Rangiroa, encore un atoll au nom évocateur, en tout cas pour les plongeurs puisque la passe Tiputa de Rangi fait partie des plus belles passes du monde … Faka c’était déjà le bonheur total, alors je ne sais pas à quoi on peut s’attendre « de mieux » que la passe de Tetamanu.
L’atoll est immense, très étendu, 75km sur 25, et bordé comme d’habitude par un liseré de corail très étroit, rarement au-dessus de l’eau. C’est un lieu qui vit du tourisme (beaucoup de plongeurs), du coprah et qui produit du vin … ! … oui oui, du vin. A base de raisins blanc et rouge. Nous n’avons malheureusement pas eu l’occasion de visiter la cave, mais de l’extérieur elle ressemble à un simple hangar en parois métallique, rien de semblables à nos chais et autres caves dans de belles bâtisses implantées les vignobles suisses et français. Par curiosité, nous avons goûté ce produit d’exception (car oui, faire grandir de la vigne sur du corail, c’est exceptionnel, et élever du vin sous ces chaleurs et latitudes, c’est exceptionnel aussi !), nous avons choisi le blanc et le rosé vu la température du jour, et … eh bien il n’a rien d’exceptionnel en termes de qualités gustatives. A mon avis, il n’y aura pas de grands débouchés, hormis de manière très locale pour faire fleurir la diversité des produits polynésiens. Ils ont le mérite d’essayer, de créer de l’emploi, de dynamiser l’économie locale et de chercher des alternatives à l’importation … donc bravo à eux !
Le village est étendu sur les 10 km qui séparent les deux passes, mais tout se regroupe principalement au bord des passes. A l’image des villages polynésiens, maisons de parpaing et tôle ondulée, jardins personnels avec leurs quelques arbres à pain, feuillages variés, cocotiers, petites clôtures autour des maisonnettes, terrains dégagés, chiens en liberté, les habitations ici sont éloignées les unes des autres et on a l’impression qu’elles ont été construites à la « va comme je te pousse », là où chacun s’est dit « tiens, et si on s’installait ici ? on sera tranquille » … Donc pas vraiment de centre de village, on découvre un lieu un peu sans vie, pas de marché (covid) pas d’artisans, pas d’enfants qui chahutent ; des rues-routes parfois cimentées et la plupart du temps en soupe de corail, sauf la route principale qui va d’une passe à l’autre, qui est, elle, goudronnée. On est à Rangi en pleine pandémie Covid, période pendant laquelle les polynésiens sont assez réfractaires à la vaccination, donc tout est fermé. Ou soumis à des régimes très stricts de fréquentation. Car ici les infrastructures médicales sont minimes. On a eu l’occasion de rencontrer Yves, le médecin popa qui est en mission ici pour 6 mois. Il a pris sa retraite depuis peu, et se met à disposition des communes qui ont besoin de renfort ; on découvrira plus tard que ça n’a rien à voir avec du bénévolat, mais on applaudit en tout cas sa démarche et le temps qu’il consacre à son métier pour venir en aide dans les différents atolls.
On fait connaissance de ce médecin, grands yeux bleus cachés par grand sourire perché tout en haut de ses 190 cm, abrités du soleil sous un canotier et une chemisette blanche lignée de rouge, pantalons longs et clairs, chaussures fermées, quelle élégance pour un médecin qui part travailler en zodiac. On l’approche pour savoir comment on peut se faire vacciner, puisque les vaccins sont réservés aux résidents. Il nous explique que les locaux étant encore réticents à se faire vacciner, il a régulièrement des doses à donner à la fin de ses journées « vaccinodrome » (qui ont toutes leur lot de candidats n’honorant pas leur rdvs) et dans ces cas-là, il fait le tour des équipages intéressés. On s’inscrit donc sur sa liste, et quelques jours après, on le voit débouler avec son zozo, sauter dans le cockpit avec son sac de travail, et sortir de son petit sac réfrigérant 2 seringues et un petit flacon contenant « le graal » pour pouvoir toucher terre et reprendre l’avion quelques mois plus tard. C’est aussi cette injection qui nous permet d’être maintenant déclarés dans le système polynésien, et qui nous sert d’alibi pour rejoindre Tahiti (on ne peut pas recevoir de seconde dose Pfizer ailleurs qu’à Papeete).
