Je vous ai mis l’eau à la bouche il y a quelques jours, quand nous étions encore à Fatu Hiva : je voulais vous faire découvrir l’art du tapa.

Depuis toujours, les marquisiens ont su tirer intelligemment leurs ressources de Dame Nature, et ce sont les arbres locaux qui leur ont offert leurs premières étoffes.
Banian, bois de rose, mûrier et caoutchouc, ces quatre essences poussent de manière prolifique, et acceptent qu’on leur coupe le tronc et les grosses branches de temps en temps pour en retirer l’écorce. Elle sera transformée en tissus ou en papier. Les branches repousseront à la prochaine saison, et dans les petits villages marquisiens, Hommes et Nature savent cohabiter intelligemment pour préserver les ressources.

J’ai rencontré Solange, qui m’a fait le plaisir de me montrer et m’expliquer comment les choses se passent.
L’artisan part à la cueillette régulièrement dans la vallée ou sur les flancs des pentes escarpées, à la cueillette de troncs d’arbre et de branches au moins du diamètre d’un bon bras.
Une fois le tronc épluché, on retire de l’écorce sa première couche extérieure, et on conserve la couche du milieu (l’équivalent du derme de notre peau).

Ce morceau d’écorce nu est ensuite battu, battu, battu, tapé, tapé, tapé, tapa … avec un battoir en aito, l’arbre de fer polynésien.
Le battoir est un parallélépipède rectangulaire, dont les faces sont gravées de lignes longilignes, plus ou moins espacées selon la face. Ce qui permet d’affiner l’étoffe.

On l’essore régulièrement puisqu’il recrache son eau, on le tape à nouveau, et au final, on obtient une feuille souple de fibres d’arbre, qui peut mesurer à peu près 3 fois sa surface originelle.

 

 

Les traitements ensuite diffèrent selon les artistes : certains pans de fibres prendront des bains de gingembre (pour faire jaunir la fibre), parfois des bains de citron (pour la faire blanchir), d’autres sècheront simplement au soleil.
D’autres artisans leur feront prendre un bain d’amidon avant de les sécher au soleil, pour obtenir des feuilles plus faciles à dessiner, plus “raides”.

Traditionnellement, les marquisiens utilisaient différentes baies pour en faire des teintures, mais aujourd’hui, les artistes préfèrent utiliser l’encre de Chine, voire les teintures pour tissus. C’est moins glamour et moins authentique, mais c’est plus pratique.

Les résultats sont très variés, et dépendent vraiment des qualités artistiques de chacun. Souvent, ce sont des suites de symboles marquisiens qui ornent les tissus, mais parfois ce sont des cartes maritimes, des guerriers, des baleines et autres motifs selon les inspirations du moment.

Un artiste que j’adore particulièrement : Jean Oberlin. Alsacien vivant à Hiva Oa depuis plus de 30 ans, BDiste de formation, il allie ses différents talents pour offrir des œuvres splendides. Malheureusement, il a pris sa retraite récemment et ne crée plus de tapas …

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