : cette fois j’arrive à lâcher le bateau, mais pas encore la ligne de vie qui file à l’arrière. Enfin, qui flotte sans s’éloigner puisqu’il n’y a pas de vent …
On est cerné par les navires de guerre, trois autour de nous, plus des avions de chasse … hissons le pavillon blanc !!! les bateaux repassent dans l’autre sens, on tente de nous joindre par radio. Un message en espagnol dans lequel on croit vaguement reconnaître le nom de notre bateau, entendre un « myriadès » … quelques 15 minutes plus tard, ça tonne autour de nous … ?!?!? orage ? non … tirs militaires ! des geysers d’eau se lèvent sur l’horizon, 1, 2, 5, plusieurs, nombreux. La radio crépite à nouveau, les militaires nous contactent, « myriadès, myriadès, this is the Spanish war ship XZ 184 calling you, you have to take the route to 180, you are inside a zone of military exersise ». Nous ne réagissons pas de suite. Après un deuxième appel, on nous somme de modifier notre cap au 135. Hervé a de la peine à obtempérer, il tente de savoir pour combien de temps (ou sur quelle distance) tenir ce nouveau cap, qui ne va pas du tout dans la bonne direction pour nous … puisque nous filons droit au 230 …
Aujourd’hui le soleil a rendez-vous avec la lune, il l’attend pour aller se coucher … 19h53 sous la couette pour l’un, 19h57 pour se lever pour sa nouvelle nuit pour l’autre, ils se croiseront seulement, de peu. Elle va se lever, pleine, à 100% de son intensité. Il est parti, rond, lourd, gorgé de lumière, puissant, chaud, intense, s’en est allé se coucher derrière les monts espagnols que nous devinons. Elle n’est toujours pas là, elle nous fait languir … peut-être la brume nous la cache-t-elle ? Elle apparaît, se lève, rondement, un peu lourde aussi, comme aplatie par ce passage obligé de l’horizon, elle prend son envol, rose, ronde, douce comme une dragée ou comme un macaron poudré, dans la plénitude du ciel encore azur qui l’accueille, dans l’harmonie.
On a la visite de quelques dauphins qui viennent jouer à l’avant du bateau, magie du moment. Quelques méduses voilier aussi, rigolotes ces petites voiles qui flottent sur l’eau, transparentes bordées de turquoise, légères, poussées par le vent.
On a passé la nuit sur l’eau, Hervé jouant à “l’homme malade” un bon moment pour que je fasse tout, « contrat volontaire » entre nous pour voir comment je me débrouille si je devais me retrouver seule opérationnelle. J’ai assuré la veille jusqu’à minuit et demi, puis de 2h à 5h, puis rebelotte dès 7h30. La nuit a été tranquille. Pas trop de vent, mer plutôt creusée et les vagues 3/4 arrière ne sont pas très agréables … Peu de pêcheurs, petit trafic de cargos, la lune nous accompagne toute la nuit, de rares nuages passent par là pour jouer avec le relief des vagues. De nuit, je ne fais rien, hormis écouter de la musique. J’ai essayé le livre audio, mais je m’endors (mauvais choix de livre ? – à l’heure où je retranscris mes notes, je peux dire que je kiffe !! c’est top ces histoires racontées, j’adore ! faut que j’en charge plein !!!-)
La journée de mardi se poursuit comme la nuit : veille – sieste – veille – sieste .. et quand je dors je dors, et quand je ne dors pas j’ai juste envie de dormir … je rêve de jouer à Nathan et Mahaut 😉 (qui, les premiers jours de nav, dorment 18h sur 24) … le moteur soutient notre route et son ronron me berce, les vagues sont trop hachées pour me permettre de lire ou de dessiner ou de faire quoi que ce soit, alors je comate dans mon coin. Le plus dur dans ces traversées (« passage » en anglais) c’est cet état de somnolence continue et l’absence d’exercice physique. Les 5 marches pour descendre dans le bateau ne sont pas suffisantes pour me mettre en route, et ma somnolence diffuse, confuse, ne me donne pas du tout envie de faire ni yoga, ni muscu, ni souplesse, ni gainage, ni ni ni rien ! nada !
