Notre pause hivernale nous a permis de recharger les batteries familiales et amicales, de regoûter à toutes les gourmandises locales, de savourer de longues soirées bien entourés, de profiter de la diversité de la nature et des paysages, de faire le plein de beaux moments de partages et de créer nos souvenirs d’avenir. Ces moments de vie sont précieux, nos amitiés terriennes sont essentielles à nos vies, ces partages sont le terreau de notre avenir, nos ancres à terre, nos repères dans le futur. Immense et infinie gratitude envers tous nos proches et nos amis, qui comprennent et acceptent nos choix, et continuent à nous accueillir lorsque nous rentrons à terre. Merci à vous, merci à toi, merci à eux, du plus profond de nos cœurs.
Nous avons profité de l’hiver aussi pour faire nos démarches administratives afin obtenir notre visa pour monter en Alaska, et les ricains nous ont fait revoir notre plan de route … car … Car quand on entre aux USA par un transport commercial, il suffit d’un ESTA. Lorsqu’on veut se rendre à Hawaï, Kodiak ou n’importe quelle autre destination sur territoire US avec son propre moyen de locomotion, il est nécessaire d’obtenir un visa B1B2. Et en période de Covid, ces démarches prennent du temps, voire n’aboutissent pas. Les rendez-vous pris à l’ambassade ont été repoussés moulte fois, ce qui nous finalement décidé à revoir notre plan de route. Continuez vers l’ouest, direction la Nouvelle Calédonie et oublier nos envies d’Alaska ? repartir vers le sud pour goûter à nouveau aux joies de la Patagonie ? Finalement, notre désir d’Alaska s’est fait entendre le plus fort, et nous avons donc décidé de prolonger la vie en Turquoisie le temps d’obtenir notre fameux visa B1B2 à notre prochain retour au pays des fromages. Au final, les ricains nous ont octroyé le précieux sésame juste avant notre retour au bateau, mais nous maintenons notre décision : Alaska en 2023 (normal, ça rime).
Ce qui veut dire que pour cette Saison 4, nous allons prendre le temps (eh oui, vraiment) de découvrir et redécouvrir cet immense territoire qu’est la Polynésie. C’est la première fois de notre voyage que nous décidons de « nous poser là » et que nous ne courrons pas après le temps ou une destination à tout prix. Le vent nous portera, les envies poindront le bout de leur nez, et on avisera. En même temps, le territoire est vaste, et ce n’est pas comme décider de naviguer dans le triangle Marseilles-Nice-Porquerolles, non non, on est à une autre échelle ! Entre Maupiti et les Marquises, il y a juste 1800 km de distance !! Donc au programme cette saison : remettre le bateau à l’eau à Apataki (Tuamotu), aller découvrir les Iles de la Société entre avril et début juin (tout à l’ouest de la Polynésie), revenir sur les Tuamotu de juillet à septembre, puis monter aux Marquises en octobre pour la fin de la saison.
Retour en Europe en décembre, puis à nouveau aux Marquises début mars pour la suite de la visite, et après c’est départ sur Hawaï début mai, puis départ pour l’Alaska début juin … Mais ça, c’est pour la Saison 5 … Mais au fait … j’avais signé pour combien de temps moi ? J’ai dit oui pour 3 ans, et nous voilà sérieusement hors des clous ! bon Covid nous a quasi mis un an dans la figure, mais quand-même … Mais Alaska quand tu nous tiens, si vraiment c’est « encore mieux que la Patagonie », alors d’accord, on y va, ça vaut le détour et le détournement des plans initiaux.
Ce premier article de la saison 4 nous ramènera (et vous avec) sur des étapes déjà parcourues, alors il sera plutôt au format « journal de bord ». Et puis dès que nous rattaquerons la découverte de nouveaux atolls, je leur dédierai des articles rien que pour eux !
24 avril, Toau. Retour à la vie de nomades des mers
Ça y’est, nous voilà repartis pour un nouveau tour de calendrier au rythme du vent, de l’eau, des astres et des éléments naturels.
De retour dans les Tuamotu le 8 avril, nous avons remis le bateau en état de marche au chantier de Apataki, et il a retrouvé sa flottabilité depuis quelques jours. On a quitté ce petit atoll des Tuamotu hier matin pour une première petite nav en direction de Toau (juste à côté de Fakarava) où nous avons dormi hier soir, au lieu-dit de l’Anse Amyot. Retour au milieu de l’aquarium, malheureusement avec une eau très chargée et donc peu de visibilité.