Avec nos parisiens en visite, on est allé plonger dans la passe de Tiputa, puisqu’on avait très envie de nager avec les dauphins. Il est très très fréquent ici d’en voir cabrioler dans les vagues qui déferlent, et faire toutes sortes d’acrobaties. On est descendu sur le tombant extérieur, et puis on a laissé le courant nous porter pour revenir vers l’entrée de la passe, en espérant voir un peu de beaux-gros poissons. B’en les dauphins n’étaient pas au rendez-vous ce jour-là, on a vu quelques requins, un deux petits thons, un joli banc de barracudas, et plein de poissons variés et colorés dans les 5 premiers mètres sous la surface, mais pas d’acrobates des mers … sniiiif ! (les photos qui suivent ne sont pas les nôtres, mais c’est ce qu’on a vu …)
On a profité de cet atoll aussi pour créer notre propre paréo, souvenir polynésien par excellence. On est arrivées de bon matin chez une artisane locale qui enseigne les danses traditionnelles et qui anime des ateliers « peinture sur paréo ». Elle avait déjà préparé les toiles de coton sur leur cadre, et tracé les motifs, il ne nous restait qu’à choisir nos couleurs et colorier ces 2m2 tout blanc. Un poil frustrée de ne pouvoir esquisser mon propre motif, mais grand plaisir de barbouiller mon tissus de couleurs intenses et puissantes. Le résultat est plutôt sympa et surtout unique.
Juste avant le départ des parisiens, le temps s’est levé, ou plus exactement le vent s’est levé Sud Sud Est, ce qui a rendu le mouillage extrêmement chahuteur et inconfortable … on a passé notre dernière soirée chacun couché dans son coin à patienter que la mer se calme (pour calmer nos propres estomacs), ce qu’elle n’a pas fait. Du coup, comme le weekend s’annonçait et que Covid oblige, le confinement était obligatoire du vendredi soir 22h au dimanche soir 22h, on a décidé d’aller passer le weekend à l’hôtel. Là-bas au moins on avait le droit de se balader dans le parc, de sortir de notre chambre, d’aller à la plage, au restau, et même de savourer le bonheur d’un massage … délices que nous ne connaissons pas dans le bateau. Et quand les polynésiens sont confinés, il n’ont pas le droit de sortir de chez eux ni d’aller sur l’eau, alors il serait totalement indécent de soi-même ne pas respecter les consignes et batifoler dans l’eau sous leurs yeux …
Après un délicieux weekend à se faire bichonner, les vents n’étaient toujours favorables pour nous rendre ni au lagon bleu, ni aux sables roses, deux endroits parait-il très beaux, donc on est ressorti de l’atoll, et on a continué à l’ouest, direction Tikehau !
Tikehau c’est un joli atoll tout rond, avec un mini village (deux épiceries, une infirmerie, une école, une mini-poste, un terrain de foot, 2-3 snacks, un club de plongée), une ancienne ferme perlière abandonnée, une communauté religieuse qui offre un cadre de retraites idéal en temps non-covid (actuellement seules deux familles y résident, et vivent quasi en autonomie), et … c’est tout.
Sinon c’est la nature et encore la nature. Sous l’eau, les raies Manta nous régalent de leur ballet lorsqu’elles viennent à leur station de lavage, se faire nettoyer les branchies, la bouche, le dos, les nageoires et la peau par des petits labres. Elles tournent pendant une grosse demi-heure autour du même bloc de rochers, chacune à son tour puis s’en vont avaler leurs litres d’eau qu’elles filtrent pour se nourrir du plancton qu’elles y trouvent.
Au-dessus de l’eau, c’est l’atoll et son platier connu où il est toujours chouette d’aller marcher en fin de journée, sentir la puissance de l’océan et la fraicheur du vent, glaner quelques coquillages ou pics d’oursins crayons ; et puis c’est aussi l’ile aux oiseaux : tout petit morceau de terre au milieu de l’atoll, où nichent quelques espèces d’oiseaux endémiques, en nombre impressionnant, et sans aucune crainte de l’homme. Ils nichent à plusieurs dans chaque arbre, chaque buisson, parfois on voit des œufs à même le rocher, et nous regardent déambuler sans s’inquiéter. On trouve des fous bruns, les délicate sternes blanches, les fous masqués de Nazca, ou encore de très nombreux noddi bruns et leurs petits oisillons duveteux.
Il parait que les 500 Tahitiens vivent sur cette terre la surnomment « la maison d’un monde tranquille ». Des générations de pêcheurs vivent de la mer, synonyme d’une vie de paix et d’abondance. C’est vrai que c’est calme, serein et paisible. Peu de bateaux dans l’atoll, on peut se croire seuls au monde très facilement. Le bord du motu nous offre un abri idéal, protégé des vagues et pile dans l’axe du vent : le bonheur pour les kiteurs ! On a la chance d’y rencontrer un bateau avec une famille à bord qui kitent eux aussi, et on a surtout la chance de kiter en même temps qu’eux ; c’est tellement plus stimulant, joyeux et motivant ! Les journées se déroulent à un rythme tranquille, rien ne nous presse pendant quelques jours, hormis savourer ce qui est là, ici, maintenant. La suite arrivera bien assez vite.
Prochaine étape : Tahiti et la grande ville de Papeete, capitale de la Polynésie. 150’000 personnes vivent sur cette île, ça va nous faire un choc ce retour à la civilisation !! il est urgent de rester encore quelques jours à jouer les Robinson sur notre bande de sable bordée de cocotiers.