Quand on fait quelques petites journées de nav pour changer d’atoll, et quand on navigue en général, on ne fait pas grand chose à bord … Hormis subir le mouvement de la mer, qui n’est pas toujours confortable.
Alors dans ces moments, on fait appel à d’autres sens et d’autres comportements … on ralentit, on observe, on rêve, on flemme, on somnole, et surtout laisse nos sens nous porter, et on s’amuse à les solliciter les uns après les autres, les uns sans les autres (par exemple, naviguer les yeux fermés permet d’être beaucoup moins sujet au mal de mer).
Et il y a un sens que j’aime tout particulièrement en mer, hormis le plaisir de l’évasion par le regard, c’est mon ouïe … j’adore essayer d’identifier tout ce que j’entends autour de moi. Et ça peut donner ça :
Au loin, la houle qui lèche la barrière de corail
Tout près, à 3-4 mètres de moi, l’eau qui chuinte à l’arrière du bateau, qui file en vague d’étrave, et qui se reflète dans la coque du zodiac perché au-dessus de la jupe arrière
À ma gauche, le battement de la sangle du taud qui faseye dans le vent
Quelque part autour de moi, les “Hop” de Hervé qui ponctuent ses activités, et ses questions pour lui seul à voix haute « … est ce que je lui mettais un émerillon à cette ligne ? … »
Le grondement sourd de la mer qui se rapproche du rivage et qui déferle dans la soupe de corail
La lune dans le ciel, silencieuse
Le Poc d’un outil reposé sur la table
La vibration du vent dans l’air
Le génois dont le flapflapflap nous indique que l’angle du vent change
Les vagues qui viennent lécher la coque et rebondir plus loin
Le bruit particulier de la canne à pêche quand on vérifie si le fil est assez tendu, une sorte de crissement assez doux
Le Bip du pilote automatique à qui on vient de faire prendre 10 degrés
Le cliquètement du winch quand on borde le génois
Le Clap du taquet qu’on referme sur l’écoute
Le moteur du winch électrique pour border la grand voile
Et toujours au loin la mer sur le corail, et l’eau qui chante à l’arrière du bateau
Le petit clic de la poignée du frigo qu’on ouvre, et le reclaclac du frigo qui se referme
Le soupir de satisfaction après une gorgée d’eau fraîche
Le craquement de la première marche de l’echellescalier de la descente
Le verdict du Capitaine « 7.2 noeuds, avec 12 noeuds de vent, il marche carrément bien le bateau là »