On ne peut parler de Raiatea, princesse du Pacifique, sans parler de sa sœur Tahaa ; presque symbiotiques, elles sont indissociables puisque toutes les deux puisqu’elles sont enceintes du même lagon, mais néanmoins très différentes. L’une est haute et escarpée, l’autre est plus douce et aplatie, l’une est longue et l’autre est ronde, les deux sont sauvages et leur côte dentelée, Tahaa est néanmoins plus authentique et plus abritée du tourisme puisqu’elle est desservie seulement par bateau.

Raiatea était appelée Hawaii aux temps anciens, et considérée comme le berceau originel de la culture polynésienne. Centre culturel, historique, politique et religieux. C’est de là que sont parties des doubles pirogues en direction des Australes, des Gambiers, de l’Ile de Pâque, de Hawaï et de la Nouvelle Calédonie, chaque expédition emportant avec elle un morceau de terre et de basalte de Raiatea, un morceau du marae local, pour l’utiliser comme fondation des nouvelles communautés en arrivant à destination.

Le marae sacré de Raiatea, le plus célèbre, est celui de Taputapuatea, lieu essentiel et fondateur de la culture polynesienne. C’est ici que les rites principaux jalonnant la vie des rois se déroulaient. Lieu hautement spirituel et religieux, c’est aussi ici qu’ils venaient parler politique, commerce, alliances, développement. 

Il y règne un calme, une sérénité, une atmosphère très particulière qui résonne et vibre de l’au-delà, dans l’eau de là.

On a commencé par atterrir (puisque oui, même en bateau on atterrit lorsqu’on arrive à la destination visée ; on parle notamment de bouée d’atterrissage, grosse bouée rayée de bandes verticales rouge et blanc, qui est aussi une marque d’eaux saines -soit des eaux sans danger pour la navigation- et qui permet de viser en général l’entrée d’un chenal) je referme la parenthèse et je reprends, … , donc on commence par atterrir à Nao Nao, petit motu isolé tout au sud de Raiatea.

On a quitté Moorea la veille en fin de journée, pour une petite nuit de nav « tranquille », pour pouvoir arriver à la passe de Nao Nao dans la matinée. La houle est dans le bon sens, le vent aussi, l’arrivée se fait tout en douceur. On avance le long du motu recouvert de cocotiers bien vert, le long d’une langue de sable doré, dans un lac turquoise intense plat et presque fluo, puis on voit le fond remonter de manière assez abrupte, et on se retrouve dans quelques petits mètres d’eau transparente où on laisse filer l’ancre.

On passe quelques jours à Nao Nao presque seuls, on se régale de bords de kite dans les conditions idéales (vent de la mer bien soutenu, et eau plate protégée par la barrière de corail, c’est le summum !) avant que ne débarquent plein de catamarans de location. Raiatea est une base majeure chez les croisiéristes, car depuis Raia, on peut partir facilement dans les îles avoisinantes en faisant des petites navigations (entre 4 et 12h) et bénéficier d’un terrain de jeu idéal pour découvrir plusieurs atolls en quelques jours ou semaines, sans changer d’archipel. Et puis les îles de la Société ont ceci de magnifique : elles sont montagneuses et entourées d’eau transparente, relativement peu poissonneuses et donc peu habitées par les requins. Ça offre une grande variété d’activités, et diversité de paysages assez sympa !

On remonte dans le lagon du sud au nord, et on s’arrête en cours de route pour aller visiter le Jardin Botanique. C’est trop cool, on peut y aller en annexe. On s’enfile sur la rivière verte Faaroa, on remonte en serpentant sous un couvert de végétation majestueux, où les cieux se mirent dans l’étendue liquide. Balade hors du temps, juste au rythme de l’eau qui s’écoule en murmurant.

Balade en nature encore avec Kiam, un jeune guide local, qui nous emmène à la découverte des Trois Cascades. Comme beaucoup de Tahitiens, Kiam est chaussé à la mode du cru : méduses avec chaussettes de tennis. C’est absolument ravissant ces petites sandales en plastique qui chaussent les pieds des bambins qui courent sur les plages bretonnes, mais quand c’est en pointure 47, c’est moins mignon, haha. Kiam est surtout remarquable par ses connaissances relatives à la Polynésie, la faune et surtout la flore endémique, l’histoire de son pays au sein de cet espace géopolitique mondial. C’est un expert pointu et passionné, qui peut ouvrir n’importe quel chapitre qui t’intéresse et qui sait aussi parler de tout autre sujet qui ne touche pas particulièrement son pays. Né sur un bateau français en Polynésie, il a fait ses classes à Raiatea, puis à l’heure du lycée, il est parti en France. Il a tenté de s’y intégrer et d’y suivre ses études, mais s’est toujours senti « à part » et jamais intégré, car il ne connaissait pas du tout les codes du monde des jeunes adultes européens. Très vite, l’appel de Raiatea a été plus fort que tout, et il a choisi de s’y consacrer. Il passe son temps maintenant entre balades avec les touristes, et autres scientifiques qui se nourrissent de ses connaissances pour mener différents projets et études. Un vraiment chouette bonhomme !

Il nous fait découvrir la forêt locale qui abrite bambous géants, ylang-ylang, mape, fougères géantes, gingembre, purau, tarua, goyaviers, etc… On marche au milieu du vert sur un sol très souple, et parfois on s’accroche aux cordes pour passer des petits murs de basalte, on chemine parfois aussi le long de la rivière, on y croise des kerns et des vasques d’eau claire, et puis on se régale des fameuses trois cascades, la dernière chute mesurant quand-même 40 mètres. L’eau y est rafraichissante, saisissante, un vrai bonheur après notre marche.