Cette première navigation nous a permis de retrouver nos marques (y compris pour moi de me faire une petite sieste à peine la passe franchie, histoire de m’amariner en douceur), de vérifier que tout fonctionne bien à bord, qu’on ne prend pas l’eau et que le mât tient bien avec ses nouveaux bas-haubans remontés par nous deux, néophytes en compétences de gréeurs et néanmoins confiants.
Donc ‘ti rhum hier soir pour fêter cette première, et magnifique spectacle là-haut dans le ciel ; couchés sur le pont dans la douceur du soir, au son du clapotis léger contre la coque, nous avons rêvé les yeux ouverts en observant cette Voie Lactée incroyable, ces myriades d’étoiles qui n’étaient pas filantes, même si nos vœux étaient prêts.
Aujourd’hui, on a longé l’atoll un bon moment sous 12-13 noeuds de vent, Myriades naviguant à 7 bons noeuds. C’est chouette de constater que ça vaut la peine de lui frotter longuement la coque à coup de papier de verre, et de lui caresser sa peau d’alu avec nos rouleaux à peinture !! On gagne en vitesse !!
On est rentrés dans l’atoll de Toau portés par un mascaret assez remuant, et puis le vent s’est calmé une fois arrivés au mouillage.
Une petite sieste plus tard, on s’est équipés pour aller tester notre nouveau jouet : le wing foil. Collants, t-shirt à manches longues, chaussons, gilet d’impact, casque, gants, … eh oui, tout ça me sert à nous protéger du foil qui est hyper affûté et potentiellement tranchant. Comme les premières fois sont synonymes de chutes nombreuses, on préfère se protéger 😉 C’est qu’elle est toute petite la planche, et hyper instable !!! Et alors résultat des courses et des nombreux essais (pour l’instant on se tracte derrière le zodiac, on ajoutera la voile plus tard !!) : je réussis à voler à genoux sur la planche, à gérer à peu près le décollage et l’atterrissage, et puis aussi la direction de ma planche :-)) Troooop fière la miss !
Mon chéri a réussi lui aussi à planer un moment, mais il n’a pas encore tenté de se mettre debout sur le flotteur ! Je vous promets que c’est casse-gueule …
Donc voilà pour tous ces débuts, et ce retour à la vie de marins en Turquoisie, on va bien en profiter, promis !
25 avril 2022, Toau. Ça y’est, on peut dire qu’on est seuls au monde … ou presque
A Toau donc, à l’intérieur de l’atoll ; tout à son Est, la barrière de corail forme deux coins-angles. On est à celui du Nord. Seuls puisque nous avons choisi de ne pas nous mettre sur l’un des cinq corps-mort installés l’hiver dernier par la commune de Fakarava.
On mouille loin des quatre autres bateaux car demain nous ressortons les kites !!! Un bon vent est annoncé pour 3 jours, et on a bien l’intention d’en profiter ! Hervé a installé cet aprem tout ce qu’il faut pour qu’on puisse partir du bateau et revenir en bateau sans aller à la plage pour gonfler les voiles. On se réjouit !!
Donc on est tout seuls avec l’anneau de corail derrière nous qui nous protège de l’océan, les derniers cocotiers qui nous protègent un peu du vent, l’ancre bien posée sur le fond sans patates et sa chaîne ornée de bouées, et partout autour de nous, à 270 degrés, juste l’eau et le ciel … un petit motu qui émerge de l’horizon, une vague et son écume qui s’élève au loin, le soleil qui se précipite pour un dernier bain, quelques nuages qui déversent leur rideau de pluie pas loin, c’est calme, c’est tranquille, c’est serein.
J’ai retenté de voler sur la planche de wing aujourd’hui, toujours sans voile, et je dois dire que la sensation de glisse-vol est assez kiffante !!! C’est tellement agréable de voler au-dessus de l’eau, c’est tout doux, c’est fluide, c’est glissant et complètement grisant … j’ai hâte de réussir à me tenir debout la voile dans les mains pour explorer cette sensation encore et encore. Mais il va falloir que je me casse la figure un certain nombre de fois … et les chutes sont parfois violentes. Un peu mal à la nuque …
On est allé se balader à terre aussi, et on a rencontré Wallis, pomotu qui vit tout seul ici sur cette bande de corail, et qui travaille le coprah (récolte de la noix de coco). Son terrain est super bien entretenu, propre, il est adorable et super accueillant. Il essaie de faire pousser un peu de légumes et des papayers, mais ça semble laborieux. Par contre sa pocoloco (herbe à fumer locale) se porte bien, haha … Il nous raconte qu’il était absent ce week-end car il est allé voter. C’est toute une expédition pour lui d’aller voter à Faka, il n’a pas de bateau qui lui permet de prendre la mer, il doit se débrouiller avec les pêcheurs du coin pour qu’ils viennent le chercher ; et ce n’est pas la porte à côté, il n’y va pas en allant acheter sa baguette de pain dimanche matin. Il a tout de suite voulu savoir si on avait les résultats des élections … un peu déçu quand-même quand on lui a mentionné le nom du victorieux. Ici Madame LP a reçu 60% des votes. Mais bon élève et content de pouvoir exprimer son opinion, c’était important pour lui d’assumer cette responsabilité, indépendamment des idéaux des uns et des autres.
