Vendredi 15 février, après 5 jours de grand bleu, l’ile de Sal s’approche ; au-dessus de la brume pointent deux petits volcans qui flirtent avec les nuages. De loin, on découvre une petite île assez plate, aride, sèche. Jolie navigation avec un vent ¾ arrière qui nous permet de faire des petits surfs à plus de 9 nœuds, vrai plaisir ! On enroule, on affale la GV et on mouille dans le port de la Palmeira, petit port de pêcheur et port commercial aussi, deux bassins différents. D’ici part le ferry une fois par semaine pour Mindelo, le jeudi. Et les billets sont en vente seulement le lundi, tôt si tu veux avoir une place … La Palmeira est le seul port de Sal où on peut faire les formalités douanières. On y déclare le bateau, et ses passagers. Le bateau doit être déclaré entrant/sortant de chaque île, nous seulement une entrée/sortie du Cap Vert. Douane, immigration, et police portuaire. Trois fonctionnaires dans leur uniforme bleu marine à galons dorés, très élégants, le flingue sur la cuisse musclée, le sourire aimable, les yeux un peu rieurs quand ils t’écoutent baragouiner quelques mots en portugais, qui tuent le temps en surfant sur leur téléphone, les mouches volent, les fenêtres sont petites et fermées, les pièces sombres. Le village n’est pas grand, presque toutes les maisons ont un seul niveau, des façades de briques portugaises colorées, des fenêtres et des portes qui se ferment avec une tôle ou des volets, quelques fois des vitres aussi, souvent abritées. Quelques immeubles à deux étages en bordure de bled, en périphérie loin du centre ville historique (zoomez un peu sur Google Earth pour voir l’étendue du village …). Pas d’arbres (ah si, un ou deux, sur la place des pêcheurs !), rare végétation, il faut arroser pour que ça pousse, et ici l’eau est une denrée précieuse. Elle vient de la mer, l’usine recrache le sel pour délivrer une eau potable à toute l’ile. Donc on arrose son cactus ou le palmier planté devant la maison, mais ça s’arrête là. Devant les maisons par contre, il y a souvent une table et quelques chaises, où se retrouvent à l’ombre les copains et les voisins pour une partie d’awalé, au son de la musique locale. Chacun se trimbale avec sa boom-boom-box dans la main, la musique fait vraiment partie du quotidien !
Sal c’est du sable, deux-trois petits volcans, du vent, de la poussière, une terre super friable, beige, grise, les couleurs sont claires, les arbres poussent « avec » le vent, grillés et secs « au vent », quelques pousses vertes « sous le vent », bas sur l’horizon, végétation rase quand elle est là.
Sal c’est les salines et les marais salants, dans des tons bleu blanc rose, où le travail quotidien des pêcheurs de sel est rude, un vrai labeur, sous le soleil brûlant, dans leurs bottes jaunes avec leur brouette jaune, à coup de pelle ils déplacent un petit tas de sel jusqu’à un moins petit tas de sel, et de ce moins petit tas de sel ils repellent pour le déplacer jusqu’à un petit tas de sel un peu plus gros, jusqu’à ce que finalement de tas en tas, le gros tas arrive au bord de la route où le camion vient se faire charger, à coup de pelle à nouveau, toujours sous le soleil grillant .. heureusement il y a un peu de vent pour tenter de les rafraichir. Et puis surtout le rythme local : no stress ! c’est leur moto, leur hymne, leur crédo : no stress !
Sal c’est le plaisir de se déplacer en aluguers, le bus local : un minivan qui peut charger jusqu’à douze personnes et qui fait la navette entre les différents points de l’île. Leur particularité : ils ne partent que lorsqu’ils sont pleins ! donc parfois on fait trois fois le tour du village en sillonnant toutes les routes pour chercher des passagers et remplir le bus. On y croise les travailleurs, les promeneurs, ceux qui partent faire leurs courses, ceux qui rentrent chez eux, et ça cause, et ça raconte, et ça partage, parfois même ça chante sur ces quatre roues-là. Tout le monde semble se connaître, les uns interpellent les autres, une bonne blague, un grand sourire, … cette île est un peu comme un gros village.