Sinon Raia, c’est une petite ville marchande sans grand intérêt, un marché local ouvert le matin où on trouve des fruits et légumes principalement locaux (complétés par ce qui arrive par bateau ou par avion en provenance des autres iles), un peu d’artisanat local (tressage de végétaux, paréos, colliers de coquillages, mais aussi beaucoup de chinoiseries), deux supermarchés plutôt bien achalandés, un-deux bistrots, quelques snacks qui vendent les éternels poulet-frites, burger-frites, chaumen (plat de nouilles chinoises) et autres casse-croûte (demi baguette de pain industriel, garnie de mayo-ketchup-oignons-carottes-jambon/poulet, avec une portion de frites entres les deux épaisseurs de pain), cocas et autres sodas (mais pas d’eau !) … vous comprenez à cette description pour le polynésien est plutôt de type rond et bien en chairs ?

Depuis Raiatea, on décide un jour d’aller à la découverte de Tahaa et d’en faire le tour en vélo. En consultant les guides, on réalise que ce n’est pas tout simple d’aller de notre bateau (qui est dans un port au nord de Uturoa) aux trois vélos électriques que nous avons réservé à Tahaa, au village de Haamene. On part du port à pied, on imaginait prendre un bus mais il n’y en a pas, on réalise qu’on a pas mal de kilomètres donc on fait du stop jusqu’au port principal d’où partent les navettes pour Tahaa. Arrivés au port, il n’y a pas de navette à l’heure prévue … mhhh … on trouve finalement un bateau taxi qui nous amène jusqu’à Tahaa, mais pas dans la bonne baie (on arrive à Poutoro). Le gars de la navette nous met en contact avec un de ses amis « qui passe par là », et qui moyennant finance nous véhicule jusqu’au village où nous retrouvons nos vélos. Le retour sera plus simple, on réussira à prendre la bonne navette cette fois !

Tahaa, c’est un petit bijou hyper naturel, simple, authentique, qui vit à un rythme tout tranquille, où la nature est très généreuse. Tout semble y pousser, et notamment la vanille. Je crois que 80% de la production de vanille provient de Tahaa. On la nomme d’ailleurs Ile Vanille. C’est une ile toute villageoise, faite de bonhomie et de simplicité. Les gens qu’on y croise sont tous accueillants, et vivent au rythme de leur nature, Mère de leur univers à tout instant de leur vie.

On entame notre balade autour de l’ile, on passe de crique en crique, parfois entre lac et lagon, parfois entre montagne et lagon, l’eau change de couleur et l’eau est toujours là. On visite la Vallée de la Vanille, bien grand nom pour une petite production locale, où on nous raconte une culture différente que celle que nous avions découverte aux Gambiers. Ici les producteurs nous disent qu’il est essentiel que les pieds de vanille poussent sur un terrain en pente, et que la qualité de l’ombrage n’est pas si importante que ça. D’ailleurs la majeure partie des cultivateurs mettent des filets pour clôturer leur production, par-dessus et par les côtés, et les pieds de vanille poussent sur des tuteurs sans feuillage. C’est moins charmant que chez Rémy et Louise à Akamaru.

La gourmandise faisant partie de nos vilains défauts, ou grande qualité, ça dépend comment on regarde au travers du fond de la bouteille, on visite les deux rhumeries de l’île. Celle qui nous plaît le plus est celle de Pari Pari, qui cultive sa canne sur place et qui la distille sur place. L’entreprise a été créée par un parisien qui s’est lancé le pari de réussir sa vie ailleurs que dans sa capitale natale (d’où le nom de son rhum) et qui a bien relevé le défi ! Leur rhum est délicieux, parfumé, un régal !!! il a un seul défaut, majeur : il se laisse boire beaucoup trop facilement …  Et puis une caractéristique de taille aussi, c’est une femme qui gère toute la fabrication du rhum, qualité, distillerie, affinage, c’est unE Maître de chai et l’équipe est presque exclusivement féminine. C’est un endroit où on reviendra pour se réapprovisionner … b’en oui, quand c’est bon faut pas hésiter !!

Et puis en bouclant notre rando à vélo, on tombe sur une ferme perlière, et … on en pousse la porte puisque pour une fois l’accès au lieu de travail est praticable. Les fermes rencontrées jusqu’à ce jour sont en fait isolées dans le lagon sur leurs pilotis, et donc inaccessible à « pied ». Ici, la ferme est au bout d’un ponton, les pieds dans l’eau. Équipe super accueillante, qui nous présente toutes les étapes de la perliculture, de la nacre à la perle. On y voit les laveurs (au kärcher) qui délestent les nacres de leurs algues et autres parasites qui empêchent les huitres de filtrer l’eau correctement, ils passent leur journée à trimballer des sacs en filet à l’intérieur desquelles sont stockées les huitres, à les laver, contrôler, réparer, et les remettre à l’eau pour encore quelques semaines, puis il faudra ressortir les poches pour recommencer.  180’000 nacres devant la ferme … ça fait du job.

Tous les artisans rencontrés ont été dispos pour nous raconter leur histoire, partager leur savoir, transmettre les éléments essentiels à leur business ; des passionnés pour la plupart, qui sont heureux de nous faire découvrir un morceau de leur culture. Une gentillesse incroyable dont bien des gens devraient s’inspirer sur notre grand continent …

La suite des Aventures ? Eh bien ce sera Bora Bora, une nouvelle perle sur notre route polynésienne il parait … On va aller voir et on vous racontera bien sûr !
Mille bisous

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