Je dois dire qu’on n’a pas vraiment encore osé aborder les questions politiques avec les gens qu’on rencontre par ici, c’est souvent sensible et délicat, mais ça m’intéresse bien de comprendre quels sont les arguments qui les ont séduits chez l’une ou l’autre des candidats. Je vais ouvrir un peu la porte la prochaine fois …
26 avril 2022, Toau. On sait encore faire du vélo !!
Trop cool, on a remis la planche de kite à l’eau, la voile de 12 m2 pour Hervé et la 9 pour moi, et on a pu constater avec un immense plaisir que c’est comme le vélo, ça ne s’oublie pas, on sait encore faire !!!!
Hervé a commencé juste après un grain où l’anémomètre était monté à 27 nœuds, et il a pu kiter entre 17 et 23 nœuds, tout parfait avec sa grande voile ! Quel plaisir de le voir filer à nouveau sur l’eau turquoise, et jouer entre les bancs de corail et l’eau profonde, sa voile rose dans l’air bleu 😉 Il s’est mis à l’eau en disant « oh mon dieu c’est froid !! » et puis il a retrouvé le plaisir de la glisse tout de suite. On n’a aucune idée de la température de l’eau, mais comme l’air est à 30, l’eau doit être à 25-26 … pas de quoi se plaindre !!!
De mon côté, j’ai attendu que le vent se calme un peu (je suis plus à l’aise entre 13 et 18 moi), puis on a gréé la 9 m2, et à mon tour, j’ai retrouvé les sensations trop bonnes de glisse, du jeu avec le vent, et puis comme on est au bout du lagon, on peut vraiment aller naviguer dans presque pas d’eau, donc presque pas de vagues, et ça c’est le bonheur ! Eau turquoise et presque transparente par endroits, l’ombre de la voile nous précède sur la trajectoire, et m’inquiète parfois : le sentiment qu’un requin se balade dans le coin … , les dégradés entre l’outremer au loin et le turquoise fluo sous la planche, c’est le kiff total !
Demain on va changer de mouillage, remonter près de la passe, pour kiter sur un autre spot, et puis voir si on arrive à aller dire bonjour à Palmer, un autre bonhomme du cru, pour faire sa connaissance. Il semblerait aussi qu’il cultive quelques légumes et fasse courir quelques poules, alors c’est toujours intéressant d’aller acheter des denrées fraiches locales quand il y en a … on vous racontera …
Changer de mouillage demain, ça nous permettra aussi de passer devant la passe et voir à quoi elle ressemble au petit matin (b’en oui, c’est toujours une grande question par ici de savoir si la passe est praticable ou pas … et celle de Toau est réputée pour chahuter sérieusement selon la mer, le vent, la houle … certains bateaux sont restés coincés 15 jours dans l’atoll sans pouvoir en sortir …), parce qu’on va partir normalement après-demain de très bonne heure pour filer sur Raiatea (îles de la Société, on change d’archipel). 330 miles au compteur en ligne droite, donc entre 55h de nav si on avance à une moyenne de 6 nœuds, et 67h si on avance à 5 nœuds de moyenne … le vent est annoncé jusqu’au 29 fin de nuit, soufflant d’Est, donc tout parfait. Après, il tombe ! boum.
Mercredi 27 avril, Toau, mouillage de la passe du milieu. On a fait du repérage … ça remue ça remue à la passe !
Donc on s’est levé tôt ce matin pour être à la passe à 8h, pour voir à quoi elle ressemble avec ce bon vent nord-est, cette mer formée bleu outremer bien intense qui se presse et veut s’engouffrer à la passe principale du lagon et qui pousse qui pousse pour pouvoir y rentrer et le remplir … et comme il est déjà très plein, il veut se vider, et se précipite à la rencontre de cet océan impétueux …
Donc résultat des courses : le mascaret est là, et nous domine du haut de ses courtes vagues (peut-être 2m de creux, c’est pas tant que ça, mais elles sont les unes derrière les autres, rapprochées comme les barreaux d’une échelle pour monter au grenier), ce qui nous fait renoncer à la sortie du lagon à 8h du mat.