Sal c’est aussi le plaisir de commencer à bidonner ! on se bidonne souvent, oui oui, mais là c’est de bidonner tout court dont il s’agit : prendre des bidons à gazoil et à essence vides sous le bras, un chariot à roulettes, mettre le tout dans l’annexe et nous avec, aller à la plage, hisser l’annexe sur la plage, partir avec nos bidons sous le bras pour prendre le premier aluguer qui passe par là, faire 10 minutes de route pour aller à la station-service, remplir nos bidons, les recharger sur notre petit chariot, traverser la ville pour reprendre un aluguer, mettre le tout dans l’annexe, descendre l’annexe sur l’eau, revenir au bateau, décharger les bidons, les vider dans les réservoirs en les siphonnant … suite au prochain port ou à la prochaine ville ! On pourrait faire pareil pour l’eau aussi, puisqu’ici les habitants vont à la fontaine municipale pour s’approvisionner en eau, mais on est relativement eauteauneaumes sur le sujet, et il suffit de limiter notre consommation à bord (et de passer les toilettes en « eau de mer ») pour tenir plusieurs jours sans problème !
Samedi 23 février 2019. Une semaine que nous sommes à Sal. Les premiers jours, nous nous sommes laissés immergés dans ce temps qui se dilue et se concentre selon le moment de la journée, il file dans un moment d’indolence aux heures chaudes, tu fermes les yeux trois minutes et te réveilles une heure plus tard, il refile dans l’attente du bus local, il surfile quand tu réalises que tu as mis 2h30 pour aller chercher 40 litres de gazoil à la pompe du village. Les journées sont aussi longues qu’en Europe, le soleil brille autant, mais le temps passe complètement différemment. Très vite. Trop vite. Ou alors c’est que nous avons carrément changé de rythmes personnels … c’est bien possible aussi !
Le dimanche à La Palmeira est occupé à se défouler, en musique et au rythme des tambours endiablés. Petit – tout petit – avant-goût de Carnaval ! Ca promet !! Le reste de la semaine, les hommes travaillent à la pêche ou jouent, pendant que les femmes vendent leurs petites poupées, colliers et autres souvenirs souvent plus africains que capverdiens. Il faut dire que la population ici est très métissée, de lointaines origines portugaises mélangées aux peuples africains, Sénégal, Guinée-Bissau, les visages sont multiples dans leur dessin et splendides. Les sourires toujours accueillants, le regard pétillant.
On a flemmé au village du nord, le temps de répondre à 2-3 obligations « terriennes et administratives », on est allé visiter le sud de l’île, avec Santa Maria (la grande ville touristique qui construit qui construit des kilomètres de « resorts » hoteliers) et le spot de kite du coin où évolue un champion du monde de la vague : Mito. Il y a créé son école (Mito & Djo Kite School – Santa Maria – Cabo Verde, allez voir sur le net, c’est pas mal), et je dois dire qu’il y a beaucoup beaucoup de monde sur l’eau, là … pas pour nous ! Trop de vagues et trop de voiles ! Et des vagues il y en avait beaucoup trop pour dormir bien sur le bateau, du coup, on est remonté à La Palmeira. Et comme Marco (notre futur équipier pour la transAt) était là lui aussi, on l’a embarqué pour une journée de nav ; ce qui est cool, c’est que Hervé et lui ont pu préparer le matériel de kite et la voile depuis le bateau, tout envoyer à l’eau pour partir kiter directement depuis le bateau, et ça marche bien ! on a pu démystifier la technique, et ça nous permettra facilement maintenant de kiter n’importe où, sans mettre du sable partout en plus 😊
L’ile est pauvre, la nourriture y est bonne même si rudimentaire, et le principal ingrédient est le poisson bien évidemment ! les capverdiens vivent principalement du tourisme et de la pêche, et ils vendent le produit de leur travail à même le quai, au soleil ou à l’ombre de quelques parasols, et haranguent les passants (locaux et touristes) pour leur vendre leurs bonites, rougets, dorades, merlus, poulpes, langoustes, et autres poissons locaux dont on ne connait pas le nom). Les femmes, assises sur leurs bidons ou filets, écaillent et vident les petites bêtes, en discutant en rigolant en souriant aux touristes qui les prennent en photo, les hommes vont et viennent avec les brouettes pleines de poissons pour recharger les « étals » c’est-à-dire les poser à même le sol, ou discutent entre eux assis sur leur tas de filets.
Voilà pour un petit tour d’horizon de notre première ile capverdienne. Sao Nicolau nous appelle ! On lève les voiles dans un petit moment pour 80 Nm qu’on attaquera au coucher du soleil, pour une nuit en mer et une arrivée sur cette nouvelle île de jour. Le bateau est jaune, poussiéreux, le sable s’insinue partout, les cordages ont changé de couleur et sont raides comme des manches à balais, les voiles sont protégées heureusement, et on vit plutôt fenêtres fermées dans le bateau pour éviter que les dunes envahissent la cale … Vivement la prochaine pluie pour laver tout ça ! Mais a priori, ce n’est pas prévu avant un bon mois !
Bisous doux à vous toutes et tous !!!
Génial
Magnifique récit
Merciii