Comme le gros vent n’est pas encore là, qu’il est toujours annoncé et que la côte n’offre pas d’abri sympa avant Malaga, et comme le redit Souchon : faut qu’on avance !, on décide de rempiler, et de rajouter une centaine de miles et 24 heures à notre compteur. Partis lundi matin à 9h30 de Formentera, on arrivera mercredi après-midi à Malaga. Vase clos pendant plus de 48h, les dialogues sont rares, chacun s’occupe à sa façon, dans sa bulle. Hier, avec ce calme plat, c’était complètement différent, mais là, la mer, les vagues, tout bouge tout le temps, les écoutes frappent le pont, les voiles claquent, la bôme grince, le moteur tourne, le bruit constant, l’exercice de garder sa « verticalité », se tenir pour le moindre geste, tout ça fait que j’ai les genoux remontés sous les bras pour bouquiner, calée dans un coin du banc et silencieuse.
Le vent monte gentiment en fin de journée, 20h 20-25 nœuds, on a juste la grand-voile à poste avec un ris pris, même pas de voile avant, on file à 7-8 nœuds, ça devrait être ok pour la nuit. Je souhaite qu’elle soit aussi zen que la précédente. Pas de coucher de soleil majestueux ce soir, il disparaît derrière les nuages. Il se couche avec 20 minutes de « retard » par rapport à hier, et la lune se lèvera 30 minutes plus tard. Deuxième nuit en mer … j’espère que les humeurs demain ne nous le feront pas regretter … je dois dire qu’avec le manque de sommeil, on devient vite électriques tous les deux.
Lune rousse dans un ciel outremer violacé …
Le vent est monté jusqu’à 30 nœuds, la mer est bien creusée, la houle arrière rend le bateau instable, mais ça va, on tient, plutôt bien. Les quarts se suivent et se ressemblent, le cadre défini dont j’ai besoin se confronte à la flexibilité et l’adaptabilité de Hervé qui pense toujours au bateau (alors que moi si je peux gagner une heure de sommeil, ça compte), on reste pantois devant ces côtes malmenées par une architecture et un urbanisme peu élégants, ces côtes où les gens s’entassent dans une densité invraisemblable, en ville et à la plage. En dehors des villes, la côte est désertique, pas de végétation, c’est plutôt montagneux, les différents pans offrent des dégradés de bleu assez sympa. Malaga pointe son nez, ses grues, ses paquebots qui déversent leurs hordes de touristes, et aussi sa vieille ville adorable, c’est chouette qu’on s’y arrête.
27 septembre … on est arrivés hier de notre longue traversée depuis Formentera, vers 13h30. Après 340 miles, 41 heures de moteur appuyant les voiles et 50 heures et des brouettes de veille / sieste / tête qui dodeline constamment / veille / sieste / bouffe /… Depuis qu’on est à terre, eh b’en comme je pouvais m’en douter, l’humeur est maussade, les susceptibilités exacerbées, la fatigue cumulée ne nous va pas. On doit en apprendre quelque chose et faire autrement les prochaines fois, sinon ça ne va pas être agréable du tout. Tout énerve Hervé (me semble-t-il), tout m’énerve facilement. Ou me fait peur. Bref, c’est pas le pied. Je sais que c’est lié à la fatigue, mais justement, comme on est fatigués, c’est chiant et lourd à supporter. Ca va passer … Ce matin on s’est fait 50 km en vélo pour aller récupérer les poêles que Hervé avait commandé. (Le trajet initial indiquait 19km pour l’aller, une heure de pédalage, c’est chouette ! on y va joyeusement) 10 minutes après notre départ j’étais déjà en pétard contre lui (pour un tout petit moment), car il roulait comme un sagouin, slalomant au milieu de la circulation (il a un peu tendance à oublier qu’il n’a pas de carrosserie autour de son vélo, et que s’il tombe, c’est lui qui aura mal, pas la voiture qui lui sera rentrée dedans !!), voulant nous faire prendre des routes à 2 ou à 3 voies (bien sûr !!!) et râlant puisque je n’étais pas d’accord et que je ne roulais pas assez vite .. enfin bref, énervée la fille, et apeurée, oui, parce qu’on mettait nos vies en danger inutilement ! la doctoresse du CHUV nous a bien dit : 80% des accidents en voyage ont lieu sur la route … ! on le sait. Alors on les évite … ou on fait ce qu’il faut pour les éviter … On a visité du coup des endroits pas forcément jolis comme les banlieues commerciales ou industrielles, mais aussi deux stations balnéaires assez particulières et surtout assez moches (à notre goût) : Torremolinos et Benalmadena .. une marina construite par Gaudi, mais vraiment sans le charme de ce qu’on a pu voir de lui à Barcelone … Intéressant, urbanisme et architecture laids à souhait, balade qui nous a fait du bien après le manque d’activité de la traversée. Mais les humeurs sont encore maussades, la soirée chacun dans son coin, ça ira mieux demain ! bonne nuit les petits …