Après nos observations matinales, on s’est faufilés entre les nombreuses patates de corail pour rejoindre notre mouillage (déjà fréquenté à notre dernier passage) où on avait pu bien kiter. Mais là dommage, le vent n’est pas du tout établi correctement. Très rafaleux et mal orienté, ce qui fait que Hervé n’a pas tiré de nombreux bords (et moi pas du tout, trop de vent à mon goût).
Donc on est partis à la rencontre de Palmer, l’homme du cru dont Wallis nous avait parlé. Pour un homme du cru, il n’est en fait pas complètement d’ici et ça se voit : il est plus grand que Hervé, plutôt svelte, les yeux clairs, avec un accent pas totalement polynésien … Et puis d’ailleurs Palmer c’est pas son prénom … Il s’appelle Morton et flirte avec le milieu de la soixantaine. Grand sourire accueillant et les yeux bien plantés dans les nôtres, il nous invite à venir s’abriter du soleil chez lui et nous offre un grand verre d’eau fraiche. Métis anglais-pomotu, il est né en Australie, a vécu à Papeete, a étudié en France, puis s’est installé en Australie qu’il a quittée en 2008 pour se lancer dans la perliculture avec ses frères dans un atoll du nord des Tuam.
Quand ils ont investis dans la perle, leurs efforts ont payés pendant 6-7 ans, avant d’être totalement anéantis par une prolifération soudaine d’algues vertes, qui ont entièrement étouffé le lagon de l’atoll où ils étaient installés. Leurs 120’000 nacres sont mortes en l’espace de 6 mois, de même que presque toute la vie sous-marine du coin : les poissons, les crustacés, tout. Quand on parle de changements climatiques, en voilà un exemple concret : deux années sans alizés, donc beaucoup moins de brassage de l’eau lagonnaire, moins d’oxygène, la température de l’eau qui se réchauffe, une année El Niña, et paf, les algues en ont profité pour proliférer, ruinant totalement l’économie locale.
De fil en aiguille, on apprend que ses 3 enfants vivent encore en Australie, sa femme aux USA et lui ici 6 mois par an. Il prépare l’arrivée de toute la famille pour la période des vacances et s’occupe aussi de tous ses chantiers locaux : réaménager le poulailler de ses 70 pondeuses (donc 70 œufs frais par jour !), finir de monter l’enclos de ses 2 chèvres, creuser un puits pour récupérer l’eau saumâtre directement dans l’habitat de Francine et Miss Tahiti, ses deux truies (qui boivent 200 litres en 3 jours ..) et qui accueillent en ce moment le cochon du voisin pour quelques ébats productifs, nourrir ses poules « à viande » 2 fois par jour, préparer son engrais naturel (gangue des noix de coco broyée, fientes de poules, restes de légumes, feuilles broyées, …) pour remettre son potager en route (tomates, haricots, pota (équivalent du pack choï), choux, salades, herbes à manger et à fumer) ainsi que ses « fruitiers » papayers, figuiers, citronniers.
Et quoi d’autres dans les travaux en cours ? installer un hangar pour tout son matériel (soit dit en passant, il est super bien équipé, il a même un tractopelle … ), repeindre son antenne wifi, tamiser la terre pour le potager, monter les panneaux solaires (quand ils arriveront …) pour être encore plus autonome en énergie et en eau, en installant un dessalinisateur. A ce jour, il ne compte que sur la pluie pour boire et se faire à manger, et ses douches. Ces deux dernières années, il n’a pas plus pendant les 4 mois de l’hiver … donc l’approvisionnement en eau est parfois tendu …
Sa maison est en fait une dalle de béton dans laquelle sont plantés des troncs qui soutiennent une toiture en tôle inclinée de manière à récolter la pluie. Pas de murs, pas de fenêtres, tout est grand ouvert, et il peut baisser des toiles pour s’isoler un peu en cas de fort vent ou trop de soleil. Tout est installé à un mètre de hauteur du sol, sur des grandes étagères, et stocké dans des caisses en plastique bien fermées. Sur l’avant de la maison, son établi et ses outils sont stockés à côté de son lit (qui est au centre de sa pièce à vivre) qui est lui-même à côté de la grande table accueillante, elle-même à côté de l’évier et du fourneau. A l’arrière de la maison, derrière les étagères de stockage : les citernes de récupération de pluie, et puis quelques marches pour « descendre » au jardin. Il a rehaussé la surface où est construite sa maison car le terrain est parfois inondé. Il a appris de ses expériences aussi à cultiver son potager en hauteur, dans des bacs, et à installer tout ce qui est précieux loin de la mer. Il nous a dit que Toau est un atoll plus bas que les autres atolls, à peine 1 mètre au-dessus du niveau de la mer. Donc évidemment, quand la houle du sud-ouest fait monter le niveau dans le lagon, la langue de corail et de terre se retrouver très vite immergée … Et puis comme il vit seul sur son terrain presque tout le temps quand il est là, il s’est aussi installé une chambre côté océan, comme ça il dort toujours du côté du vent, sans moustiques. Sa chambre côté mer : une plateforme en bois, un toit de tôle, un rideau pour couper un poil le vent, et un matelas en mousse posé à même le sol. Oui, c’est rudimentaire. Mais il le dit lui-même, il n’a jamais été aussi heureux que ces trois dernières années, depuis qu’il passe la moitié de l’année ici.
A voir la façon dont sa maison et son terrain sont aménagés et entretenus, on sent que c’est une personne qui n’a pas tout lâché de sa vie de métropolitain, et qui n’est pas tombé tout entier dans le chaudron polynésien. Perso, je pense que c’est pour ça qu’il y est bien. Il n’est pas prisonnier de ce paradis.
Et puis avec Morton on a aussi parlé de la passe évidemment … il nous recommande de la prendre à l’étale de la marée haute, et de passer par la petite passe plutôt que la principale, ce qui devrait nous voir sortir de l’atoll demain vers 14h … Et si la passe nous semble toujours aussi hostile, eh bien nous reviendrons faire quelques bords de kite en attendant que le temps se calme.
Voilà voilà pour quelques news locales, au rythme des grains qui se succèdent. Le vent passe de 15 à 30 nœuds plusieurs fois par heure, ce n’est pas l’idéal. Mais c’est comme ça. Donc on passe notre temps à ouvrir et fermer les hublots. Comme d’hab, quoi, haha …
Jeudi 28 avril, Toau. On est passé !!!
Vu le vent ce matin, et l’état de la mer qui venait se fracasser sur le reef, moi je n’étais pas confiante … depuis hier soir, les grains passent et repassent les uns après les autres, le vent est établi autour de 18-20 nœuds, et monte jusqu’à 27-28 sous les grains, plein Est. La passe est orientée de telle manière que non seulement on a les vagues et le courant dans le nez, mais le vent aussi. Ça me rajoute un certain stress.
Donc après le petit bord de kite du matin du Cap, on a préparé le bateau et on est allé se présenter à la petite passe, pour voir à quoi elle ressemblait, tout en observant la passe principale à la jumelle. Les deux avaient l’air plutôt approchables. J’ai proposé à Hervé d’aller voir sérieusement de plus près la petite, et là, sans crier gare, voilà Morton qui déboule derrière nous à fond de train, grand sourire accroché aux oreilles dans son potimarara hyper puissant jaune flashy (il a juste 270 chevaux dans son moteur …), qui nous passe à côté en nous faisant des signes « ok, ok, suivez moi » … merci l’Univers de nous envoyer ce petit signe bien sympa et encourageant au bon moment ! Donc du coup on s’est engagés dans la petite passe sans même un regard pour la principale, et on a suivi Morton les yeux fermés en toute confiance. Lui a fait demi-tour, nous a confirmé que tout irait bien, et puis il a attendu gentiment à l’intérieur du lagon en faisant quelques ronds dans l’eau que nous ayons déroulé le génois pour prendre le vent, et lui, reprendre sa route. Merci ….
On s’est mangé quelques escaliers quand-même parce que la mer était bien formée et très remuante dans tous les sens, mais on a vite pu arrêter le moteur et filer sous génois à 7 nœuds et des poussières. Des talus de 3-4 mètres nous ont collé aux fesses sur tout le trajet, et le vent est resté stable entre 18 et 21 nœuds. Pas de poissons au bout des lignes de traine, mais un ballet d’oiseaux qui n’ont cessé de plonger sur nos leurres, tentant de les attraper pour les manger tout au long de notre route.
Et puis pour couronner notre chance du jour, on a à peine eu le temps d’arriver au mouillage de l’Anse Amyot, prendre la bouée et attacher les amarres aux chaumards que le vent nous a percuté avec ses 32 nœuds !!! Heureusement, les bouées viennent d’être installées et on est confiant dans la qualité du mouillage.
Donc départ prévu demain matin à 6h pour Raiatea, vent plein Est sur toute la route (plein Ouest) autour des 20 nœuds en début de nav, et proche des 5-10 nœuds à l’arrivée, donc il y a de fortes chances pour que la risée Volvo nous accompagne sur la seconde partie du trajet.
Quelque part en mer, le 1er mai. Nous voilà en mer depuis 49 heures, et presque arrivés !
Absence de mots pour me préserver des maux, puisque les premières journées ne sont jamais douces pour moi en mer.