28 septembre, on a décidé de prolonger notre halte à Malaga d’une journée pour pouvoir zoner et profiter !! j’ai commencé par prolonger la nuit jusqu’à 10h30, ça faisait un bail que ça ne m’était pas arrivé ! Mmmh, ça fait du bien, la journée sera plus facile. Puis on continue un peu chacun dans sa bulle, Hervé bricole sur le bateau, je pars me balade et croquer quelques lieux, me perdre dans les ruelles malageñiennes, visiter sa cathédrale surnommée La Manquita (la manchote, car il lui manque une tour), l’Alcazaba, les plaza variées portant toutes des noms qu’on brandit comme un étendard « Libertad » « España » « Constitucion » « Mayor » « Du Siècle », … et humer les humeurs de la ville, le nez en l’air et les yeux dans les étoiles … faire crisser les roues du vélo sur les pavés lisses et blancs du vieux centre-ville. On range le bateau ce soir, car demain départ à 8h … et ça prend toujours du temps de tout faire pour être prêts à partir !
Samedi 29, on « roule » sur Gibraltar, ligne droite, pas de vent, 2 nœuds de courant portant dans la bonne direction, ce qui fait qu’on avance vite. C’est marrant, de temps en temps on croise une ligne de courant contraire, et la mer change complètement d’aspect sur quelques centaines de mètres … des petits moutons se lèvent, des vagues surgissent inopinément, indépendantes de tout vent ou de tout bateau, les mystères de l’eau. Arrivée au pied du gros rocher en zigzaguant au milieu des tankers, cargos, gaziers, et autres gigantissimes plates de tôle et d’acier, équipées de machineries fumantes, transportant des containers par centaine … c’est toujours impressionnant ce spectacle. On est dans une marina espagnole, toutes les marina de Gibraltar sont complètes. Du coup on file en vélo à Gibraltar pour chercher des guides sur les Canaries, et on découvre une ville toute éteinte, tout ferme à 17h … alors qu’en Espagne la vie commence à cette heure-ci … Pour aller à Gibraltar depuis le bateau, on doit traverser LA piste de l’aéroport, c’est assez particulier comme impression de se retrouver au milieu du tarmac, rien devant, rien derrière, juste la mer à chaque extrémité. Dernière soirée à savourer les ambiances espagnoles et les délices variés des tapas, ce soir ils étaient particulièrement bons !
Et demain : nous quittons l’Europe, nous partons à la découverte des côtes nord-africaines. Notre premier port : Tanger. Nous avons hâte. Nous allons enfin attaquer la partie inconnue de notre voyage, sortir des sentiers battus, et vivre chaque jour quelque chose de nouveau.
Bisous doux à vous toutes et tous !
quel récit, on s ‘y croit et on partage votre quotidien…la vie quoi! Bon courage pour la suite et bonne découverte de l’Afrique
Génial de parcourir ces lignes, de quitter la terre ferme et de vous rejoindre le temps d’une lecture sur le pont de Myriades….
J’ai aussi beaucoup ri 😊
On attend la recit du Maroc avec impatience
Bisous !!
Merci ! Récits très agréables à lire ! Très bien écrit !
Gros bisous 😘
Merci de nous faire partager ce que vous vivez !
C’est très agréable à lire !
😘😘😘
Très bel article et tellement proche de notre réalité à nous aussi! 😉 si on se croise aux Canaries, je propose d’envoyer Éric et Hervé se balader en vélo pendant que nous ferons du yoga sur le pont! Hâte de lire la suite de vos aventures!
coucou, très réaliste ce récit ! le récit de cette traversée entre somnolence , t^te qui dodeline , on s’endort 2′ puis on somnole et ça recommence , j’ai tôt ressenti en te lisant !!!
bisous, bisous