Nous sommes partis avec un bon vent d’Est bien appuyé, qui faisait ses gammes entre 20 et 28 nœuds selon le passage de nuages, de grains, et puis juste des variations pour son bon plaisir. La mer elle était chahuteuse et joueuse, formée de talus de 3 petits mètres et de vagues de 1.5 à 2 mètres. Notre route plein Ouest nous a permis de faire de la balançoire pendant de nombreuses heures, de rouler d’un flanc sur l’autre, le nez montant sur la vague avant de redescendre pour que ce soit au tour du cul du bateau de suivre le mouvement … donc pas très agréable. Même le Cap n’était pas confort ! Mais pas de vrai mal de mer invalidant, c’est ça le plus important.
Donc les premières 24 heures ont été plutôt sportives, nous permettant d’avaler 160 miles d’un coup ! on avançait entre 7 et 10 nœuds Grand Voile en full à poste, et puis le Génois tangonné en papillon !!! Pas mal pour Myriades ! et puis après, le vent est parti en dégringolade tranquillement, la mer a suivi le mouvement en se calmant progressivement, et on finit la route au moteur depuis 7-8 heures (ETA dans 2 heures).
Au programme de cette traversée :
. un leurre « poulpe » parti avec le gros poisson qu’il intéressait, il faut dire qu’on allait très très vite !
. deux touches ailées, deux « no kill » : quand les hameçons trainent au cul du bateau, leurs petits reflets attirent les oiseaux pêcheurs, et on se retrouve régulièrement avec des fous plongeant à qui mieux mieux sur nos leurres pour essayer de pêcher « leur poisson » … résultat : ils prennent l’hameçon dans la patte, dans l’aile, dans le bec et on est obligé de les remonter à bord pour les libérer. Cette fois, une patte et un bec, sains et saufs. Et puis c’est trop marrant aussi de les voir se prendre le fil de pêche en plein vol, comme si on se prenait un lampadaire en marchant, c’est le même arrêt sur image rigolo, ils sont tout désorientés pendant 2 secondes, cherchent ce qui les a perturbé, et reprennent leur vol, l’air de rien.
. quelques grains mais pas méchants
. quelques centaines de pages lues (elle) et un certain nombre d’épisodes regardés (lui)
. des biscuits secs, du pain frais, des boites de conserve, rien de génial sous la dent, alors on se réjouit d’arriver à Raiatea pour aller faire des courses au marché et se faire un bon restau !! s’il y en a … ça reste à re-découvrir.
Mardi 3 mai 2022. Mouillage à Uturoa, capitale de Raiatea
Ce soir c’était Byzance !! restau de qualité à terre, plaisir de choisir parmi plusieurs propositions gourmandes, se mettre les pieds sous la table et profiter de l’instant, boire un bon verre de vin en se réjouissant de goûter à ces promesses épicées et délicates … mmmhh, un régal ! de quoi « rattraper » mon dîner d’anniversaire passé à Apataki, à manger le contenu d’une boite de conserve avec 2 tomates fraiches 😉
Nous sommes à Raiatea depuis 2 jours maintenant.
Hier a été dédié à remplir le frigo en allant faire un tour au marché (avocats, ananas, papayes, aubergines et citrons locaux) puis au supermarché (pota, salade, herbes fraîches, tomates, …) bonheur d’avoir à nouveau des produits frais à bord ! vous n’imaginez pas chez vous ce que représente le simple fait de manger une salade verte en Polynésie … ici ça n’existe que les 2 jours qui suivent notre visite au supermercado … donc c’est rare ! c’est du bonheur en barre !!! Tout comme la bonne baguette bien cuite, croustillante, dont la mie fond sous la langue … Une fois de plus, je ne parle que de bouffe …
Et puis bien sûr ce lundi au soleil nous a permis de profiter de cette eau turquoise et transparente pour nous rafraichir, parce qu’il fait sacrément chaud. Pas de vent, du soleil, ça tape ! Mais malgré ça, on a fait une folie hier soir … : on s’est mangé une fondue à bord ! les fous !!!! oui il faisait super chaud, oui il y avait un petit air dans la soirée qui nous a rafraichi, oui ce n’était pas le climat idéal, mais oui c’était tellement super bon … !!! bon, un peu lourds après ça, et dégoulinants, mais mmmhhh, c’était pas mal du tout.
Et puis aujourd’hui, on a décidé d’aller faire du vélo et de descendre jusqu’au marae de Taputapuatea (60 km aller-retour, peut-être un peu ambitieux pour une première balade …). Donc on a sorti les vélos de la cabine arrière, remonté les vélos (stockés séparément de leur roue avant), mis les vélos dans le zodiac, fait 5 minutes de zodiac à 4 (2 nous + 2 vélos) pour aller à quai, sorti les vélos du zodiac, cadenassé le zodiac et enfourché nos vélos.
Quelques 18 km plus loin, après une jolie balade sur une route plutôt en bon état, à admirer la végétation luxuriante autour de nous, à repérer qui vend quoi dans son petit stand au bas du jardin, et savourer le fait de pouvoir nous bouger les fesses tout en visitant, Hervé s’est arrêté sur le bord de la route pour constater que l’axe de son pédalier déconnait sérieusement … Quelques tours de roue supplémentaires nous ont fait faire demi-tour (axe cassé), et décidé de revenir à notre point de départ en faisant du stop.
Au bout de 10 minutes le pouce levé (pas beaucoup de véhicules pendant ce laps de temps…), on a été embarqués par une équipe de jardiniers municipaux qui revenaient du travail avec leur tracteur-tondeuse en remorque sur un pont roulant. Ils ont monté les deux vélos à bord, ont demandé à Hervé de monter sur le pont-roulant à l’arrière et moi m’ont gentiment invitée à monter dans la cabine et à m’installer entre le chauffeur et son acolyte … On a passé le trajet retour à discuter de tout de rien, à rire ensemble et à apprendre les uns des autres, c’était bon enfant et très sympa. Le chauffeur avait travaillé en France, et a des potes à Annecy et à Verbier notamment … une fois de plus le monde est tout petit même s’il est très vaste. Ils nous ont gentiment posé devant le magasin où faire réparer le vélo, qu’on espère récupérer vendredi en bon état de marche …
Donc voilà, un tiers du chemin parcouru seulement, mais un moment de vie sympa en plus au compteur.
J’écris au son des vagues qui viennent s’écraser sur le reef à côté de nous, qui nous berce gentiment ; on rigolait l’autre jour en se disant que c’est presque comme le bruit qu’on entend « en hiver chez nous dans les vignes » : le bruit de l’autoroute au loin, le train qui passe, la circulation, le traffic, le flux… ici c’est le flux de l’eau, c’est un peu le même ronron envoûtant.
Vendredi 6 mai 2022. Toujours au mouillage à Uturoa, capitale de Raiatea
Vendredi, c’est donc le jour où on est supposé récupérer le vélo de Hervé … sauf qu’on est en Polynésie … donc évidemment tout prend plus de temps. On a déjà la confirmation que la pièce maitresse de l’axe est cassée, le problème c’est qu’ici à Raiatea il n’y en a pas de similaire pour la remplacer. Donc le gars du shop doit faire des téléphones à gauche et à droite à Papeete pour savoir si qqun a cette pièce … ça veut dire en tout cas pas de vélo à nouveau en état de rouler avant la semaine prochaine. Si tout va bien. Sinon, il faudra attendre que Hugo arrive en juillet pour qu’il apporte la pièce de rechange … pfffffff.
Donc plus de vélo. Et toujours pas de kite puisque pas de vent. Le lagon ressemble à un lac, parfois la surface est aussi lisse que … que quoi d’ailleurs … qu’une flaque d’huile. C’est d’un calme incroyable, avec toujours en fond le bruit des vagues pacifiques qui tentent de grimper sur la barrière de corail. L’eau -salée- est douce, belle, limpide, transparente. Il faut dire qu’on a à peine deux mètres sous la coque ! Lorsqu’on tend le bras au-dessus de notre tête et qu’on met les pieds dans le sable sous le bateau, l’eau nous monte jusqu’au milieu de l’avant-bras.
La mer abrite peu de poissons par ici, mais dès qu’on se rapproche de la barrière, alors là resurgissent toutes les espèces connues des amateurs de snorkeling : les pyjamas noir et blanc, les demoiselles bleu-lapis-lazuli hyper flashy, les chirurgiens gris-clair et jaune, les petits tout jaune, les murènes tachetées, les poissons-coffre, les balistes picasso, les mérous marbrés, les aiguilles bleu électrique, les demoiselles bleu clair qui nagent en nuage autour de leur patate de corail, et qui au même instant se précipitent toutes ensemble pour se mettre à l’abri dans les ramures du corail, comme si le nuage de poissons se contractait, si le poing se refermait, c’est assez magique. Et puis ce matin, au détour d’une patate, je me suis retrouvée nez à nez avec une tortue derrière mon masque. Instant suspendu, magique. Sur le chemin du retour, j’ai croisé deux raies pastenague, une raie léopard, et un requin pointe-noire d’un bon mètre cinquante … je ne suis jamais tranquille quand ils nagent près de moi ceux-là !!!
Dans nos essais des derniers jours, il y a toujours nos tentatives de nous faire tracter debout sur notre planche de wing, et de voler … je peux vous dire qu’on tombe et qu’on tombe et qu’on retombe à l’eau, sans cesser de remonter sur la planche. On arrive bien à voler tous les deux maintenant à genoux (mais on tombe encore !) et on commence à pouvoir dire qu’on contrôle la montée et la descente, le slalom derrière le zodiac, mais qu’on a encore une énoooorme marge de progression ! on a plus la sensation d’être sur un cheval de rodéo qu’une planche de wing.
On a fait la connaissance d’un couple très sympa à bord de Maé, qui sont en début de soixantaine tous les deux. Ils ont passé le confinement à Fakarava, et ont décidé pour s’occuper d’apprendre à kiter. Eh bien chapeau bas à ces deux-là, parce qu’ils ont aligné les heures et les heures nécessaires pour apprendre à gérer leurs voiles, et sont maintenant à un top niveau. Ca fait 30 ans que ce couple baroude entre terre et mer, par ici et par là selon les envies et les vents, et ça fait maintenant 4 ans qu’ils sont en PF. Ils vivent en gros 6 mois par an sur le bateau, et 6 mois en balade à terre. Ils ont fait l’Asie en moto, la Gaspésie en vélo en décidant de vivre avec 2 euros par jour, la Careta Australe en vélo en 5 mois (Chili, de Santiago à Punta Arenas, et Argentine de Ushuaia jusqu’à Buenos Aires), ils ont navigué en Afrique et partout un peu autour de la planète.
Comme ils se sont mis au kite il y a un an, ils étaient un peu interpelés de voir notre matériel de wing, et du coup se sont rapprochés de nous pour en discuter, et de fil en aiguille, ils se sont retrouvés eux-aussi sur la wing pour essayer d’apprendre à dompter cet engin pour pouvoir décider s’ils en mettent un à bord de leur bateau ou pas … C’est vraiment des mordus, ce matin ils sont revenus pour essayer encore et encore, c’est trop chouette. Parce qu’en fait par ici, il y a peu de personnes qui font des activités nautiques. Chacun est sur son bateau, part se balader un peu à terre, mais les gens semblent assez inactifs.
Mardi 10 mai 2022. Maupiti, au mouillage à gauche après la passe
On a regardé la météo dimanche soir dernier, et on a décidé de lever l’ancre lundi matin pour filer découvrir Maupiti, l’atoll le plus occidental de l’archipel des Iles de la Société (Iles Sous Le Vent). Le vent est annoncé à partir de mardi, mercredi, et ça nous tente bien d’aller kiter dans un lagon qu’on ne connaît pas encore, et qui est parait-il très beau.
Un dernier petit tour lundi matin tôt au village d’Uturoa nous permet de remplir le frigo de quelques légumes frais, pain frais, quelques bières aussi, deux petites entrecôtes et un morceau de poulet, puisque nous partons pour un temps incertain à Maupiti, mais plutôt longtemps et là-bas il n’y a pas grand-chose. Une visite chez la toate (la doctoresse) me confirme une otite carabinée, je pars avec mes antibiotiques et les anti-douleurs (c’est fou ce que ça peut faire mal ces otites, en plus de m’empêcher de me baigner, de kite, de plonger, etc…).
A 11h, on lève le camp, direction Bora Bora pour y passer la fin de journée et la nuit, car pour se rendre à Maupiti il faut impérativement arriver en marée montante, avec une faible houle, et peu de vent … la passe peut être « sévère grave méchante » … ce qui veut dire un départ de Bora mardi matin à 5h30 pour parcourir les 30 miles qui nous mèneront à la passe Onoiau, la passe Sud de Maupiti.
La navigation jusqu’à Bora est un vrai moment de bonheur, petits airs, pas de mer, le bateau file sur l’eau sans heurts, la température est douce, et les lignes trainent à l’arrière de Myriades.
Quelques centaines de mètres avant la passe de Bora, dzzzzzzzz, les deux lignes se mettent à siffler et à débobiner à fond de train. Un premier poisson nous fait faux bond, puis le second lui reste bien accroché à son hameçon. On remonte un joli petit thon Yellowfin de 8 kg, qui, une fois débité, nous permet de mettre 2kg700 de filet dans le frigo ! Youhouhou !!! Mais ça fait un peu trop pour nous, alors on fait le tour du mouillage et puis on distribue nos filets tout frais, c’est aussi l’occasion de faire de nouvelles rencontres bien sympa.
Et Maupiti, on vous la montre dans le prochain article, bisous bisous doux.